Est contraire au droit au respect de la vie privée prévu par l'article 8 de la CESDH (
N° Lexbase : L4798AQR), le fait pour des autorités nationales de ne pas correctement protéger le droit d'un salarié au respect de sa vie privée et de sa correspondance par un employeur, dans le cadre de la surveillance de ses communications électroniques. Telle est la solution retenue par la CEDH dans un arrêt rendu le 5 septembre 2017 (CEDH, 5 septembre 2017, req. 61496/08
N° Lexbase : A6623WQD).
Dans cette affaire, M. B., qui avait créé un compte
Yahoo Messenger à la demande de son employeur, est informé le 13 juillet 2007 que ses communications sur ce compte avaient fait l'objet d'une surveillance entre le 5 et le 13 juillet. L'employeur a présenté à M. B. une transcription de ses communications sur son compte, portant notamment sur des questions privées. L'employeur met fin au contrat de travail de M. B. le 1er août 2007 pour violation du règlement interne de l'entreprise interdisant l'usage d'Internet à des fins personnelles.
M. B. conteste son licenciement devant le tribunal départemental de Roumanie. En 2007, ce dernier déboute le requérant estimant que ce dernier avait été dûment informé des règles internes interdisant l'usage du matériel de l'entreprise à des fins personnelles et que l'employeur avait respecté la procédure de licenciement prévue par le code du travail roumain. Après ses recours devant les juridictions roumaines, le requérant saisit la CEDH, alléguant que la décision de son employeur de mettre fin à son contrat de travail reposait sur une violation de son droit au respect de la vie privée et de la correspondance, et que les juridictions internes avaient manqué à protéger ce droit. Par un arrêt du 12 janvier 2016, une chambre de la quatrième section de la Cour a conclu à la non-violation de l'article 8 de la Convention. Le requérant a alors demandé le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre.
Enonçant la solution précitée, la Cour accède à la requête de M. B.. Plus précisément, les juridictions nationales n'ont, selon la Cour, pas respecté leur obligation de protéger le droit du salarié au respect de sa vie privée et de sa correspondance. Elles n'ont pas, d'une part, vérifié si le salarié avait préalablement été averti par son employeur de la possibilité que ses communications soient surveillées, ni, d'autre part, tenu compte du fait que le salarié n'avait été informé ni de la nature, ni de l'étendue de cette surveillance, ni du degré d'intrusion dans sa vie privée et sa correspondance. De plus, elles n'ont pas déterminé, premièrement, quelles raisons spécifiques avaient justifié la mise en place des mesures de surveillance, deuxièmement, si l'employeur aurait pu faire usage de mesures moins intrusives pour la vie privée et la correspondance du salarié et, troisièmement, si l'accès au contenu des communications avait été possible à son insu (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4640EX7).
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