Le Quotidien du 9 avril 2002 : Avocats

[Focus] Le collaborateur libéral, cheval de bataille de la Fnuja

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N2518AAI

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le 07 Octobre 2010

Vendredi 5 avril, dans le cadre du salon Lexposia, trois présidents de la Fnuja (Fédération nationale des Unions de jeunes avocats) étaient réunis pour donner une conférence consacrée au statut du collaborateur libéral. Stéphane Lallement, actuel président de la fédération, et deux de ses prédécesseurs, Edouard de Lamaze, Délégué inter-ministériel aux professions libérales et Jaqcues-Philippe Gunther, vice-Président de l'UNAPL (Union nationale des professions libérales) ont ainsi fait le point sur une question devenue cruciale depuis que les organismes sociaux multiplient avec succès les procédures de requalification en contrat de travail.

Stéphane Lallement a introduit le propos avec une définition de la collaboration libérale issue de la loi du 31 décembre 1971 et du Règlement intérieur harmonisé des avocats (RIH). Pour la profession donc, "la collaboration est un mode d'exercice exclusif de tout lien de subordination, par lequel un avocat consacre une partie de son activité au cabinet d'un autre avocat et peut développer sa clientèle personnelle" (RIH, art. 14 N° Lexbase : L7503AYK). Dans le même texte, le salariat est défini comme "un mode d'exercice professionnel dans lequel il n'existe de lien de subordination que pour lé détermination des conditions de travail", le salarié ne pouvant pas se constituer de clientèle personnelle. Jusque là, tout va bien...

La tradition libérale de la profession d'avocat cohabite désormais avec le salariat

Les choses se compliquent singulièrement lorsque les statuts de salariés et de collaborateur se chevauchent. L'hypothèse est simple. Un avocat embauche un collaborateur sur le mode libéral. Or, la vie du contrat prouve parfois que c'est un salariat déguisé : le collaborateur n'a pas recours au secrétariat du cabinet, on lui interdit de traiter des dossiers personnels. Il a tout d'un salarié mais, grâce au système de la rétrocession d'honoraires, coûte beaucoup moins cher et paie lui-même ses charges. D'après Stéphane Lallement, ce type d'abus est fréquent, notamment depuis la fusion des professions de 1990. En effet, la tradition libérale de la profession d'avocat cohabite désormais avec le salariat, mode d'exercice habituel des anciens conseils juridiques.

En 1999, saisie par les organismes sociaux conscients de leur manque à gagner, la Cour de cassation est venue clarifier la situation. Elle a décidé qu'était " lié par un contrat de travail, nonobstant sa qualification de contrat de collaboration, l'avocat qui ne dispose pas de la possibilité de développer une clientèle personnelle" (Chambre mixte, n° 96-17.468, 12/02/1999 N° Lexbase : A4601AY3). Le critère déterminant du contrat de collaboration est donc la possibilité de développer une clientèle propre. Sans cette faculté, le contrat sera requalifié en contrat de travail. Cette position fût confirmée par la Chambre sociale le 8 mars 2000 (Cass. soc., 08/03/2000, n° 98-14.222 N° Lexbase : A4965AGY). Les conséquences financières d'une telle requalification en contrat de travail sont très lourdes pour l'employeur : restitution de l'ensemble des charges non payées, dommages et intérêts versés au collaborateur pour la privation d'assurances-chômage...

"Le statut du collaborateur libéral n'est défini qu'en creux "

Cette jurisprudence est constante. Mais les avocats ne veulent pas s'en contenter. Edouard de Lamaze s'inquiète de l'insécurité juridique dans laquelle se trouve le collaborateur libéral. Certes, les avocats ont su construire un statut qui tienne la route, en y intégrant notamment des dispositions sociales inspirées du droit du travail (rétrocession d'honoraires maintenue pendant douze semaines pour la collaboratrice enceinte, congés payés, préavis de rupture, recours à la conciliation du bâtonnier). Mais, le Délégué inter-ministériel aux professions libérales met en garde : " le statut du collaborateur libéral n'est défini qu'en creux, a contrario du salariat. Cela est source d'insécurité juridique et d'insécurité sociale, d'autant que certains contestent le caractère normatif du Règlement intérieur harmonisé. Aujourd'hui, ce sont les salariés et les Urssaf qui ont un intérêt à faire requalifier les contrats. Un jour, ce sera peut-être un employeur qui trouvera utile de transformer un contrat de collaboration en gérance de fait, par exemple...".

La jurisprudence est donc insuffisante. C'est également le sentiment de Jacques-Philippe Gunther. Pour lui, "le critère de clientèle personnelle n'est pas toujours pertinent". Il explique que, dans un grand nombre de cabinets, les dossiers sont trop importants pour permettre à un collaborateur de se constituer une clientèle propre, ne serait-ce que parce que sur chaque affaire, travaillent plusieurs avocats dont un associé au minimum. "Il faut un statut du collaborateur libéral plus adapté à l'exercice en groupe, dans lequel il aurait intérêt à développer la clientèle du cabinet. Pour moi, le jeune collaborateur libéral est plutôt celui qui sait gérer une clientèle. C'est aussi un statut, provisoire par nature qui prépare à celui d'associé. Il a également reconnu que la profession d'avocat (avait) largement abusé du statut de collaborateur salarié. Elle en a souvent fait un collaborateur paupérisé. Nous avons une part de responsabilité dans la faillite du système".

Concrètement, un premier projet de statut a été rejeté en 1998 par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Un nouvel avant-projet est depuis trois mois entre les mains du Gouvernement. Ce texte ne concerne pas que les avocats (45 000 professionnels ) mais l'ensemble des professionnels libéraux (environ 480 000*).

Caroline Delesalle


* L'état de féminisation des professions libérales, rapport final pour le compte de la délégation inter-ministérielle aux professions libérales (DIPL), septembre 2001.

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