Le Quotidien du 11 février 2021 : Droit financier

[Brèves] Manquements d’initié : droit au silence de la personne poursuivie

Réf. : CJUE, 2 février 2021, aff. C-481/19 (N° Lexbase : A23374EB)

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par Vincent Téchené

le 24 Février 2021

► Une personne physique soumise à une enquête administrative pour délit d’initié a le droit de garder le silence lorsque ses réponses pourraient faire ressortir sa responsabilité pour une infraction passible de sanctions administratives présentant un caractère pénal ou sa responsabilité pénale ;

Cependant, le droit au silence ne saurait justifier tout défaut de coopération avec les autorités compétentes comme le refus de se présenter à une audition ou le recours à des manœuvres dilatoires

Faits et procédure. La Consob (commission nationale des sociétés et de la bourse, Italie) a infligé à une société des sanctions pour une infraction administrative de délit d’initié ainsi qu’une amende pour défaut de coopération. Dans le cadre de cette affaire, la Cour constitutionnelle italienne a été saisie d’une question incidente de constitutionnalité portant sur la disposition de droit italien sur le fondement de laquelle a été infligée la sanction pour défaut de coopération. Cette disposition sanctionne le défaut d’obtempérer dans les délais aux demandes de la Consob ou le fait de retarder l’exercice des fonctions de surveillance de cet organisme, y compris en ce qui concerne la personne à laquelle la Consob reproche un délit d’initié. La disposition concernée ayant été adoptée en exécution d’une obligation spécifique imposée par la Directive n° 2003/6 du 28 janvier 2003, dite Directive « Abus de marché » (N° Lexbase : L8022BBQ) et constituant actuellement la mise en œuvre d’une disposition du Règlement n° 596/2014 du 16 avril 2014, dit Règlement « Abus de marché » (N° Lexbase : L4814I3P), la Cour constitutionnelle italienne a  alors interrogé la CJUE sur la compatibilité de ces actes avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la Charte) et, plus particulièrement, avec le droit de garder le silence.

Décision. La Cour, réunie en grande chambre, reconnaît l’existence, en faveur d’une personne physique, d’un droit au silence, protégé par la Charte, et juge que la Directive et le Règlement précités permettent aux États membres de respecter ce droit dans le cadre d’une enquête menée à l’encontre d’une telle personne et susceptible de conduire à l’établissement de sa responsabilité pour une infraction passible de sanctions administratives présentant un caractère pénal ou sa responsabilité pénale.

En outre, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme relative au droit à un procès équitable, la CJUE souligne que le droit au silence, qui est au cœur de la notion de « procès équitable », s’oppose, notamment, à ce qu’une personne physique « accusée » soit sanctionnée pour son refus de fournir à l’autorité compétente, au titre de la Directive n° 2003/6 ou du Règlement n° 596/2014, des réponses qui pourraient faire ressortir sa responsabilité pour une infraction passible de sanctions administratives à caractère pénal ou sa responsabilité pénale. La Cour précise, à cet égard, que la jurisprudence relative à l’obligation pour les entreprises de fournir, dans le cadre de procédures susceptibles de conduire à l’infliction de sanctions pour des comportements anticoncurrentiels, des informations qui pourraient ultérieurement être exploitées aux fins d’établir leur responsabilité pour de tels comportements ne peut pas s’appliquer par analogie pour établir la portée du droit au silence d’une personne physique accusée de délit d’initié.

La Cour ajoute que le droit au silence ne saurait toutefois justifier tout défaut de coopération de la personne concernée avec les autorités compétentes, tel qu’un refus de se présenter à une audition prévue par celles-ci ou des manœuvres dilatoires visant à en reporter la tenue. Elle note enfin que tant la Directive que le Règlement se prêtent à une interprétation conforme au droit au silence en ce sens qu’ils n’exigent pas qu’une personne physique soit sanctionnée pour son refus de fournir à l’autorité compétente des réponses dont pourrait ressortir sa responsabilité pour une infraction passible de sanctions administratives présentant un caractère pénal ou sa responsabilité pénale. Dans ces conditions, l’absence d’exclusion explicite de l’infliction d’une sanction pour un tel refus ne saurait affecter la validité de ces actes. Il incombe aux États membres d’assurer qu’une personne physique ne puisse pas être sanctionnée pour son refus de fournir de telles réponses à l’autorité compétente.

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