Le Quotidien du 26 novembre 2002 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] TVA : assujettissement des cantines gérées par les comités d'entreprise

Réf. : CE 8° et 3° s-s, 6 novembre 2002, n° 233467 (N° Lexbase : A7504A3C)

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[Jurisprudence] TVA : assujettissement des cantines gérées par les comités d'entreprise. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3213977-0
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par Nicolas Bourgeois, SGR - Droit fiscal

le 07 Octobre 2010

Par un arrêt du 6 novembre 2002, le Conseil d'Etat refuse d'annuler un décret du 20 mars 2001 relatif aux conditions d'application du taux réduit de la TVA sur les fournitures de repas dans les cantines d'entreprises. Ces prestations doivent être soumises au taux réduit de la TVA. Cela n'est pas incompatible avec le droit communautaire.

Aux termes de l'article 279 du CGI , la TVA est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne les recettes provenant de la fourniture des repas dans les cantines d'entreprises. Le bénéfice de ce taux réduit n'est applicable qu'aux entreprises qui se conforment aux conditions posées par l'article 85 de l'annexe II au CGI tel qu'issu du décret du 20 mars 2001 (Décret n° 2001-237 du 20 mars 2001 N° Lexbase : L1822ATN). Ces conditions sont les suivantes :

- l'objet de la cantine doit consister à fournir de façon habituelle des repas au personnel, qui doit être en mesure de justifier de son appartenance à l'entreprise ;
- la cantine doit être gérée par le comité d'entreprise ou par l'employeur ou par une association ou par un groupement de comités d'entreprises ou d'employeurs. Son fonctionnement est, en tout état de cause, soumis au contrôle de représentants du personnel et de l'entreprise ;
- les repas doivent être fournis dans les locaux dont le gestionnaire de la cantine a la libre disposition ;
- le prix des repas doit être sensiblement inférieur à celui pratiqué, pour des prestations similaires, par les restaurants ouverts au public ;
- les opérations réalisées dans le cadre de la cantine font l'objet d'une comptabilisation distincte par le gestionnaire ;
- dans le cas où il fait appel à un prestataire extérieur, le gestionnaire de la cantine doit conclure avec ce dernier un contrat prévoyant les conditions de la fourniture des repas. Le prestataire doit, dans le mois de sa signature par les parties, déposer un exemplaire de ce contrat auprès du service des impôts dont il dépend et de celui dont relève le gestionnaire de la cantine.

Des syndicats, comme la CGT, se sont insurgés contre le Gouvernement qui n'a pas prévu dans son décret du 20 mars 2001 d'exonération de TVA en faveur des cantines gérées par des comités d'entreprise. Ils considèrent que ce manquement est incompatible avec la sixième directive de 1977 qui prévoit notamment une exonération de TVA en direction des organismes sans but lucratif. Aux fins d'obtenir l'annulation du décret du 20 mars 2001, les syndicats ont saisi le Conseil d'Etat, lequel a rejeté leurs prétentions en se fondant sur deux arguments majeurs :
- les organismes sans but lucratif exerçant une activité concurrentielle sont exonérés de TVA sous certaines conditions ;
- le décret du 20 mars 2001 n'étend pas par lui-même la liste établie dans la sixième directive des prestations soumises au taux réduit.

1. Les conditions d'exonération de TVA des organismes sans but lucratif

Aux termes de l'article 261-7-1° b du CGI , sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée : "les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient".

Dans le présent arrêt, le Conseil d'Etat nous rappelle la marche à suivre pour savoir si les activités commerciales réalisées par un organisme sans but lucratif sont susceptibles d'être exonérées de TVA. Notons que cette démarche est strictement identique en matière d'impôt sur les sociétés.

Il faut d'abord se demander si la gestion des organismes qui poursuivent un objet social présente un caractère désintéressé. Si la réponse est négative, alors l'organisme sera soumis à la TVA.

En revanche, dans l'affirmative, il faut ensuite se demander si les services qu'ils rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Si la réponse à cette nouvelle question est négative, alors l'organisme est exonéré de TVA.

Toutefois, si l'organisme intervient dans un domaine concurrentiel, il faudra enfin se demander si l'organisme exerce son activité dans des conditions similaires à celle d'une entreprise par le "Produit" qu'il propose, le "Public" qui est visé, les "Prix " qu'il pratique et la "Publicité" qu'il a fait (c'est la règle dite des "4 P"). Si la réponse est affirmative, alors l'entreprise sera soumise à la TVA. Dans le cas contraire elle en sera exonérée.

Ainsi, selon l'expression consacrée par le Conseil d'Etat, l'organisme qui exerce une activité concurrentielle ne sera exonérée de TVA que si "elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'il offre".

En l'espèce, le Conseil d'Etat considère que la seule circonstance que des cantines d'entreprises soient gérées par ou sous le contrôle d'un comité d'entreprise n'exonère pas, par elle-même, de TVA les prestations de restauration qui y sont fournies. Autrement dit, si les comités d'entreprises qui gèrent des cantines ont bien une gestion désintéressée, ils exercent néanmoins une activité concurrentielle dans des conditions similaires à celles d'une entreprise et, par conséquent, doivent être soumis à la TVA.

En outre, la Haute Cour estime que "les prestations de restauration fournies par les organismes gestionnaires de cantines d'entreprises ne sont pas, en tout état de cause, au nombre des prestations rendues à leurs membres par certains groupements autonomes et organismes sans but lucratif exonérées de TVA".

2. La compétence du Gouvernement pour fixer les conditions d'application du taux réduit de TVA

En vertu de l'article 279 du CGI, la TVA est perçue au taux réduit en ce qui concerne "les recettes provenant de la fourniture des repas dans les cantines d'entreprises et répondant aux conditions qui sont fixées par décret". Ce décret a été pris le 20 mars 2001 et fut transposé à l'article 85 bis de l'annexe III au Code général des impôts.

Les syndicats ont dénoncé l'incompatibilité du décret du 20 mars 2001 avec le droit communautaire en ce qu'il étendrait la liste des prestations soumises au taux réduit de TVA par la sixième directive en y incluant les cantines gérées par les comités d'entreprise. Le Gouvernement aurait ainsi outrepassé ses compétences. Mais le Conseil d'Etat démontre, d'une part, que le Gouvernement est compétant pour réglementer en ce domaine et que, d'autre part, son décret fixe seulement les conditions d'application du taux réduit, ce qui n'a pas pour effet d'étendre la liste des prestations qui y sont soumises.

Le Conseil d'Etat considère que législateur a voulu appliquer le taux réduit, sous réserve du respect des conditions prévues par voie réglementaire, à l'ensemble des recettes afférentes à la fourniture de repas servis dans les cantines d'entreprises, que cette fourniture soit effectivement réalisée par des entreprises tierces ou par l'organisme gestionnaire desdites cantines. Par conséquent, en précisant par décret les conditions dans lesquelles la fourniture directe de repas par l'organisme gestionnaire d'une cantine d'entreprise peut être soumise au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit, le Gouvernement n'a pas méconnu l'étendue de ses compétences en modifiant le champ d'application de ce taux réduit.

Les recettes provenant de la fourniture directe de repas par les organismes gestionnaires de cantines d'entreprises entraient, à la date du 1er janvier 1991, dans le champ d'application du taux réduit de TVA. A cette même date, la loi fiscale confiait au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les conditions d'application de ce taux. Dès lors, selon le Conseil d'Etat, en se bornant à fixer de telles conditions, qui n'ont pas par elles-mêmes pour effet d'étendre la liste des prestations de restauration soumises au taux réduit, le Gouvernement n'a pas méconnu les objectifs poursuivis par la sixième directive. Le Conseil d'Etat refuse ainsi catégoriquement de déclarer l'incompatibilité du décret du 20 mars 2001 avec le droit communautaire.

Les cantines gérées par les comités d'entreprises sont donc obligatoirement soumises à la TVA. Mais qu'elles se consolent, car elles bénéficient du taux réduit,  ce que réclament inlassablement les restaurateurs depuis de nombreuses années.

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