Le Quotidien du 9 avril 2002 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Remplacement du conjoint du chef d'entreprise par contrat de travail à durée déterminée

Réf. : Cass. soc., 26 mars 2002, n° 00-40.903, N° Lexbase : A3857AYI

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N2527AAT

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le 07 Octobre 2010

"L'article L. 122-1-1, 1°, du Code du travail, qui vise le remplacement du seul personnel salarié, ne s'applique au remplacement du conjoint du chef d'une entreprise commerciale ou artisanale que si l'intéressé travaille dans cette entreprise dans les conditions prévues par l'article L. 784-1 du même Code". C'est par cet attendu de principe que la Cour de cassation casse un arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 8 avril 1999 dans une décision en date du 26 mars 2002.

Les faits de l'espèce étaient simples. M. Cidro fut engagé à temps partiel pour une durée de trois mois par contrat à durée déterminée conclu le 21 avril 1997 en qualité de "vendeur tabac" par Mme Cauvy, exploitante d'un bar tabac. Ce contrat précisait que M. Cidro était embauché "pour remplacer M. Cauvy Jean Louis, époux du chef d'entreprise, ayant de sérieux problèmes de santé et qui doit réduire considérablement son activité". Au terme de son contrat de travail, le salarié saisit le conseil de prud'hommes pour demander la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que le paiement de différentes sommes. La cour d'appel devait considérer que le salarié avait été embauché régulièrement et le déboutait de ses différentes demandes. Celui-ci formait un pourvoi en cassation.

On sait qu'un contrat à durée déterminée ne peut être conclu régulièrement, en droit du travail, que s'il correspond à l'un des trois cas de recours visés par l'article L. 122-1-1 du Code du travail ([lxb=L5452ACW]). Parmi ces cas de recours, on retrouve le cas correspondant au "remplacement d'un salarié en cas d'absence, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l'objet d'une saisine du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe, ou en cas d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ".

Ce cas de recours présente de nombreuses spécificités au sein de ce que l'on peut présenter comme le droit des contrats de travail à durée déterminée. Il est ainsi à noter que la Cour de cassation déduit de la combinaison des articles L. 122-1-1 1° et L. 122-3-1, ([lxb=L5459AC8]), alinéa 2 du Code du travail que "que l'absence de la mention du nom et de la qualification du salarié remplacé entraîne une présomption de contrat à durée déterminée que l'employeur ne peut écarter" (Cass. soc., 1er juin 1999, n° 96-43.617, [lxb=A4615AGZ] ; Cass. soc., 26 oct. 1999, n° 97-40.894, [lxb=A4715AGQ]).

Il pourrait apparaître que c'est sur ce fondement que la requalification du contrat de travail était demandée par le salarié. On peut néanmoins préférer penser que la cour d'appel de Montpellier soulignait elle-même que l'article L. 122-3-1, 2ème alinéa du Code du travail, s'il fait référence au nom et à la qualification du salarié remplacé, ne s'oppose pas au remplacement du chef d'entreprise ou de son conjoint par conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée. A s'en tenir à cette analyse, qui paraît la plus exacte, la requalification du contrat à durée déterminée demandée par le salarié se serait fondée sur le fait que la personne remplacée n'était pas un salarié. Le cas de recours mentionné dans le contrat fixant les limites du litige (Cass. soc. 3 décembre 1996), le contrat en cause aurait nécessairement été irrégulier puisque se référant au remplacement d'un salarié.

En effet, l'article L. 122-1-1 1° et l'article L. 122-3-1, 2ème alinéa, du Code du travail évoquent expressément le remplacement d'un salarié. On peut dès lors douter de la possibilité de conclure un contrat de travail à durée déterminée pour remplacer un chef d'entreprise ou son conjoint... sauf à constater que le conjoint est lui-même salarié.

C'est ce qui justifie, selon nous, la formule de la Cour de cassation selon laquelle "l'article L. 122-1-1, 1°, du Code du travail, qui vise le remplacement du seul personnel salarié, ne s'applique au remplacement du conjoint du chef d'une entreprise commerciale ou artisanale que si l'intéressé travaille dans cette entreprise dans les conditions prévues par l'article L. 784-1 du même Code".

En effet, en vertu de l'article L. 784-1 du Code du travail, ([lxb=L5345ACX]), les dispositions du Code du travail "sont applicables au conjoint du chef d'entreprise salarié par lui et sous l'autorité duquel il est réputé exercer son activité dès lors qu'il participe effectivement à l'entreprise ou à l'activité de son époux à titre professionnel et habituel et qu'il perçoit une rémunération horaire minimale égale au salaire minimum de croissance". L'époux d'un chef d'entreprise peut donc se voir appliquer les dispositions du Code du travail si certaines conditions sont réunies.

A ce sujet, la Cour de cassation a récemment jugé qu'une cour d'appel justifiait légalement sa décision d'appliquer les dispositions du Code du travail aux relations professionnelles d'un couple marié, "dès lors qu'il est établi que l'époux participait effectivement à l'activité ou à l'entreprise de son épouse à titre professionnel et habituel, et qu'il percevait une rémunération horaire minime égale au salaire minimum de croissance, peu important qu'ait existé ou non un lien de subordination juridique entre les époux" (Cass. soc., 6 novembre 2001, n° 99-40.756, [lxb=A0668AXZ]). Le lien de subordination n'est donc pas une condition d'application de l'article L. 784-1 du Code du travail, ce dont on peut déduire que le conjoint du chef d'entreprise visé par l'article L. 784-1 n'est pas un "véritable" salarié.

Cela n'est, cependant, pas important : dès lors que celui-ci répond aux conditions explicitées par la Cour de cassation dans l'arrêt précité, celui-ci bénéficie des droits et des obligations d'un salarié. Il paraît dès lors naturel d'envisager son remplacement, en cas d'absence, par contrat de travail à durée déterminée. Il conviendra donc simplement de vérifier la participation effective à l'activité de l'entreprise du conjoint ainsi que la perception d'une rémunération au moins égale au SMIC.

Dirk Baugard
Université Paris I Panthéon-Sorbonne


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"Le CDD pour remplacement d'un salarié absent" dans la base juridique "Droit du travail" N° Lexbase : E0602ACB

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