Le Quotidien du 16 janvier 2002 : Consommation

[Jurisprudence] La législation contre les clauses abusives n'est pas applicable lorsque le contrat conclu par un professionnel a un rapport direct avec son activité professionnelle

Réf. : Cass. 1ère civ. , 4 décembre 2001 (N° Lexbase : A5636AXZ)

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N1699AA8

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 4 décembre 2001 confirme le critère retenu par la jurisprudence pour délimiter quant aux personnes la législation consumériste de lutte contre les clauses abusives. En dehors des consommateurs stricto sensu définis comme les particuliers qui contractent pour satisfaire leurs besoins personnels, familiaux ou domestiques, l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6478ABK) n'est pas applicable aux professionnels toutes les fois que l'objet du contrat qu'ils ont conclu a un "rapport direct" avec leur activité (voir déjà, en ce sens, Cass. civ. 1ère, 24 janvier 1995 N° Lexbase : A7947AGG ; 3 et 30 janvier 1996, D. 1996, J., p. 328, note G. Paisant), l'appréciation de ce critère étant abandonné à l'appréciation des juges du fond (Cass. civ. 1ère, 17 juill. 1998, Bull. civ. I, n°331).

Cela ne saurait cependant signifier que la Cour de cassation n'exerce aucun contrôle en la matière. Elle veille notamment, fort classiquement d'ailleurs, à ce que les juges du fond se soient expliqués sur l'existence ou l'absence de rapport direct entre le contrat litigieux et l'activité professionnelle du contractant qui prétend au bénéfice de la loi. C'est bien du reste ce que rappelle l'arrêt rapporté, la Cour de cassation exerçant un contrôle de motivation sur les juges du fond.

En l'espèce en effet, un Groupement agricole d'exploitation en commun avait obtenu d'une société la fourniture et l'installation de serres couvertes de bâches plastiques. En raison de leur défectuosité, ces bâches se sont déchirées. Le fabricant a proposé leur remplacement, le fournisseur s'engageant, quant à lui, à procéder à nouveau à leur installation. Le GAEC a cependant demandé l'indemnisation des conséquences du retard mis dans l'exécution des travaux de remplacement des bâches. Le fournisseur lui a alors opposé une clause de ses conditions générales limitant sa garantie à la seule fourniture des pièces jugées défectueuses ou à la remise en état, sans indemnité envers l'acheteur pour quelque cause que ce soit. Cette clause fut considérée par les juges du fond comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995, ceux-ci considérant que le GAEC "était incompétent en matière d'emploi et de tenue des bâches plastiques de recouvrement de serres".

A supposer même que cela soit vrai, l'argument est sans surprise rejeté par la Cour de cassation : depuis l'arrêt précité de la première chambre civile de la Cour de cassation du 24 janvier 1995, peu importe en effet que le professionnel soit dépourvu de compétence particulière au regard du contenu du contrat ou du produit qu'il utilise. La Cour de cassation ayant, depuis cette date, abandonné le critère subjectif de la compétence qui permettait autrefois l'application de la législation consumériste aux professionnels dans le même état d'ignorance que n'importe quel consommateur parce que agissant, précisément, en dehors de leur sphère habituelle de compétence (Cass. civ. 1ère, 28 avril 1987, D. 1988, J., p. 1, note Ph. Delebecque, JCP 1987, II, 20893, note G. Paisant), seul est aujourd'hui pris en compte un critère objectif, celui du rapport direct entre le contrat et l'activité professionnelle. Faute d 'avoir caractérisé l'absence d'un tel rapport en l'espèce, les juges du fond voient leur décision censurée pour manque de base légale.

En théorie, par un raisonnement a contrario des solutions nouvelles, le nouveau critère doit continuer à permettre aux professionnels de la législation protectrice. Alors que, dans le passé, il fallait que le professionnel démontre qu'il était dans le même état d'ignorance que n'importe quel consommateur, il faut, aujourd'hui, qu 'il démontre que le contrat n'a pas de rapport direct avec son activité professionnelle.

En pratique cependant, l'interprétation que semble faire la Cour de cassation du critère du rapport direct laisse penser qu'il est, en fait, peu probable qu'un professionnel puisse bénéficier de la loi. Elle a ainsi pu considérer, on s'en souvient, qu'il existait un rapport direct entre l'activité professionnelle du contractant qui fabriquait des bracelets en cuir et le contrat litigieux, en l'occurrence un contrat d'installation d'une ligne téléphonique professionnelle (Cass. civ. 1ère, 5 novembre 1996 [LXB=A8613ABM ]). Plus récemment, et de façon tout à fait révélatrice d'ailleurs, il a même été jugé que la législation de lutte contre les clauses abusives n'était pas applicable au motif que le contrat avait été conclu entre deux commerçants (Cass. civ. 1ère, 23 fév. 1999 N° Lexbase : A7539AXI).

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