Réf. : Cass. civ. 2, 5 novembre 2020, n° 19-17.062, F-P+B+I (N° Lexbase : A521333H)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 09 Novembre 2020
► L’assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation (N° Lexbase : L7887AG9), à l’exclusion du droit commun.
En l’espèce, lors du tournage d’une scène d’un film, M. et Mme X ont été heurtés par un véhicule conduit par l’un des acteurs et appartenant à M. Y, que ce dernier venait de prêter à la productrice pour remplacer un véhicule indisponible.
L’assureur de ce véhicule, ayant indemnisé M. et Mme X, avait exercé un recours subrogatoire à l’encontre de la société productrice, en invoquant à son encontre une défaillance dans la sécurisation des lieux de tournage, et de ses assureurs de responsabilité.
Décision de la cour d’appel. Pour déclarer la société productrice responsable, sur le fondement de sa faute, des conséquences dommageables de l’accident et la condamner in solidum avec son assureur à payer à l’assureur du véhicule la somme de 198 083,15 euros au titre de son recours subrogatoire, la cour d’appel avait retenu, tout d’abord, que, selon l’article L. 121-12, alinéa 1er, du Code des assurances (N° Lexbase : L0088AAI), l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur, et que l’article L. 211-1 du même code (N° Lexbase : L4187H9X) dispose notamment que les contrats d’assurance couvrant la responsabilité de toute personne physique ou toute personne morale autre que l’État, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule.
La cour d’appel avait relevé, ensuite, que l’assureur du véhicule exerçait toutefois son recours subrogatoire contre la société productrice en tant qu’organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de la faute, et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l’accident, et que le recours subrogatoire ainsi dirigé n’était pas régi par l’article L. 211-1, alinéa 3, du Code des assurances mais par l’article L. 121-12 de ce code, applicable aux assurances de dommages en général et aux assurances de responsabilité en particulier et que, bien qu’il n’envisageait expressément que la subrogation de l’assureur dans les droits de l’assuré, il était de jurisprudence constante que l’assureur pouvait se prévaloir, sur le fondement de cet article, d’une subrogation dans les droits du tiers victime qu’il indemnisait et exercer ainsi le recours qui lui appartenait contre le coresponsable de l’accident.
Les conseillers d’appel en avaient déduit que l’assureur du véhicule apparaissait recevable à exercer son recours subrogatoire à l’encontre de la société productrice en qualité de tiers coresponsable.
Censure de la Cour de cassation. Cette analyse est censurée par la Cour suprême qui rappelle les principes fondateurs en la matière.
D’une part, il résulte de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 que les victimes d’un accident dans lequel se trouve impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peuvent être indemnisées que sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.
Par ailleurs, selon l’article L. 211-1 du Code des assurances, les contrats d’assurance couvrant la responsabilité mentionnée en son premier alinéa doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, et l’assureur n’est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.
Il en découle, comme indiqué plus haut, que l’assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement de ce texte, à l’exclusion du droit commun.
Dès lors, en accueillant ainsi les demandes de l’assureur du véhicule à l’encontre de la société sur le fondement des articles 1382 et 1383, devenus 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9) et 1241 (N° Lexbase : L0949KZ8), du Code civil, alors qu’il résultait de ses constatations qu’un véhicule, dont le propriétaire n’avait pas été dépossédé contre sa volonté, était impliqué dans l’accident, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
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