Le Quotidien du 10 mai 2021 : Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Passerelle « fonctionnaire de catégorie A / avocat » : la pratique du droit national reste indispensable

Réf. : Cass. civ. 1, 5 mai 2021, n° 17-21.006 (N° Lexbase : A04514R7)

Lecture: 7 min

N7457BYT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Passerelle « fonctionnaire de catégorie A / avocat » : la pratique du droit national reste indispensable. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/67754059-0
Copier

par Marie Le Guerroué

le 07 Mai 2021

► Les fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l’Union européenne, qui ont exercé en cette qualité au sein d’une institution européenne, ne peuvent se voir privés du bénéfice de l’article 98, 4° (N° Lexbase : L8168AID), en raison d’un exercice de leur activité en dehors du territoire français mais, conformément à la réglementation nationale exigeant l’exercice d’activités juridiques dans le domaine du droit national, pour assurer la protection des justiciables et la bonne administration de la justice, il y a lieu de déterminer si leurs activités juridiques comportent une pratique satisfaisante du droit national et que, dans ces conditions, la réglementation nationale ne heurte pas les articles 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

  • Faits et procédure

Une fonctionnaire de la Commission européenne, a sollicité son admission au barreau de Paris, sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l’article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, pour les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées, ayant exercé des activités juridiques pendant huit ans au moins dans une administration ou un service public ou une organisation internationale. Par un arrêt du 20 février 2019, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (la CJUE) de deux questions préjudicielles portant sur la compatibilité des articles 11, 2° et 3°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L8168AID) et de l’article 98, 4°, du décret précité, avec les articles 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

  • Réponses de la CJUE

L’accès à la profession d’avocat est réglementé par la loi du 31 décembre 1971, notamment par l’article 11, 3°, selon lequel nul ne peut accéder à cette profession s’il n’est titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2° du même article. Figure au nombre de ces dispositions l’article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié, aux termes duquel sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale. Répondant aux questions préjudicielles, la CJUE, par un arrêt du 17 décembre 2020 (CJUE, 17 décembre 2020, aff. C-218/19 N° Lexbase : A71634AK ; v., également, Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-21.006, FS-P+B+I N° Lexbase : A6338YXZ note A. L. Blouet-Patin, «Passerelle» de l’article 98, 4° : la seule maîtrise du droit de l’Union européenne ne suffirait-elle pas ? », Lexbase Avocats, mars 2019 N° Lexbase : N7817BXS), a dit pour droit que les articles 45 et 49 du TFUE doivent être interprétés en ce sens « qu’ils s’opposent à une réglementation nationale réservant le bénéfice d’une dispense des conditions de formation professionnelle et de possession du certificat d’aptitude à la profession d’avocat prévues, en principe, pour l’accès à la profession d’avocat à certains agents de la fonction publique d’un État membre ayant exercé dans ce même État membre en cette qualité, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale, et écartant du bénéfice de cette dispense les fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l’Union européenne qui ont exercé en cette qualité au sein d’une institution européenne et en dehors du territoire français » mais « qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale réservant le bénéfice d’une telle dispense à la condition que l’intéressé ait exercé des activités juridiques dans le domaine du droit national, et écartant du bénéfice de cette dispense les fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l’Union européenne qui ont exercé en cette qualité des activités juridiques dans un ou plusieurs domaines relevant du droit de l’Union, pour autant qu’elle n’exclut pas la prise en compte des activités juridiques comportant la pratique du droit national ». Dans son arrêt, la CJUE précise, d’une part, que la protection « des destinataires des services juridiques fournis par des auxiliaires de justice, d’autre part, que la bonne administration de la justice sont des objectifs figurant au nombre de ceux qui peuvent être considérés comme constituant des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions tant à la libre prestation des services [...] qu’à la libre circulation des travailleurs et à la liberté d’établissement » . Elle ajoute qu’ « il ne saurait être exclu, a priori, qu’un candidat issu d’une fonction publique autre que celle française, notamment de la fonction publique de l’Union, [...] ait pratiqué le droit français en dehors du territoire français de manière à en acquérir une connaissance satisfaisante » mais qu’il est « loisible au législateur français de fixer, de manière autonome, ses standards de qualité [...] et [...] de considérer qu’une connaissance satisfaisante du droit français [...] [peut] être acquise par une pratique de ce droit pendant huit ans au moins » (points 36 et 38). La Cour en déduit la solution susvisée.

  • Réponse de la Cour de cassation

Conditions discriminatoires (non). La Cour relève que l’arrêt énonce d’abord, à bon droit, sans s’attacher au lieu d’exercice des activités juridiques, que les exigences posées par l’article 98, 4°, ne créent pas de conditions discriminatoires à l’accès à la profession d’avocat, sont justifiées pour protéger le justiciable et pour garantir, par une connaissance satisfaisante du droit national, l’exercice des droits de la défense et qu’elles sont limitées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il constate, ensuite, que la fonctionnaire concernée remplit la condition de diplôme exigée et a travaillé pendant au moins huit ans dans différents services de l’Union européenne en qualité d’agent temporaire, de fonctionnaire stagiaire puis de fonctionnaire titulaire. Cependant, examinant in concreto les travaux et missions qui lui avaient été confiés, la cour d’appel a estimé que la demanderesse ne justifiait d’aucune pratique du droit national, lequel, même s’il intègre nombre de règles européennes, conserve une spécificité et ne se limite pas à ces dernières, et en a justement déduit qu’elle ne remplissait pas la condition dérogatoire relative à l’exercice d’activités juridiques dans le domaine du droit national. La Cour de cassation estime que les moyens ne sont donc pas fondés.

Méconnaissance de la Charte sociale européenne (non). La Cour précise encore que quelle que pourrait être la portée des dispositions de l’article 18 de la partie II de la Charte sociale européenne dans l’ordre interne, celles-ci ne sont pas méconnues par l’article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 qui ouvre l’exercice de la profession d’avocat à des ressortissants d’Etats membres, en se bornant à les soumettre, comme les nationaux, à certaines conditions justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général proportionnées à l’objectif de protection des justiciables. Le moyen est pour la Cour inopérant.

Rejet. La Cour rejette par conséquent le pourvoi.

À noter : la Cour de cassation avait déjà jugé à plusieurs reprises de la nécessité d’avoir une pratique du droit français, en France, pour justifier de la dispense d’examen (voir, déja, Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, n° 16-20.441, F-D N° Lexbase : A8421WLH ; Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.635, FS-P+B+I N° Lexbase : A9199SR7).

 

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les passerelles d'accès à la profession d'avocat, Le principe d'une dispense des fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie Ain La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E33453RC).

 

newsid:477457

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.