Le Quotidien du 31 mai 2021 : Procédure civile

[Brèves] Dispositif des conclusions d’appel : quid de l’application dans le temps de la solution nouvelle de la Cour de cassation ?

Réf. : Cass. civ. 2, 20 mai 2021, deux arrêts, n° 20-13.210, F-P (N° Lexbase : A25324SL) et n° 19-22.316, F-P (N° Lexbase : A25334SM)

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par Alexandra Martinez-Ohayon

le 04 Juin 2021

► Les arrêts rendus le 20 mai 2021, par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation illustrent un revirement de sa jurisprudence antérieure (Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA), dont il résultait que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; afin de ne pas priver les appelants du droit à un procès équitable ; les arrêts du 20 mai 2021, énoncent que l’application immédiate de cette règle de procédure, dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de la décision précitée, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

Dans la première affaire, un tribunal de commerce a déclaré prescrite l’action du demandeur tendant à la nullité de la cession des parts sociales d’une société et déclaré irrecevable sa demande en paiement des dividendes pour défaut de qualité et d’intérêt à agir. Il a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Il ressort de l’arrêt (CA Bastia, 29 janvier 2020, n° 18/00182 N° Lexbase : A33713D9), que la cour d’appel, pour confirmer le jugement de première instance a retenu que le dispositif des conclusions de l’appelant, tendait à dire et juger que l’acte de cession des parts est nul et de nul effet. Par ailleurs, l'arrêt a constaté que la société défenderesse prise en la personne de sa gérante a renoncé à se prévaloir de la prescription, et a condamné la société à lui payer une certaine somme au titre des dividendes qu’il aurait dû percevoir, ainsi qu’à une condamnation au titre l’article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG), sans préciser, au préalable, qu’il demandait l’infirmation du jugement entrepris.

Dans la seconde affaire, le 6 juillet 2017 des époux ont interjeté un appel à l’encontre d’un jugement rendu par un tribunal de grande instance.

La cour d'appel dans son arrêt (CA Bastia, 10 juillet 2019, n° 17/00544 N° Lexbase : A5848ZIG), a retenu que les appelants se sont abstenus de conclure expressément à la réformation ou à l’annulation du jugement déféré.

Solutions. Énonçant les solutions précitées, aux visas des articles 542 (N° Lexbase : L7230LEI) et 954 (N° Lexbase : L7253LED) du Code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) et selon un moyen relevé d’office, la Cour de cassation censure les raisonnements des juges d’appel. Les Hauts magistrats ont considéré qu’en statuant ainsi, la solution nouvelle, n’était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont interjeté appel, et l’application de cette règle de procédure aboutirait à priver les appelants d'un procès équitable.

La Cour de cassation a annulé les deux arrêts d’appel.

Il convient de noter que la Cour de cassation avait décidé dans son arrêt (Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I) de moduler son application dans le temps en énonçant que cette règle ne concernait que les déclarations d’appel postérieures au 17 septembre 2020.

Pour aller plus loin : lire Ch. Simon, Aux délices des procéduriers : obligations de demander formellement l’infirmation dans le dispositif des conclusions d’appel et d’avoir l’autorisation du juge pour faire une mesure conservatoire à un domicile, Lexbase Droit privé, octobre 2020, n° 838 (N° Lexbase : N4668BYK).

Ces arrêts feront l'objet d'un commentaire groupé rédigé par Y. Joseph-Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes - Directeur adjoint de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble en charge de la prépa ENM - Membre du Centre de Recherches Juridiques, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

 

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