Réf. : Cass. com., 30 septembre 2020, n° 18-22.076, F-P+B (N° Lexbase : A70353WH)
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N4822BYA
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par Vincent Téchené
le 07 Octobre 2020
► L'existence d'une collusion frauduleuse d’associés majoritaires au détriment d’un minoritaire est de nature à engager leur responsabilité civile ;
Tel peut être le cas lorsqu’une opération d’apport orchestrée par les majoritaires a conduit, par la sous-évaluation de la société et l'octroi corrélatif d’actions nouvelles à l’un d’eux, à priver illégitimement l’associé minoritaire, d’une partie de ses droits en diluant sa participation au capital de la société.
Faits et procédure. Le fondateur d’une SA, entreprise de production et de commercialisation de rhum, et propriétaire d’un fonds de commerce de distribution de spiritueux est décédé le 23 septembre 1968, laissant pour lui succéder ses trois enfants, M. D., R. D. et M.-C. D.. Aux termes d’un protocole transactionnel des 13 et 20 octobre 2005, les héritiers ont, d’une part, réparti le solde des droits indivis des actions du défunt dans la société anonyme entre deux d’entre eux (R. D. et M. D.) et, d’autre part, attribué le fonds de commerce l’un d’eux (R. D.) en pleine propriété, à charge pour lui d’en céder ou d’en apporter la propriété soit à la SA, soit à une société qui détiendrait les actions de cette société.
Le 6 juillet 2006, les actionnaires majoritaires de la société, réunis en assemblée générale extraordinaire, en l’absence de M. D., ont approuvé l’apport du fonds de commerce et décidé de l’augmentation du capital social par la création d’actions nouvelles attribuées à l’apporteur en rémunération de l’apport. M. D. est décédée le 6 mars 2007, laissant pour lui succéder, notamment, Mme M.-C. D..
Estimant que cette opération d’apport et d’augmentation de capital, ce dernier ayant été sciemment sous-évalué, avait été réalisée dans des conditions fautives aboutissant à la dilution de ses droits d’associée, Mme M.-C. D. a assigné en responsabilité civile R. D. et ses enfants ainsi que la société.
Arrêt d'appel. L’arrêt d’appel a rejeté ces demandes. Pour ce faire, il retient que la demanderesse, associée minoritaire n’établit pas que la société ne pouvait tirer un avantage suffisant de la maîtrise du réseau de distribution par l’apport du fond de commerce, pour justifier l’avantage consenti à l’apporteur, à savoir R. D..
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l'article 1382 du Code civil (désormais C. civ., art. 1240 N° Lexbase : L0950KZ9) et le principe selon lequel la fraude corrompt tout.
Elle retient qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'une collusion frauduleuse des majoritaires au détriment de l’associée minoritaire, de nature à engager leur responsabilité civile, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l’opération d’apport orchestrée par les majoritaires n’avait pas conduit, par la sous-évaluation de la société et l'octroi corrélatif d’actions nouvelles nombreuses à l’apporteur, à priver illégitimement l’associée minoritaire, d’une partie de ses droits en diluant sa participation au capital de la société, a privé sa décision de base légale.
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