Le Quotidien du 31 décembre 2018 : Presse

[Brèves] «Fake news» : publication de la loi de lutte contre les fausses informations

Réf. : Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018, relative à la lutte contre la manipulation de l'information (N° Lexbase : L5465LNQ)

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[Brèves] «Fake news» : publication de la loi de lutte contre les fausses informations. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/48968831-0
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par June Perot

le 09 Janvier 2019

► La loi n° 2018-1202, du 22 décembre 2018, relative à la lutte contre la manipulation de l’information, dite loi sur les "fake news" (N° Lexbase : L5465LNQ) a été publiée au Journal officiel du 23 décembre 2018 (lire E. Dreyer, in Lexbase Pénal, janvier 2019).

 

Notons d'abord qu'une recommandation de la Commission d’enrichissement de la langue française parue au Journal officiel du 4 octobre 2018 (N° Lexbase : Z6089779), propose de recourir au terme «information fallacieuse», ou au néologisme «infox», forgé à partir des mots «information» et «intoxication». On pourra aussi, notamment dans un cadre juridique, utiliser les termes figurant dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) ainsi que dans le Code électoral, le Code pénal ou le Code monétaire et financier : «nouvelle fausse», «fausse nouvelle», «information fausse» ou «fausse information». En tout état de cause, la Commission d'enrichissement de la langue française a recommandé l'emploi, au lieu de fake news, de l'un de ces termes, choisi en fonction du contexte.

 

De nouvelles obligations pour les opérateurs de plateforme en ligne

 

La loi introduit dans le Code électoral un nouvel article L. 163-1, applicable aux élections législatives, sénatoriales et européennes, aux opérations référendaires et, en application de la loi organique (loi organique n° 2018-1201, du 22 décembre 2018, relative à la lutte contre la manipulation de l'information N° Lexbase : L5464LNP) applicable à l’élection du Président de la République. Cet article impose des obligations de transparence des relations commerciales qu’entretiennent les opérateurs de plateforme en ligne.

 

Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’élections générales et jusqu’à la date du tour de scrutin où celles-ci sont acquises, ces opérateurs ont l’obligation de rendre public l’identité des annonceurs pour lesquels ils agissent ainsi que, au-delà d'un certain seuil défini par décret, le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de contenus d'informations. Cette information doit être «loyale, claire et transparente».

 

Sanction de la méconnaissance de l’obligation de transparence des opérateurs de plateforme en ligne

 

L’article L. 112-2 du Code électoral est rétabli et prévoit que l’infraction à l’article L. 163-1 précité est punie d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3167HPY), de cette infraction encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du même code (N° Lexbase : L0410DZ9), les peines prévues aux 2° et 9° de l'article 131-39 dudit code (N° Lexbase : L7806I3I). L'interdiction prévue au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

 

Dans sa décision du 20 décembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-773 DC, du 20 décembre 2018 N° Lexbase : A2418YRY), le Conseil a écarté les critiques adressées par les députés et sénateurs requérants à l'article L. 163-1 du Code électoral et jugé que les contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général visés par les dispositions contestées sont ceux qui présentent un lien avec la campagne électorale. Pour écarter les critiques formulées à l'encontre de l'article L. 112 au regard de la liberté d'entreprendre, il a relevé que l'obligation imposée aux opérateurs de plateforme en ligne est limitée au temps de la campagne électorale et ne concerne que ceux dont l'activité dépasse un certain seuil. Cette obligation se borne à leur imposer de fournir à l'utilisateur une information loyale, claire et transparente sur les personnes dont ils ont promu, contre rémunération, certains contenus d'information en lien avec la campagne électorale. Elle vise à fournir aux citoyens les moyens d'apprécier la valeur ou la portée de l'information ainsi promue et contribue donc à la clarté du débat électoral. Compte tenu de l'objectif d'intérêt général poursuivi et du caractère limité de l'obligation imposée aux opérateurs de plateforme en ligne, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

 

Instauration d’une nouvelle procédure de référé

 

La loi introduit un article L. 163-1 dans le Code électoral, qui instaure une procédure de référé permettant d'obtenir, pendant les trois mois précédant une élection générale, la cessation de la diffusion de fausses informations sur les services de communication au public en ligne, lorsqu'elles sont de nature à altérer la sincérité du scrutin. Selon cet article : «lorsque des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d'un service de communication au public en ligne, le juge des référés peut, à la demande du ministère public, de tout candidat, de tout parti ou groupement politique ou de toute personne ayant intérêt à agir, et sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire aux personnes physiques ou morales mentionnées au 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 du même I toutes mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser cette diffusion».

 

Le juge des référés dispose d’un délai de 48 heures pour se prononcer à compter de la saisine.

 

Dans son avis du 19 avril 2018 (CE avis, 19 avril 2018, n° 394641 N° Lexbase : A9170XQP), le Conseil d’Etat avait attiré l’attention des auteurs de la proposition de loi sur les difficultés qu’impliquait la création de cette nouvelle voie de droit. Il a soulevé que les «faits constituant des fausses informations» seraient particulièrement difficiles à qualifier juridiquement, à plus forte raison lorsque le juge saisi doit statuer à très brefs délais et sans que ne soit nécessairement mis en cause l’auteur des contenus litigieux. Cette difficulté est rendue plus saillante par la circonstance qu’en période électorale, les jurisprudences de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’Homme exigent du juge saisi qu’il soit plus indulgent à l’égard de propos qui, en temps normal, auraient, par leur caractère exagéré ou provocant, excédé les limites de ce qui est tolérable dans le débat public.

 

Pour sa part, le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution de cet article, sous plusieurs réserves d’interprétation. Il relève notamment que, en instaurant une procédure de référé pour obtenir la cessation de la diffusion de certaines fausses informations susceptibles de porter atteinte à la sincérité du scrutin, le législateur a entendu lutter contre le risque que les citoyens soient trompés ou manipulés dans l'exercice de leur vote par la diffusion massive de telles informations sur des services de communication au public en ligne. Il a ainsi entendu assurer la clarté du débat électoral et le respect du principe de sincérité du scrutin. En outre, la procédure de référé ne concerne que les contenus publiés sur des services de communication au public en ligne. Or, ces derniers se prêtent plus facilement à des manipulations massives et coordonnées en raison de leur multiplicité et des modalités particulières de la diffusion de leurs contenus.

 

S'agissant du champ de la procédure de référé critiquée, le Conseil constitutionnel relève également que le législateur a strictement délimité les informations pouvant en faire l'objet. Il juge, d'une part, que cette procédure ne peut viser que des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir. Ces allégations ne recouvrent ni les opinions, ni les parodies, ni les inexactitudes partielles ou les simples exagérations. Elles sont celles dont il est possible de démontrer la fausseté de manière objective. D'autre part, seule la diffusion de telles allégations ou imputations répondant à trois conditions cumulatives peut être mise en cause : elle doit être artificielle ou automatisée, massive et délibérée.

 

Le Conseil constitutionnel rappelle cependant que la liberté d'expression revêt une importance particulière dans le débat politique et dans les campagnes électorales. Elle garantit à la fois l'information de chacun et la défense de toutes les opinions mais prémunit aussi contre les conséquences des abus commis sur son fondement en permettant d'y répondre et de les dénoncer. Il a jugé dès lors que, compte tenu des conséquences d'une procédure pouvant avoir pour effet de faire cesser la diffusion de certains contenus d'information, les allégations ou imputations mises en cause ne sauraient, sans que soit méconnue la liberté d'expression et de communication, justifier une telle mesure que si leur caractère inexact ou trompeur est manifeste. Il en est de même pour le risque d'altération de la sincérité du scrutin, qui doit aussi être manifeste.

 

Pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)

 

Enfin, on peut relever que selon l’article 33-1 de la loi n° 86-1067, du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (N° Lexbase : L8240AGB) complété, «Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut rejeter la demande tendant à la conclusion d'une convention si la diffusion du service de radio ou de télévision comporte un risque grave d'atteinte à la dignité de la personne humaine, à la liberté et à la propriété d'autrui, au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, à la protection de l'enfance et de l'adolescence, à la sauvegarde de l'ordre public, aux besoins de la défense nationale ou aux intérêts fondamentaux de la Nation, dont le fonctionnement régulier de ses institutions. Il en est de même lorsque la diffusion dudit service, eu égard à sa nature même, constituerait une violation des lois en vigueur». 

 

Le CSA a également la possibilité (nouvel article 33-1-1 de la loi susvisée), s'il constate que le service ayant fait l'objet d'une convention conclue avec une personne morale contrôlée, au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5817KTM), par un Etat étranger ou placée sous l'influence de cet Etat diffuse, de façon délibérée, de fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin, pour prévenir ou faire cesser ce trouble, d’ordonner la suspension de la diffusion de ce service par tout procédé de communication électronique jusqu'à la fin des opérations de vote. 

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