Le Quotidien du 25 novembre 2020 : Droit disciplinaire

[Brèves] Affaire « Théo » : la Défenseure des droits recommande des poursuites disciplinaires et la réalisation d’une inspection

Réf. : Décision 2020-199 du 23 novembre 2020 relative à l'usage de la force par des fonctionnaires de police au cours d’un contrôle d’identité et d’une interpellation (N° Lexbase : X1224CKK)

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[Brèves] Affaire « Théo » : la Défenseure des droits recommande des poursuites disciplinaires et la réalisation d’une inspection. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61536500-0
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par Adélaïde Léon

le 16 Décembre 2020

► À l’heure où la faculté de diffuser les images des violences policières est plus que jamais fragilisée par l’article 24 de la proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale – lequel puni la diffusion malveillante d’images permettant l’identification de forces de l’ordre agissant dans le cadre d’une opération de police – la Défenseure des droits publie une décision imparable sur l’usage de la force par des fonctionnaires de police dans le cadre de l’affaire dite « Théo ».

« Rappelle qu’en application des dispositions de l’article R. 434-14 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9236IYQ), le fonctionnaire de police est respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d’une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ;

Rappelle que l’article R. 434-18 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9240IYU) prévoit que le policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace »

C’est ainsi que débute la décision n° 2020-199 rendue ce 23 novembre 2020 par la Défenseure des droits. La suite est une « démonstration implacable » [1] au cours de laquelle l’Autorité administrative indépendante documente et délivre son analyse des manquements déontologiques dont ont fait preuve non seulement les agents présents lors des faits mais également leur hiérarchie.

Le Défenseur des droits est, en France, l’autorité chargée de veiller notamment au respect des règles de déontologie qui encadrent les activités des professionnels de la sécurité, que celle-ci soit publique ou privée.

Dans le cadre de cette mission, l’institution avait été saisie par Monsieur Théodore Luhaka aux fins d’analyser les conditions dans lesquelles il avait, le 2 février 2017 à Aulnay-sous-bois, été interpellé et blessé à la suite d’un contrôle d’identité. Comme la Défenseure des Droits prend soin de le rappeler, lorsqu’elle rédige sa décision, une information judiciaire est en cours et il ne lui appartient pas de se substituer au juge judiciaire en se prononçant sur l’existence d’une infraction. La décision rendue ce 23 novembre 2020 étudie donc les circonstances de l’interpellation au regard des seules règles déontologiques applicables aux agents mis en cause.

Cette analyse intervient aux termes d’un rappel des faits particulièrement documenté, couvrant l’intervention depuis la décision des agents de réaliser un contrôle d’identité jusqu’à l’opération de Monsieur Lukaha aux urgences, et décrivant le comportement de chacun des protagonistes tel qu’il résulte « de l’analyse des pièces de l’information judiciaire, des procédures administratives diligentées par l’inspection générale de la police nationale, et de l’enquête réalisée par le Défenseur des droits ».

Sur le comportement des agents de la brigade spécialisée de terrain (BST). La Défenseure des droits estime notamment qu’au cours du contrôle un gardien de la paix n’a pas fait preuve « du calme et du professionnalisme que l’on peut attendre d’un fonctionnaire de police » augmentant ainsi le risque de dégradation de la situation. Elle relève ensuite qu’il existe un doute sur les motifs d’interpellation avant de constater qu’avant et après le menottage de l’intéressé, les agents de la brigade spécialisée de terrain ont fait usage de la force et que, dans ce cadre, plusieurs gestes réalisés étaient dangereux, non nécessaires, ni proportionnés. Il est particulièrement souligné qu’une fois l’intéressé maitrisé, assis au sol et menotté, « rien ne pouvait justifier l’exercice de la force à son égard ».

Sur la prise de photographie de la personne interpellée. S’agissant de la prise de photo de la personne interpellée durant son transport, la Défenseure des droits déclare que celle-ci, réalisée en dehors de tout cadre légal, était vexatoire et portait atteinte à sa dignité.

Sur le comportement des agents de la brigade anti-criminalité (BAC). L’autorité analyse également les agissements des agents de la BAC venus en « renfort ». Elle constate tout d’abord qu’aucun de ces derniers n’était porteur d’élément d’identification au mépris de leurs obligations professionnelles. La Défenseure des droits relève par ailleurs que plusieurs agents ont employé la force et utilisé des armes (notamment la grenade de désencerclement et le lanceur de balle de défense) en dehors de tout cadre légal et parfois sans même y être habilités.

Sur le rôle de la hiérarchie. Enfin, l’autorité administrative indépendante dénonce des manquements aux obligations de contrôle et de préservation des preuves attribués au commissaire divisionnaire en sa qualité d’autorité hiérarchique.

Décision de l’Autorité. Au terme de cette décision, et constatant la faiblesse des sanctions disciplinaires prononcées et l’accumulation des manquements, la Défenseure des droits recommande la réalisation d’une inspection, ainsi que des poursuites disciplinaires.

Cette décision est publiée le jour même du vote solennel à l’Assemblée nationale de la proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale (adoptée à 388 voix contre 104) dont l’article 24 punit la diffusion d’images permettant l’identification de forces de l’ordre, agissant dans le cadre d’une opération de police, lorsqu’elle a pour but qu’il soit porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique des fonctionnaires filmés. Hasard du calendrier ? On peut en tout cas envisager cette nouvelle loi à la lumière des dispositions du Code de la sécurité intérieure rappelées par la Défenseure des droits elle-même, lesquelles commandent aux fonctionnaires de police d’adopter une comportement « propre à inspirer en retour respect et considération ». Des dispositions propres à entraver la documentation des opérations de police ne conduiraient-elles pas, au contraire, à susciter méfiance et défiance ?

 

[1] N. Chapuis, Affaire Théo : la démonstration implacable d’une lourde série de manquements policiers, Le Monde, 24 novembre 2020 [en ligne].

 

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