Réf. : Cass. soc., 20 mars 2002, n° 00-60.315, N° Lexbase : A3129AYK
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N2471AAR
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le 26 Septembre 2014
On évoquera également le sujet de la communication des listes électorales aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise.
Les faits de l'espèce étaient relativement simples. A l'occasion des élections des représentants du personnel devant se dérouler au sein de l'association Consistoriale israélite de Paris (ACIP), les 15 et 29 juin 2000, un protocole préélectoral fut signé le 18 avril 2000 entre l'employeur et l'organisation syndicale UFT sous réserve de la décision du tribunal d'instance concernant la mention de l'adresse du domicile des électeurs à laquelle une partie des salariés s'opposait. Le tribunal d'instance de Paris enjoignit à l'ACIP d'avoir à mentionner l'adresse du domicile des électeurs sur la liste électorale. C'est cette décision qui fait l'objet du pourvoi en question.
Rappelons tout d'abord qu'en vertu de l'article L. 423-13 du Code du travail, dernier alinéa, ([lxb=L6373ACZ]), "les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales intéressées. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge d'instance statuant en dernier ressort en la forme des référés".
On voit l'importance de l'accord préélectoral ; cependant, il faut souligner que si le chef d'entreprise doit négocier avec toutes les organisations syndicales intéressées, l'absence de signature unanime n'emporte pas forcément invalidité de l'accord ; la partie ou les parties mécontentes doivent saisir sur le(s) point(s) qui fait (font) difficulté le tribunal d'instance selon une procédure rapide. C'était ici le cas.
Deux problèmes de droit devaient en l'occurrence être traités par la Cour de cassation.
En premier lieu, c'est la faculté pour les organisations syndicales représentatives d'accéder à la liste électorale qui est abordée par la Cour régulatrice.
L'association ACIP faisait grief au jugement de lui avoir enjoint de communiquer aux organisations syndicales qui en feraient la demande, la liste électorale ; en effet, selon elle, la publication des listes électorales pouvait être faite par voie d'affichage ou mise à la disposition du personnel en un lieu libre d'accès. L'affichage était donc suffisant, car selon l'entreprise il satisfaisait à la loi et à la demande du personnel.
La Cour de cassation répond "que ni l'employeur ni les salariés ne peuvent s'opposer à ce que les organisations syndicales représentatives, parties nécessairement intéressées au déroulement des élections professionnelles consultent ou se voient communiquer lorsqu'elles en font la demande, la liste des électeurs et éligibles portant les mentions nécessaires au contrôle de sa régularité". L'idée est simple : les organisations syndicales doivent être à même de pouvoir consulter les listes électorales afin de vérifier la régularité des inscriptions. Toutefois, les mentions relatives aux inscrits ne doivent être relatives qu'à cette régularité.
C'est alors la seconde question de droit qui fait surface. Peut-on indiquer, sur les listes électorales, l'adresse personnelle des inscrits ?
La Cour de cassation avait jugé qu'à défaut de dispositions spéciales du protocole préélectoral indiquant les mentions qui doivent figurer sur les listes électorales, le droit commun électoral est applicable, ce qui impose l'énonciation du domicile réel des inscrits (Cass. soc., 2 octobre 1991, n° 90-60.426 et Cass. soc., 14 octobre 1997, n° 96-60.191, [lxb=A2306ACE]).
On faisait parfois observer que ces arrêts pouvaient laisser entrevoir un changement possible de la jurisprudence en considérant qu'un protocole électoral pouvait déroger à cette obligation. En effet, il est acquis qu'un protocole préélectoral ne saurait déroger aux principes du droit commun électoral qui a également une place importance dans le contentieux des élections professionnelles.
Ce revirement semble être intervenu avec la décision commentée : selon la Cour de cassation, "les seules mentions qui doivent figurer obligatoirement sur la liste électorale des salariés travaillant dans l'entreprise sont : l'âge, l'appartenance à l'entreprise et l'ancienneté dans celle-ci qui déterminent la qualité d'électeur et permettent le contrôle de la régularité des listes électorales" et que "dès lors, l'indication de l'adresse du domicile des salariés, n'a pas à figurer sur la liste électorale". Ce faisant, la Cour de cassation privilégie le droit spécial des élections professionnelles sur le droit commun électoral, en vertu d'un raisonnement téléologique. Les mentions nécessaires ont pour seul objet de vérifier la régularité des listes, et par conséquent, n'impliquent pas la mention du domicile des inscrits qui n'a aucune influence sur cette régularité.
Dirk Baugard
Université Paris I Panthéon-Sorbonne
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