Le Quotidien du 12 novembre 2002 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] L'interprétation faite par la Cour de justice des Communautés européennes de la responsabilité du fait des produits défectueux

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N4655AAN

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le 07 Octobre 2010

Par une importante série de décisions en date du 25 avril 2002 (N° Lexbase : A5772AYG), (N° Lexbase : A8094AYG), (N° Lexbase : A5768AYB), (N° Lexbase : A5773AYH), la Cour de justice des Communautés européennes a, on le sait, condamné la France - et la Grèce - pour avoir réalisé une transposition incorrecte de la directive CE n° 85/374 du 25 juillet 1985 (N° Lexbase : L9620AUT) relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Un autre arrêt du même jour, répondant à une question préjudicielle posée par le juge espagnol sur l'interprétation de l'article 13 de la directive, intéresse, lui, les rapports entre le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux et les autres régimes de responsabilité. En tout état de cause, les arrêts se rejoignent en ce qu'ils conduisent à une régression de la protection du consommateur victime d'un dommage causé par le défaut d'un produit (1). D'abord en effet, la Cour de justice des Communautés européennes reproche au législateur français, d'une part, de ne pas avoir prévu la franchise de 500 euros que la directive énonçait pour la réparation des dommages causés aux biens, d'autre part d'engager la responsabilité des distributeurs et fournisseurs de produits défectueux dans les mêmes conditions que celle des producteurs là où la directive ne retenait leur responsabilité qu'à titre subsidiaire. Enfin, elle lui reproche de subordonner certaines causes d'exonération à des mesures de prévention lorsque le défaut s'est révélé dans les dix ans de la mise en circulation du produit. L'argument invoqué par le gouvernement français selon lequel les libertés ainsi prises avec le texte de la directive avaient toutes été inspirées par le souci de renforcer la protection des victimes n'a pas suffit, manifestement, à emporter la conviction des juges communautaires. Ils estiment qu'une harmonisation totale s'impose aux Etats, et ce au motif que la directive en question a été arrêtée sur la base d'une texte (art. 100 du Traité CEE, aujourd'hui art. 94 du Traité CE) qui ne prévoyait à l'époque "aucune faculté pour les Etats membres de maintenir ou d'établir des dispositions s'écartant des mesures d'harmonisation communautaires", contrairement à ce que prévoient des dispositions plus récentes (voir l'article 153 du Traité CE relative à l'objectif de recherche d'un niveau plus élevé de protection des consommateurs). Il faut donc en déduire, (en dehors même du fait que les effets d'une directive, a fortiori si elle est complète et précise, se rapprochent alors singulièrement de ceux d'un règlement) que la Cour préfère "s'en tenir à une conception rigide et statique de l'harmonisation des législations en refusant toute adaptation qui tiendrait compte de l'évolution du droit communautaire postérieure à la directive" (voir P. Jourdain, obs. (crit.), préc.).

Le même jour, par un arrêt statuant sur le recours en interprétation, la Cour devait se prononcer sur la question de savoir si une législation nationale, en l'occurrence plus favorable aux victimes, devaitt être maintenue après l'entrée en vigueur de la loi de transposition. Or, ici encore, la solution aboutit à une régression de la protection des victimes. La Cour considère que l'article 13 de la directive, qui dispose que "la présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive" (d'où, en droit interne, l'article 1386-18 C. civ.), doit être interprété en ce sens que " les droits conférés par un Etat membre aux victimes d'un dommage causé par un produit défectueux, au titre d'un régime général de responsabilité ayant le même fondement que celui mis en place par ladite directive, peuvent se trouver limités ou restreints à la suite de la transpositions de celle-ci dans l'ordre juridique interne dudit Etat ". Autrement dit, pour que d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle puissent s'appliquer, c'est à la condition qu'ils reposent sur des fondements différents de ceux sur lesquels repose le système instauré par la directive. Or, comme on l'a fait observer, il est permis de penser que l'obligation de sécurité de résultat imposée au vendeur professionnel, et sur laquelle repose, pour l'essentiel, le droit commun de la responsabilité des dommages causés par un produit, correspond au "fondement" de la responsabilité du fait des produits défectueux issue de la directive, au sens où la Cour entend le mot " fondement" (en ce sens, P. Jourdain, préc.). Aussi bien toute possibilité de se prévaloir du droit commun lorsqu'il se fonde sur un manquement à l'obligation de sécurité se trouverait-elle désormais exclue (ibib.). Il resterait alors, pour contourner ces solutions drastiques, soit à considérer que la violation d'une obligation de sécurité constitue une faute, soit à réintroduire l'obligation de sécurité du vendeur professionnel ainsi évincée dans la garantie des vices cachés, la Cour de justice des Communautés européennes réservant, précisément, les actions fondées sur la faute et la garantie des vices cachés. Il est cependant regrettable d'avoir ainsi à envisager de tels artifices, pourtant nécessaires pour pallier cette étrange et inquiétante diminution de la protection des consommateurs voulue par la Cour de justice, au demeurant contraire tant à l'évolution de notre droit civil qu'aux objectifs du droit communautaire, y compris de la directive du 25 juillet 1985 dont l'exposé des motifs justifiait l'article 13 par "l'objectif d'une protection efficace des consommateurs".

David Bakouche

(1) CJCE, 25 avril 2002, D. 2002, J., p. 2462, note C. Larroumet ; ibid., Somm. 2935, obs. J.-P. Pizzio ; RTDCiv. 2002, p. 523, obs. P. Jourdain

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