Le Quotidien du 9 juin 2021 : Avocats/Responsabilité

[Brèves] Faute de l’avocat qui ne régularise pas une assignation au fond & évaluation du préjudice

Réf. : CA Rouen, 12 mai 2021, n° 20/03250 (N° Lexbase : A80584RU)

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par Marie Le Guerroué

le 08 Juin 2021

► En ne régularisant aucune assignation au fond, contrairement à ce qui lui avait été demandé par son client, l’avocat a commis un manquement à ses obligations contractuelles.

Faits et procédure. Une banque avait consenti à une SARL un prêt professionnel d'un montant de 472 600 euros. Les deux co-gérants de la société emprunteuse s’étaient portés cautions solidaires. Le redressement judiciaire de la société ayant été prononcé, la créance de la banque avait été admise pour un montant de 491 240,48 euros à titre privilégié.

La banque avait fait assigner la société d’avocat qui la représentait devant le tribunal de grande instance d'Alençon afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 217 499,50 euros au titre de sa responsabilité civile professionnelle pour avoir omis d’engager une action. La cour d'appel de Rouen statue, dans cette affaire, sur renvoi après cassation. 

La Cour de cassation (Cass. civ. 1, 9 septembre 2020, n° 19-19.351, F-D, N° Lexbase : A54943TN) avait dans un arrêt du 9 septembre 2020 constaté que pour rejeter la demande indemnitaire formée par la banque, après avoir admis que l'avocat avait commis une faute en omettant d'engager une action contre les cautions et que cette action avait des chances de succès, la cour d'appel de Caen (CA Caen, 14 mai 2019, n° 17/01058 N° Lexbase : A2247ZBT) avait retenu que la banque échouait à rapporter la preuve de ses chances raisonnables de recouvrement de sa créance. Elle avait relevé qu'en statuant ainsi en considération de perspectives de recouvrement étrangères aux chances de succès de l'action que l'avocat aurait dû exercer, la cour d'appel avait violé les articles 1147 (N° Lexbase : L0866KZ4) et 1149 (N° Lexbase : L0864KZZ) du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK), alors que le préjudice subi par un justiciable, privé, par la faute de son avocat, d'une chance de voir ses prétentions accueillies par une juridiction, doit s'apprécier exclusivement au regard de la probabilité de succès de l'action envisagée. La Cour de cassation avait censuré l'arrêt rendu, dans cette affaire, par la cour d'appel de Caen.

  • Sur la faute

La cour d’appel de Rouen rappelle qu’en vertu de l'article 1147 ancien du Code civil, applicable au litige, le débiteur est condamné au paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de son obligation et, en vertu de l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 (N° Lexbase : L6025IGA), l'avocat doit conduire jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission. Dans ce dernier cas, il en informe son client en temps utiles pour que les intérêts de celui-ci soient sauvegardés.
La cour fait sienne l’analyse du premier juge retenant la faute de l’avocat après avoir constaté que la banque justifiait avoir demandé, à deux reprises à ce qu'une assignation au fond soit entreprise à l'égard des cautions du prêt bancaire accordé de la société dont ils étaient gérants, et en retenant qu'il n'était pas contesté qu’il était l'avocat habituel de la banque dans le département de la Sarthe. Elle énonce la solution susvisée.

  • Sur le préjudice

La cour rappelle qu’il convient de rechercher, pour évaluer le préjudice pouvant résulter de la faute de l'avocat, s'il existait une chance sérieuse de succès de l'action en paiement qu'il avait été chargé d'engager, en reconstituant fictivement, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats, la discussion qui aurait pu s'instaurer devant le juge (Cass. civ. 1, 2 avril 2009, n° 08-12.848, F-P+B N° Lexbase : A5253EEB). À ce titre, la cour constate que les chances de succès de la banque apparaissaient très sérieuses. Elle fixe à la somme de 160 000 euros le préjudice subi par la banque au titre de cette perte de chance. À noter, qu’en première instance, le préjudice de la banque avait été évalué à 10 875 euros.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La responsabilité civile professionnelle de l'avocat, Le montant de la réparation du préjudice causé par la défaillance de l'avocat, in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E40493RE).

 

 

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