La condamnation d'un militant associatif pour avoir critiqué sur un site internet une personne chargée d'un mandat public est contraire à la liberté d'expression. Telle est la solution dégagée par la CEDH dans un arrêt rendu le 25 février 2010 (CEDH, 25 février 2010, Req. 13290/07, Renaud c/ France,
N° Lexbase : A2398ESM). Dans cette affaire, un ressortissant français fut condamné pour diffamation et injure publiques envers une personne chargée d'un mandat public, à raison de propos parus sur le site internet d'une association dont il était le webmestre et le responsable de la publication. Celui-ci invoque l'atteinte à la liberté d'expression sur le fondement de l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ). La Cour rappelle qu'une restriction de la liberté d'expression n'est admise que si elle est prévue par la loi, vise un (ou plusieurs des) but(s) légitime(s), et est nécessaire dans une société démocratique pour les atteindre (cf., dans le même sens, CEDH, 18 février 2010, Req. 42396/04, Taffin et contribuables associés c/ France
N° Lexbase : A1170ES7). Ici, la Cour constate que la restriction est prévue par la loi du 29 juillet 1881 relative sur la liberté de la presse (
N° Lexbase : L7589AIW), et qu'elle vise à protéger la réputation et les droits d'autrui. En outre, la Cour relève que les propos visent un maire. Ainsi, les propos litigieux trouvent leur place dans un débat d'intérêt général et relèvent de l'expression politique et militante. La Cour estime que les propos litigieux constituent, en l'espèce, compte tenu de leur tonalité générale, des jugements de valeurs. Elle retient que les propos imputés au requérant relèvent de l'expression de l'organe représentant d'une association portant les revendications émises par ses membres sur un sujet d'intérêt général dans le cadre de la mise en cause d'une politique municipale. La Cour souligne que lorsque le débat porte sur un sujet émotionnel tel que le cadre de vie des riverains d'un projet immobilier, les élus doivent faire preuve d'une tolérance particulière quant aux critiques dont ils font l'objet et, le cas échéant, aux débordements verbaux ou écrits qui les accompagnent. En conséquence, la Cour estime qu'un juste équilibre n'a pas été ménagé entre la nécessité de protéger le droit du requérant à la liberté d'expression et celle de protéger les droits et la réputation de la plaignante. Elle estime que les motifs fournis par les juridictions nationales pour justifier la condamnation du requérant n'étaient pas suffisants et ne correspondaient, dès lors, à aucun besoin social impérieux. Par ailleurs, s'agissant des sommes mises à la charge du requérant, la Cour considère que leur montant ne saurait suffire, en soi, à justifier l'ingérence dans le droit d'expression de ce dernier. Elle en déduit que la condamnation du requérant ne représentait pas un moyen raisonnablement proportionné à la poursuite du but légitime visé, compte tenu de l'intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir la liberté d'expression. Elle en conclut, par conséquent, à la violation de l'article 10 de la CESDH.
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