Réf. : TA Montreuil, 14 janvier 2010, n° 0811669 (N° Lexbase : A0427E8C) et 27 mai 2010, n° 0905910 (N° Lexbase : A3366GAW)
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par Guy Quillévéré, Rapporteur public près le tribunal administratif de Nantes
le 04 Janvier 2011
Dans la seconde affaire (n° 0905910), la SA C. était la société mère d'un groupe ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale prévu aux articles 223 A (N° Lexbase : L4827IGU) et suivants du CGI, dont faisait notamment partie la société A. avant d'être absorbée, le 31 décembre 2007 par la société S. ultérieurement devenue la société C. Est. Antérieurement à cette absorption, la société A. avait fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003. Postérieurement à ce contrôle, le service avait remis en cause le bénéfice de crédits d'impôts initialement déclarés par la société A. sur le fondement des dispositions combinées de l'article 220 du CGI et de l'article 24 de la Convention franco-italienne du 5 octobre 1989 et correspondant au montant des retenues à la source acquittées en Italie sur les dividendes perçus par ladite société en qualité d'emprunteur de titres de sociétés italiennes.
Les deux jugements du tribunal administratif de Montreuil du 27 mai et 14 janvier 2010 rappellent que, en présence d'une Convention internationale, il faut se référer exclusivement à ses clauses ; il en va ainsi, lorsque la Convention fiscale précise la notion de résident d'un Etat contractant (Convention franco-allemande de 1959, art. 4), l'application de la Convention internationale qui vise à prévenir les doubles impositions n'étant pas subordonnée à la condition d'une double imposition effective du contribuable ou s'agissant de l'imputation d'un crédit d'impôt conventionnel (Convention franco-italienne, art. 24, dans l'affaire "SA C." ; le tribunal administratif de Montreuil se place, alors, dans le prolongement de l'arrêt de la CAA Lyon, 10 juillet 1992, n° 90LY00183 N° Lexbase : A2792A8W).
I - La mise en oeuvre des stipulations d'une Convention fiscale internationale n'est pas subordonnée à l'existence d'une double imposition effective de celui qui s'en prévaut
L'application d'une Convention internationale est exclusivement définie par les règles et leurs modalités de mise en oeuvre qu'elle prévoit, s'agissant notamment de la notion de résident d'un Etat contractant.
A - Les Conventions en vigueur dans les Etats européens prévoient l'application aux dividendes d'un taux réduit maximum de 15 % de la retenue à la source
Les revenus attribués par une société française à des non résidents font, en principe, l'objet d'une retenue à la source sur le fondement des dispositions de l'article 119 bis 2 du CGI. La plupart des Conventions internationales prévoient, alors, pour les revenus distribués par une société française à des résidents de l'Etat contractant, soit l'application d'un taux réduit de la retenue à la source, soit la suppression de cette retenue. Dans l'affaire jugée par le tribunal administratif de Montreuil le 14 janvier 2010, la société allemande, qui n'établissait pas la réalité d'une gestion désintéressée à l'égal des caisses de retraite ou de prévoyance établies en France dont elle détenait au moins 5 % du capital, demandait que soit toutefois appliqué aux dividendes qui lui avaient été distribués le taux préférentiel de 15 % prévu par les stipulations de l'article 9 § 2 de la Convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée.
L'administration faisait valoir pour refuser le taux conventionnel à la société de droit public allemand qu'étant exonérée d'impôt sur les sociétés en Allemagne, elle ne pouvait être regardée comme résidente de cet Etat, dès lors qu'elle n'était pas susceptible de supporter une double imposition de la nature de celle que visait à éviter la Convention. Ce faisant l'administration fiscale proposait une mise en oeuvre des dispositions de la Convention fondée sur un constat factuel de la situation de la société de droit allemand.
B - Alors même qu'elle est exonérée du paiement de l'impôt sur les sociétés en Allemagne, la société allemande est bien résident d'un Etat contractant au sens des dispositions de l'article 4 la Convention franco-allemande
L'article 4 de la Convention franco allemande de 1959 regarde comme "résident d'un Etat contractant" à titre principal toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat y est "assujettie" à l'impôt.
En l'espèce, la société allemande entrait dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, et cela n'était pas contesté. Elle pouvait, donc, se prévaloir des dispositions conventionnelles alors même qu'elle est exonérée du paiement de l'impôt sur les sociétés allemand et bénéficie par suite d'une exonération la dispensant d'une imposition effective. La société allemande qui établissait qu'elle était assujettie à l'impôt sur les sociétés en Allemagne, mais qui était regardée comme non imposable pouvait se prévaloir des dispositions conventionnelles prévenant les doubles impositions (a contrario, CAA Versailles, 3ème ch., 4 avril 2006 N° Lexbase : A0943DPM et CE 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2008, n° 285583 N° Lexbase : A8674D7E, s'agissant de la Convention franco-belge (N° Lexbase : L6668BHG pourtant non conforme au modèle OCDE ; et aussi CE 3° et 8° s-s-r., 27 juillet 2009, n° 301266 N° Lexbase : A1270EKA).
L'assujettissement à l'impôt sur les sociétés (IS) doit s'apprécier du seul point de vue juridique et le résident peut ne pas avoir été effectivement soumis à l'impôt. Même exonéré d'IS il est placé dans le périmètre d'imposition et relève des conditions d'application des dispositions de la Convention et peu importe qu'il ne paie pas l'impôt du point de vue factuel. Le juge de l'impôt examine donc si la Convention fiscale bilatérale peut bénéficier au contribuable qui s'en prévaut sans s'interroger sur une éventuelle imposition de ce dernier dans l'Etat partie à la Convention (a contrario, CAA Paris, 29 mai 1990, n° 89PA00475 N° Lexbase : A0375A9R et n° 89PA00476 N° Lexbase : A0376A9S).
II - Le crédit d'impôt conventionnel de l'article 24 de la Convention fiscale franco-italienne reste acquis au contribuable quel que soit l'emploi des sommes distribuées sur lesquelles il s'impute
Les stipulations de l'article 24 de la Convention franco-italienne ne permettent pas de tenir compte, pour l'application de la règle du butoir qu'elles prévoient, de l'incidence éventuelle, sur le montant global de l'impôt français, de l'emploi ultérieur des sommes distribuées.
A - Le crédit d'impôt conventionnel prévu par l'article 24 de la Convention fiscale franco-italienne ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus
En vertu des dispositions de l'article 220 du CGI, les contribuables assujettis à l'impôt sur les sociétés qui perçoivent des dividendes de sociétés établies à l'étranger sont en droit d'imputer sur le montant de cette cotisation un crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger sur la distribution en cause, dans les conditions prévues par les Conventions fiscales internationales. La Convention fiscale franco-italienne stipule, ainsi, dans son article 24 que les résidents français percevant des dividendes de sociétés italiennes ont droit, lorsque cette distribution a été imposée en Italie, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus ont été compris.
Dans notre espèce, en exécution des conventions d'emprunt de titres de sociétés italiennes, la société C. avait perçue des dividendes attachés à ces titres, mais elle était contractuellement tenue, en rémunération de l'emprunt, de rétrocéder une somme d'égal montant aux sociétés prêteuses. Le principe de l'application du crédit d'impôt conventionnel n'avait pas été remis en cause par l'administration fiscale. Toutefois, le service avait ensuite estimé que le montant global de l'impôt français réellement acquitté par la société A., compte tenu tout à la fois des dividendes perçus et de la rétrocession intégrale de leur montant aux prêteurs, était nul, les crédits d'impôt n'étant alors pas justifiés en application de la règle du butoir de l'article 24 de la Convention franco-italienne.
B - Le crédit d'impôt conventionnel prévu par l'article 24 de la Convention fiscale franco-italienne est indépendant de l'emploi ultérieur des sommes distribuées
Dans l'affaire "SA C.", les distributions permettant l'imputation du crédit d'impôt n'avaient existé d'une certaine manière, pour le service, qu'un instant de raison, disparaissant à peine versées en étant rétrocédées ce qui remettait en question l'existence même du crédit d'impôt conventionnel qui ne pouvait être imputé. Comme dans l'affaire précédente, le juge de l'impôt s'appuie sur une lecture stricte des stipulations conventionnelles. Or, en vertu de la loi fiscale française à laquelle renvoyait la Convention franco-italienne, l'impôt français est assis sur le montant brut des revenus de valeurs mobilières de source étrangère perçus, sans autre déduction que celle des impôts établis dans le pays d'origine. Les stipulations de l'article 24 de la Convention franco-italienne ne permettaient donc pas de tenir compte pour l'établissement du crédit d'impôt conventionnel de l'emploi ultérieur des sommes distribuées. En l'espèce, le montant de l'impôt français correspondant aux dividendes perçus par la société A. était supérieur ou égal à celui de la retenue à la source à laquelle ces distributions avaient donné lieu en Italie.
Le service ne peut donc imposer ou remettre en cause un avantage fiscal qu'en se référant explicitement aux stipulations conventionnelles des Conventions fiscales internationales, lesquelles définissent leurs propres modalités de mise en oeuvre ; le service ne peut s'en écarter, y compris en s'affranchissant du respect des stipulations conventionnelles, pour privilégier une approche plus factuelle.
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