La lettre juridique n°836 du 17 septembre 2020 : Internet

[Brèves] Première interprétation par la CJUE du Règlement de l’Union consacrant la neutralité d’internet

Réf. : CJUE, 15 septembre 2020, aff. C-807/18 (N° Lexbase : A66143T7)

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N4516BYW

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par Vincent Téchené

le 16 Septembre 2020

► Les exigences de protection des droits des utilisateurs d’internet et de traitement non discriminatoire du trafic, issues du Règlement n° 2015/2120 du 25 novembre 2015, établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert (N° Lexbase : L4988KR8), s’opposent à ce qu’un fournisseur d’accès à internet privilégie certaines applications et certains services au moyen d’offres faisant bénéficier ces applications et services d’un « tarif nul » et soumettant l’utilisation des autres applications et services à des mesures de blocage ou de ralentissement.

Faits et procédure. Une société (le fournisseur d’accès), établie en Hongrie, fournit notamment des services d’accès à internet. Parmi les services proposés à ses clients figurent deux offres groupées d’accès préférentiel (dites à « tarif nul ») ayant pour particularité que le trafic de données généré par certains services et applications spécifiques n’est pas décompté dans la consommation du volume de données acheté par les clients. En outre, ces derniers peuvent, une fois épuisé ce volume de données, continuer à utiliser sans restriction ces applications et ces services spécifiques, pendant que des mesures de blocage ou de ralentissement du trafic sont appliquées aux autres applications et services disponibles. Après avoir ouvert deux procédures visant à contrôler la conformité de ces deux offres groupées avec le Règlement n° 2015/2120, l’autorité hongroise des communications et des médias a adopté deux décisions par lesquelles elle a considéré que celles-ci ne respectaient pas l’obligation générale de traitement égal et non discriminatoire du trafic énoncée à l’article 3 § 3 de ce Règlement et que le prestataire de services devait y mettre fin. Saisie de deux recours par ce dernier, le juge hongrois a décidé d’interroger la Cour à titre préjudiciel afin de savoir comment doit être interprété et appliqué l’article 3 § 1 et 2 du Règlement n° 2015/2120, qui garantit un certain nombre de droits aux utilisateurs finals de services d’accès à internet et qui interdit aux fournisseurs de tels services de mettre en place des accords ou des pratiques commerciales limitant l’exercice de ces droits, ainsi que l’article 3 § 3, qui énonce une obligation générale de traitement égal et non discriminatoire du trafic.

Décision. Dans son arrêt du 15 septembre 2020, la Cour, statuant en grande chambre, a interprété pour la première fois le Règlement n° 2015/2120, qui consacre le principe de neutralité du net.

S’agissant, en premier lieu, de l’interprétation de l’article 3 § 2 du Règlement, lu conjointement avec l’article 3 § 1, la Cour a observé que la seconde de ces dispositions prévoit que les droits qu’elle garantit aux utilisateurs finals de services d’accès à internet ont vocation à être exercés « par l’intermédiaire de leur service d’accès à internet », et que la première disposition exige qu’un tel service n’implique pas de limitation de l’exercice de ces droits. Par ailleurs, il découle de l’article 3 § 2 que les services d’un fournisseur d’accès à internet doivent être évalués au regard de cette exigence, par les autorités réglementaires nationales et sous le contrôle des juridictions nationales compétentes, en prenant en considération tant les accords conclus par ce fournisseur avec les utilisateurs finals que les pratiques commerciales mises en œuvre par ledit fournisseur. Dans ce contexte, la Cour a estimé que la conclusion d’accords par lesquels des clients donnés souscrivent à des offres groupées combinant un « tarif nul » et des mesures de blocage ou de ralentissement du trafic lié à l’utilisation de services et d’applications autres que les services et applications spécifiques relevant de ce « tarif nul » est susceptible de limiter l’exercice des droits des utilisateurs finals.

En second lieu, s’agissant de l’interprétation de l’article 3 § 3 du Règlement, la Cour a relevé que, pour constater une incompatibilité avec cette disposition, aucune évaluation de l’incidence de mesures de blocage ou de ralentissement du trafic sur l’exercice des droits des utilisateurs finals n’est requise. En effet, cette disposition ne prévoit pas une telle exigence pour apprécier le respect de l’obligation générale de traitement égal et non discriminatoire du trafic y figurant. En outre, la Cour a jugé que, dès lors que des mesures de ralentissement ou de blocage du trafic sont fondées, non pas sur des différences objectives entre les exigences techniques en matière de qualité de service de certaines catégories spécifiques de trafic, mais sur des considérations d’ordre commercial, ces mesures sont à considérer, en tant que telles, comme étant incompatibles avec ladite disposition.

En conséquence, des offres groupées telles que celles soumises au contrôle de la juridiction de renvoi sont, de manière générale, susceptibles de violer tant l’article 3 § 2 et 3 du Règlement n° 2015/2120, étant précisé que les autorités et les juridictions nationales compétentes peuvent les examiner d’emblée au regard de la seconde de ces dispositions.

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