Le Quotidien du 13 août 2002 : Protection sociale

[Brèves] Les pensions servies au titre du régime de retraite français des fonctionnaires sont soumises au principe d'égalité entre hommes et femmes posé par l'article 141 CE

Réf. : CE Contentieux, 29-07-2002, n° 141112, GRIESMAR, N° Lexbase : A1869AZA

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N3730AAE

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[Brèves] Les pensions servies au titre du régime de retraite français des fonctionnaires sont soumises au principe d'égalité entre hommes et femmes posé par l'article 141 CE. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3213574-breves-les-pensions-servies-au-titre-du-regime-de-retraite-francais-des-fonctionnaires-sont-soumises
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par Dirk Baugard, Université Paris I - Panthéon-Sorbonne

le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 29 juillet 2002 donne une nouvelle illustration de l'influence du droit communautaire sur le droit social français, et plus particulièrement, des conséquences qui doivent être attachées au principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins pour un même travail ou un travail de même valeur formulé par l'article 141 §1 et §2 du traité instituant la Communauté européenne (CE), ex-article 119. En l'occurrence, c'est le Conseil d'Etat qui, à la suite d'une question préjudicielle posée à la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), affirme que "l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite [instituant], pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires (...) est incompatible avec le principe d'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le Traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne". Le Conseil d'Etat adopte logiquement la solution retenue par la CJCE, de telle sorte qu'il convient davantage de commenter la décision de la seconde plutôt que celle du premier. Les faits de l'espèce étaient les suivants. M. Griesmar, magistrat, présenta une requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 1991 lui concédant une pension de retraite calculée en application de dispositions spécifiques du Code français des pensions civiles et militaires octroyant aux femmes le bénéfice d'une annuité supplémentaire par enfant élevé pour le calcul de la pension de retraite. M. Griesmar, père de trois enfants, contestait le fait que le calcul de sa pension n'intègre pas cette bonification et repose sur la seule prise en compte de ses services effectifs. Le Conseil d'Etat décida alors de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir :

1°) si, en premier lieu, les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires sont au nombre des rémunérations visées à l'article 119 du Traité de Rome, devenu article 141 du traité instituant la Communauté européenne ; dans l'affirmative, eu égard aux stipulations du paragraphe 3 de l'article 6 de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, si le principe d'égalité des rémunérations est méconnu par les dispositions du b) de l'article L. 12 du Code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) si, dans l'hypothèse où l'article 119 du Traité de Rome ne serait pas applicable, les dispositions de la directive n° 79/7 (CEE) du Conseil, du 19 décembre 1978, font obstacle à ce que la France maintienne des dispositions telles que celles du b) de l'article L. 12 du Code des pensions civiles et militaires de retraite.

La CJCE ayant rendu sa réponse dans un arrêt rendu le 29 novembre 2001, le Conseil d'Etat pouvait enfin se prononcer sur la requête de M. Griesmar, dans l'arrêt commenté.

Sa décision repose essentiellement, en termes de motivation, sur la décision rendue par la CJCE précédemment évoquée, comme l'implique la notion même de question préjudicielle. A cet égard, la Cour de Luxembourg énonce que "les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de l'article 119 du Traité de la Communauté économique européenne, devenu article 141 du traité instituant la Communauté européenne" et "nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus de son bénéfice".

Le raisonnement tenu passe donc par deux étapes. D'une part, l'article 141 CE s'applique aux pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires. D'autre part, du fait de cette application, la bonification prévue par l'article L. 12 déjà évoqué ne peut être tolérée, du fait du principe d'égalité entre hommes et femmes.

L'article 141 CE définit, "aux fins du présent article", la rémunération comme "le salaire ou traitement ordinaire, de base ou minimum, et tous les avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier". La CJCE considère que la pension versée au fonctionnaire entre dans le cadre de cette définition en application d'un raisonnement qu'elle avait déjà tenu dans l'arrêt Beune rendu le 28 septembre 1994 à propos de l'intégration de pensions servies en vertu d'un régime de retraite des fonctionnaires dans le cadre de l'ancien article 119 CE.

Si la CJCE énonce qu'"on ne saurait inclure dans [la notion de rémunération] les régimes ou prestations de sécurité sociale, comme les pensions de retraite, réglés directement par la loi à l'exclusion de tout élément de concertation, notamment au sein de l'entreprise (...) et obligatoirement applicables à des catégories générales de travailleurs". Elle observe ainsi que ceux-ci "relèvent en effet principalement de considérations de politique sociale". Or, pour les régimes de retraite de fonctionnaires, "ces considérations ne sauraient prévaloir si la pension n'intéresse qu'une catégorie particulière de travailleurs, si elle est directement fonction du temps de service accompli et si son montant est calculé sur la base de traitement des fonctionnaires", comme c'est le cas en l'espèce, ce qui implique que la pension rentre dans le champ de l'article 141 CE.

Le fait que la pension doive être analysée comme une rémunération telle que définie par l'article 141 CE n'impliquait pas forcément que la mesure en cause soit considérée comme inégalitaire. On sait, en effet, que la CJCE juge avec constance que les différences entre hommes et femmes sont tolérées dès lors qu'elles ont pour objet d'assurer une protection de la femme en raison de la maternité ou des rapports particuliers qu'elle peut entretenir avec son enfant au cours de la période qui fait suite à la grossesse et à l'accouchement. Or, la CJCE constatait que les dispositions en cause ne se rattachaient pas à ces situations particulières, de telle sorte qu'elles devaient effectivement être considérées comme discriminatoires.

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