Le Quotidien du 6 mai 2020 : Successions - Libéralités

[Brèves] Caducité du testament et du legs de residuo relevée d’office par le juge : attention au respect du contradictoire !

Réf. : Cass. civ. 1, 18 mars 2020, n° 18-26.788, F-D (N° Lexbase : A49233KK)

Lecture: 4 min

N3145BY7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Caducité du testament et du legs de residuo relevée d’office par le juge : attention au respect du contradictoire !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57871740-brevescaducitedutestamentetdulegsideresiduoireleveedofficeparlejugeattentionauresp
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

le 05 Mai 2020

► En relevant d’office que le testament était privé d'effet en ce qu'il était caduc en application de l'article 1040 du Code civil (N° Lexbase : L0200HP4 selon lequel toute disposition testamentaire faite sous une condition dépendante d'un événement incertain, et telle que, dans l'intention du testateur, cette disposition ne doive être exécutée qu'autant que l'événement arrivera ou n'arrivera pas, sera caduque, si l'héritier institué ou le légataire décède avant l'accomplissement de la condition), et de l'article 1043 du même code (N° Lexbase : L0203HP9 selon lequel la disposition testamentaire sera caduque lorsque l'héritier institué ou le légataire la répudiera ou se trouvera incapable de la recueillir), sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen de droit relevé d'office, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction.

Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 18 mars 2020 (Cass. civ. 1, 18 mars 2020, n° 18-26.788, F-D N° Lexbase : A49233KK).

Dans cette affaire, le de cujus et sa première épouse s’étaient mariés en 1944 et deux filles étaient issues de leur union. Un arrêt du 4 février 1959 avait prononcé leur divorce et désigné un notaire chargé de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de leur communauté. La même année, le de cujus avait épousé sa seconde épouse et trois filles étaient issues de cette union.

Un jugement du 28 février 1967 avait tranché une partie des contestations relatives à la liquidation de la communauté ayant existé entre le de cujus et sa première épouse, qui en avait interjeté appel. Le de cujus était décédé au cours de cette procédure, le 3 octobre 1967, laissant pour lui succéder ses cinq filles et son épouse survivante, elle-même décédée le 20 octobre 2012. Des difficultés étaient nées aux cours des opérations de comptes, liquidation et partage des deux successions.

Pour constater que le testament du de cujus était caduc et privé d'effet, la cour d’appel de Douai (CA Douai, 25 octobre 2018, n° 16/03731 N° Lexbase : A2310YIE) avait retenu, d'abord, que la lettre manuscrite à l'attention de sa seconde épouse, datée du 29 juin 1967 constituait le dit testament. Il constatait, ensuite, que celle-ci avait été expressément désignée par le défunt pour exécuter personnellement auprès des enfants des deux lits ses dernières volontés, stipulées solidaires, et ce, dans un délai raisonnable, puisqu'était notamment prévu le versement d'une pension alimentaire pour l’un des enfants jusqu'à ses 20 ans. Il relevait, encore, qu'il était constant que cette seconde épouse avait dissimulé l'existence de ce testament, en particulier aux filles issues du premier lit du défunt, pendant plus de 37 ans et qu'elle n'avait pris aucune disposition pour s'assurer de la transmission de la contre-valeur et des dividendes attachés à la moitié des sept cent vingt parts de la société A alors qu'elle ne pouvait ignorer que ces parts appartenaient à la communauté du premier mariage. Il ajoutait que l’une des deux filles issues du premier mariage, désignée légataire, avec sa soeur, de la part de communauté de leur père, était décédée le 28 mai 2014, avant que les dernières volontés du défunt, solidaires les unes des autres, n'aient été exécutées et qu'il en était de même pour la seconde épouse, désignée légataire avec ses filles d'un bien immobilier.

La cour d’appel avait conclu, enfin, que l'ensemble de ces événements rendait impossible l'exécution du testament et en déduisait que celui-ci était bien privé d'effet en ce qu'il était caduc en application de l'article 1040 du Code civil, selon lequel toute disposition testamentaire faite sous une condition dépendante d'un événement incertain, et telle que, dans l'intention du testateur, cette disposition ne doive être exécutée qu'autant que l'événement arrivera ou n'arrivera pas, sera caduque, si l'héritier institué ou le légataire décède avant l'accomplissement de la condition, et de l'article 1043 du même code, selon lequel la disposition testamentaire sera caduque lorsque l'héritier institué ou le légataire la répudiera ou se trouvera incapable de la recueillir.

L’arrêt est censuré par la Cour suprême qui reproche aux juges d’appel d’avoir ainsi statué, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen de droit relevé d'office, violant ainsi le principe de la contradiction.

newsid:473145