Le Quotidien du 17 janvier 2019 : Licenciement

[Brèves] Troyes, Amiens, Lyon : la justice prud’homale en résistance contre le barème «Macron»

Réf. : CPH de Troyes, 13 décembre 2018, RG F 18/00036 (N° Lexbase : A6691YQU) ; CPH d’Amiens, 19 décembre 2018, RG F 18/00040 (N° Lexbase : A5303YS9) ; CPH de Lyon, 21 décembre 2018, RG F 18/01238 (N° Lexbase : A5302YS8) et 7 janvier 2019, RG  n° 15/01398 (N° Lexbase : A7294YSX)

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[Brèves] Troyes, Amiens, Lyon : la justice prud’homale en résistance contre le barème «Macron». Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/49387362-0
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par Blanche Chaumet

le 16 Janvier 2019

Pour rappel, l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (N° Lexbase : L7629LGN) a modifié les règles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse en imposant au juge de respecter un barème de dommages et intérêts, dont les montants planchers et plafonds dépendent de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise (C. trav., art. L. 1235-3 N° Lexbase : L1442LKM).

 

Après une décision favorable des conseillers prud’hommaux à ce barème en septembre 2018 (CPH du Mans, 26 septembre 2018, RG F 17/00538 N° Lexbase : A3840YGC), quatre jugements rendus coup sur coup en décembre 2018 et janvier 2019 ont au contraire écarté le barème, pour non-conformité :

- à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui impose le versement d’une «indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée» en cas de licenciement injustifié ;

 

- et/ou à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le «droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée».

 

Les décisions des juges du fond

 

Si pour sa part le conseil de prud’hommes du Mans (CPH du Mans, 26 septembre 2018, RG F 17/00538, préc.) a appliqué le barème prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail, refusant ainsi d’appliquer l’article 24 de la Charte sociale européenne et considérant que le barème était conforme à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, cette décision n’a pas été suivie par d’autres conseil de prud’hommes qui ont, pour leur part, écarté le barème.

 

► La première décision a été rendue le 13 décembre 2018 par le conseil de prud’hommes de Troyes, qui a considéré que le barème de l’article L. 1235-3 violait l'article 24 de la Charte sociale européenne et l'article 10 de la Convention 158 de l’OIT (CPH de Troyes, 13 décembre 2018, RG F 18/00036 N° Lexbase : A6691YQU ; voir la brève relative au jugement N° Lexbase : N6958BXY et les obs. de S. Tournaux, Plafonnement des indemnités prud’homales de licenciement et engagements internationaux de la France, Lexbase, éd. soc., n° 767, 2019 N° Lexbase : N7038BXX).

 

► Quelques jours plus tard, le conseil de prud’hommes d’Amiens (CPH d’Amiens, 19 décembre 2018, RG F 18/00040 N° Lexbase : A5303YS9) a également écarté le barème dans un jugement rendu le 19 décembre 2018, cette fois-ci sur le seul fondement de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Il a retenu que «dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse le salarié subit irrémédiablement un dommage ; […] ce dommage est d’ordre psychique, mais également d’un ordre financier [constitué par] une baisse importante de ses revenus, car l’indemnité accordée dans le cadre de la solidarité et plus précisément par Pôle-Emploi ne vient pas maintenir le revenu au niveau antérieur».

 

Sur le fondement de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, les conseillers prud’hommes sortent de la fourchette fixée par le barème, considérant que l’indemnité de ½ mois de salaire qui avait été fixée «ne peut être considérée comme étant appropriée et réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse» et que, «de ce fait, il y a lieu pour le conseil de rétablir la mise en place d’une indemnité appropriée réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse».

 

► Enfin, le conseil de prud’hommes de Lyon a lui aussi écarté le barème, par deux décisions du 21 décembre 2018 et du 7 janvier 2019.

 

Le jugement du 21 décembre 2018 (CPH de Lyon, 21 décembre 2018, RG F 18/01238 N° Lexbase : A5302YS8) ne fait même pas allusion au barème légal. Les conseillers prud’homaux précisent seulement que «l’indemnisation du salarié est évaluée à hauteur de son préjudice». Pour fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ils se contentent de faire référence à l’article 24 de la Charte sociale européenne. En l’espèce, la relation de travail avait cessé du jour au lendemain, sans application des règles relatives au CDI alors qu’aucun fait n’était reproché à la salariée et alors que la multiplicité des CDD démontrait au contraire la satisfaction de l’employeur. Le CPH a jugé que «les manquements [de l’employeur] dans l’exécution du dernier contrat [du salarié] sont préjudiciables puisqu’elle n’a pas pu bénéficier de l’entretien préalable et de la période préavis».

 

La motivation du jugement du 7 janvier 2019 ( CPH Lyon, 7 janvier 2019, RG  n° 15/01398 N° Lexbase : A7294YSX) est, en revanche, plus détaillée puisque, pour écarter le barème fixé par l’article L. 1235-3 du Code du travail, les conseillers prud’hommaux se fondent sur les articles 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, 24 de la Charte sociale européenne et sur la décision du Comité européen des droits sociaux (CEDS)  rendue le 8 septembre 2016 (n° 106/2014) qui s'est prononcé sur le sens devant être donné à "l'indemnité adéquate" et la "réparation appropriée".

 

Après avoir précisé que «les indemnités octroyées doivent être en rapport avec le préjudice subi et suffisamment dissuasives pour être conformes à la charte sociale européenne du 3 mai 1996», les conseillers prud’hommaux ont précisé «qu’une ancienneté faible n’exclut pas la nécessité d’indemniser le salarié en fonction notamment ; d’une situation personnelle à la suite d’une perte d’emploi (âge, situation de famille, handicap de suspension…) ; et/ou d’une situation professionnelle rendant la recherche d’un nouvel emploi plus difficile (éloignement géographique, spécialités rares…) ; et/ou d’un préjudice professionnel réel, plus lourd que l’ancienneté».

 

Pour balayer le barème, ils ont finalement énoncé qu’il convenait de tenir compte de la rémunération, de la qualification, de l’ancienneté du salarié pour évaluer la réparation du traumatisme psychique occasionné et des préjudices moral, psychologique, humiliant, vexatoire, économique, professionnel et financier qu’il a subis.

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