Le Quotidien du 18 février 2003 : Social général

[Jurisprudence] L'exception de nullité en cas de non-respect du contenu obligatoire de la contrainte

Réf. : Cass. soc., 6 février 2003, n° 01-20.534, M. Jacques Pion c/ Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Marne, publié N° Lexbase : A9063A4G

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[Jurisprudence] L'exception de nullité en cas de non-respect du contenu obligatoire de la contrainte. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3214385-0
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par Aurélie Garat, SGR - Droit social

le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt du 6 février 2003 (Cass. soc., 6 février 2003, n° 01-20.534, M. Jacques Pion c/ Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Marne, publié N° Lexbase : A9063A4G), la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que la contrainte doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A défaut, elle est nulle, sans que soit exigée la preuve d'un grief. En conséquence, l'exception de nullité invoquée peut être proposée en tout état de cause. En l'espèce, une contrainte avait été délivrée par l'URSSAF. L'intéressé soulevait l'exception de nullité de l'acte au motif que ce dernier n'indiquait ni la nature, ni le montant détaillé, ni la période de la cotisation réclamée. La cour d'appel déclare irrecevable cette exception de nullité en retenant que celle-ci a été soulevée trop tardivement. La Cour de cassation casse cette décision. Elle considère que le non-respect de l'obligation d'indiquer "la nature, le montant détaillé et la période de cotisation réclamée constitue l'omission d'un acte et non un vice de forme". En conséquence, la contrainte est nulle, sans que soit exigée la preuve d'un grief, et l'exception de nullité invoquée par l'intéressé est nulle et peut être invoquée en tout état de cause.
Dans cette décision, la Cour de cassation précise, d'une part, le contenu de la contrainte et renforce, d'autre part, la sanction attachée au non-respect de ce contenu obligatoire.


1. Le contenu de la contrainte


La contrainte doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. La solution retenue dans l'arrêt du 6 février 2003 n'est pas nouvelle. Si ce principe est reconnu depuis longtemps, son contenu a évolué et s'est précisé au fil des décisions de la Cour de cassation. Ainsi, dans un arrêt du 19 mars 1992, la Cour de cassation avait déjà décidé que la contrainte devait préciser, sous peine de nullité, la nature et le montant des cotisations dues et la période à laquelle elles se rapportent (Cass. soc., 19 mars 1992, n° 88-11.682, M Deperne c/ URSSAF du Var, inédit N° Lexbase : A1077AA7). L'arrêt du 6 février 2003 statue dans le même sens en retenant que l'acte de contrainte doit indiquer la nature, le montant détaillé ainsi que la période de la cotisation réclamée.

Dans un arrêt en date du 4 octobre 2001 (Cass. soc., 4 octobre 2001, n° 00-12.757, Caisse générale de sécurité sociale de La Martinique, publié N° Lexbase : A1390AWE), la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé que la nature des cotisations et la cause du redressement pouvaient être précisées par référence à une mise en demeure dès lors que la régularité de celle-ci n'était pas contestée. Récemment, la Cour de cassation est venue confirmer cette solution en précisant que la contrainte était valable dès lors qu'elle comportait l'indication du montant des majorations de retard et de la période à laquelle celles-ci se rapportaient, ainsi que la référence à une mise en demeure antérieure dont la régularité n'était pas contestée (Cass. soc., 16 janvier 2003, n° 01-20.141, M. Louis Alata c/ Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, inédit N° Lexbase : A6773A4M).

Ces décisions, en permettant le renvoi à un document antérieur, atténuent quelque peu la portée obligatoire des mentions permettant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation par l'intéressé. Sans doute faut-il y voir une manifestation de la volonté de la Cour de cassation de s'attacher davantage à la connaissance effective par l'intéressé de ces différents éléments qu'à la forme et au contenu de la contrainte.


2. La sanction du non-respect des mentions requises


L'arrêt du 6 février 2003 est surtout l'occasion de revenir sur la sanction attachée à l'inobservation des prescriptions permettant de renseigner l'intéressé sur la nature, la cause et l'étendue de son obligation. Ce non-respect s'analyse-t-il en un vice de forme ou en irrégularité de fond ? Un bref retour vers la procédure civile permet de mieux cerner l'enjeu de cette question et, par-là même, la portée de l'arrêt.

L'exception est un moyen de défense par lequel une des parties tend à paralyser la prétention de son adversaire ou vise à mettre fin au litige, comme c'est le cas en l'espèce. Le Nouveau Code de procédure civile fait la distinction entre les nullités pour vice de forme et les nullités pour irrégularité de fond.
Aux termes des articles 112 (N° Lexbase : L1948ADI) et 113 (N° Lexbase : L1949ADK) du Nouveau Code de procédure civile, seules les exceptions de nullité pour vice de forme doivent être soulevées in limine litis c'est-à-dire avant toute défense au fond. En outre, celui qui invoque la nullité pour vice de forme doit nécessairement démontrer l'existence d'un préjudice résultant de l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public (art. 114 NCPC N° Lexbase : L1950ADL). Cette double condition restreint considérablement la possibilité d'obtenir gain de cause en soulevant l'exception de nullité pour vice de forme. La jurisprudence a ainsi rejeté, à de nombreuses reprises, les exceptions de nullité invoquées sans que soit prouvé le grief causé par l'irrégularité. Ainsi, par exemple, la violation des conditions relatives à la signification de la contrainte, constitue une irrégularité de forme et implique pour celui qui s'en prévaut d'établir la preuve du grief que lui cause l'irrégularité (Cass. soc., 5 mai 1995, n° 92-14.389, Mme Carmen Prudhomme c/ Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale, inédit N° Lexbase : A2348AG3).

En revanche, les exceptions de nullité pour irrégularité de fond "peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt" (art. 118 NCPC N° Lexbase : L2009ADR). En conséquence, l'irrégularité de fond est bien plus aisément sanctionnée que l'irrégularité de forme. Tout l'enjeu de l'arrêt du 6 février 2003 portait sur la nature du non-respect des prescriptions relatives à la contrainte : s'agissait-il d'une irrégularité de fond ou de forme ? La cour d'appel soutenait que l'exception de nullité avait été soulevée tardivement et après toute défense au fond. Elle partait ainsi du principe que l'inobservation des règles relatives à l'information de l'intéressé sur la nature, la cause et l'étendue de son obligation ne constituait qu'un simple vice de forme devant être soulevé in limine litis. Sur ce fondement, elle avait déclaré irrecevable l'exception de nullité soulevée par l'intéressé.

Confirmant sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation censure la cour d'appel par un attendu précis et complet aux termes duquel elle rappelle que "l'inobservation de ces prescriptions, qui constitue l'omission d'un acte et non un vice de forme, en affecte la validité sans que soit exigée la preuve d'un grief ; qu'en conséquence, l'exception invoquée peut être proposée en tout état de cause".
La Cour de cassation avait déjà pu, auparavant, se prononcer en ce sens. Ainsi, dans un arrêt du 19 mars 1992, elle avait décidé que la contrainte devait préciser, sous peine de nullité, la nature et le montant des cotisations dues et la période à laquelle elles se rapportent. Il n'était déjà pas nécessaire de prouver l'existence d'un préjudice pour obtenir la nullité de la contrainte dépourvue des mentions requises (Cass. soc., 19 mars 1992, n° 88-11.682, M Deperne c/ URSSAF du Var, inédit N° Lexbase : A1077AA7).

Cette solution doit être approuvée puisqu'elle garantit le droit à l'information de l'intéressé concernant des points aussi capitaux que la nature, la cause et l'étendue de son obligation. En optant pour une solution différente, assimilant ces prescriptions à de simples règles de forme, la Cour de cassation aurait limité les possibilités pour l'intéressé de contester la contrainte, d'une part, en exigeant l'existence d'un préjudice mais aussi d'autre part, en lui imposant de ne soulever l'exception de nullité qu'avant toute défense au fond.

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