La lettre juridique n°395 du 20 mai 2010 : Avocats/Publicité

[Evénement] Twitter, Facebook... Réseaux sociaux : pratique et déontologie

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 03 Mars 2011

Depuis peu, la vague des réseaux sociaux déferle sur le monde, emportant progressivement avec elle le scepticisme de ceux qui, dans un premier temps, ont cru à un effet de mode. Tout le monde s'y intéresse de près ou de loin et, qu'il soit positif ou non, chacun a son avis sur la question. Il suffit de visionner cette présentation pour s'en convaincre. Les avocats ne font pas exception à la règle. Ils sont nombreux à avoir compris les intérêts de ces nouveaux outils en termes de communication et de gestion de projet notamment (1). Les geeks de la profession multiplient, ainsi, les initiatives pour informer leurs confrères et les former aux nouvelles technologies. La dernière en date, un colloque intitulé Twitter, Facebook... Réseaux sociaux : pratique et déontologie et organisé par l'Ordre des avocats de Lille, s'est tenue mardi 11 mai 2010, dans les locaux de la Maison de l'Avocat.
L'événement a réuni de nombreux avocats lillois, de tout âge et issus tant du conseil que du contentieux. Ils sont venus découvrir cet "ovni" appelé "réseau social", pour les uns, ou parfaire leurs connaissances sur le sujet, pour les autres (surtout les jeunes, qui utilisent déjà au quotidien et à titre personnel Facebook et autres copains d'avant). Tous sont repartis plus intéressés encore qu'ils ne l'étaient déjà, preuve de l'opportunité et de la qualité de la manifestation.

Le ton a été donné, dès les premières minutes du colloque, par Emmanuel Masson, Bâtonnier désigné qui a relevé qu'en 340 secondes (soit le temps qu'aura duré le discours d'introduction de René Despieghelaere, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Lille, pour qui le thème est cher), 36 000 nouveaux blogs se sont ouverts, 202 000 "twitts" (sur Twitter) ont été lancés et 38 000 applications i-phone ont été téléchargées. Et, de poursuivre avec les chiffres : aujourd'hui, on compte 1,6 milliards d'internautes, 37 millions en France, dont 16 millions sont présents sur des réseaux sociaux. Dans ce contexte, Facebook est le champion toute catégorie avec près de 400 millions d'utilisateurs en début d'année 2010.

Présentation des nouveaux outils de communication

Une présentation des différents outils communautaires et, en particulier de Twitter et de Facebook, a été faite par un professionnel de la communication, Benjamin Zehnder, Consultant associé Didier Gras communication.

Celui-ci a exposé l'intérêt de Twitter -plateforme ouverte permettant de partager de courtes phrases-, dans le cadre professionnel, en tant que puissant outil de communication, mais aussi de veille.

Sur le premier point, retenons qu'il s'agit essentiellement de conversations, d'une marque avec les consommateurs et surtout entre consommateurs, et qu'il est important de créer du contenu pour être "suivi". Celui-ci, pour présenter un réel intérêt doit être différent de celui figurant sur le site institutionnel de la "marque" (ou du cabinet, si l'on transpose). Il est, en outre, important de bien identifier les personnes qui partagent ses propres centres d'intérêt. La transparence, l'honnêteté et le temps (à y consacrer) sont les trois autres grandes règles à respecter sur le réseau social, si l'on souhaite en retirer un réel bénéfice.

Maxime Moulin, avocat et membre de la Commission communication de l'Ordre, a donné un exemple de l'intérêt de ce site : il a récemment été contacté sur cette plateforme par un éditeur pour rédiger une note sur la loi "Hadopi", qui aura, au bout de quelques jours, été consultée plusieurs milliers de fois.

Les intervenants ont, également, insisté sur la puissance de cet outil du point de vue de la veille (qui, faut-il le rappeler, représente une large part de l'activité d'un avocat) : les informations figurant sur le site sont sûres, en ce qu'elles proviennent la plupart du temps de la source ; elles sont, également, de qualité et de toute première fraicheur. Il arrive, ainsi, très souvent que des scoops (arrêts, projets de loi, etc.) soient divulgués sur Twitter avant d'être publiés sur les sites officiels.

Facebook a la particularité de regrouper toutes les fonctionnalités (de publication, de conversation, etc.) des sites communautaires. Pour autant, le site est avant tout utilisé au sein de la sphère privée, plus que professionnelle. Le bénéfice en termes de veille est donc plus limité que sur Twitter. Pris sous l'angle de la communication, il trouve toute sa pertinence, eu égard, notamment, au nombre d'abonnés et d'interactions entre eux. Et, si l'outil a, dans un premier temps, compté quasiment que de jeunes utilisateurs (les digital natives, nés dans les années 80), il s'adresse et séduit rapidement et sûrement toutes les générations.

Utilisation de ces nouveaux outils dans le cadre de l'exercice professionnel

Emmanuel Masson, Bâtonnier désigné, a confirmé le réel intérêt de ces plateformes dans le cadre de la veille juridique. D'autant que de nombreux autres outils permettent de gérer au mieux la diffusion et la réception de l'information. Dans le premier cas, des sites permettent de diffuser instantanément la même information sur tous les réseaux sociaux et, dans le second cas, d'autres proposent une sélection de l'actualité, toujours concise et percutante.

L'attention de l'assistance a, également, été attirée sur les avantages que présentent les sites dits "collaboratifs" (ou de "networking"), plateformes qui permettent aux professionnels de travailler ensemble à distance sur des dossiers communs, grâce à une panoplie de fonctionnalités de publication, de suivi des modifications, de gestion des paramètres de confidentialité, etc.. Ces outils, qui accompagneront à coup sûr l'interprofessionnalité tant recommandée par la commission "Darrois", permettent déjà à certains confrères de remédier à la solitude de leur exercice professionnel. Rappelons que Lille compte plus de six cent cabinets individuels.

Assurer la présence de son cabinet dans les réseaux sociaux en conformité avec la déontologie

Selon Bertrand Debosque, ancien Bâtonnier et président de la Commission communication de l'Ordre, si le règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) ne prévoit pas de dispositions spécifiques relatives aux réseaux sociaux -ceci alors même que la dernière Assemblée générale du CNB a remodelé significativement l'article 10 portant sur la publicité-, les principes essentiels qu'il pose ont une portée suffisamment générale pour dicter quelle conduite adopter. Ceci d'autant plus que l'article 1-3 impose au professionnel de respecter ces règles fondamentales, ainsi que toutes les autres dispositions du règlement, en toutes circonstances et, donc, même dans le cadre de la vie privée.

Les principes essentiels régissant la profession sont issus de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 N° Lexbase : L6343AGZ), aux termes duquel l'avocat exerce ses fonctions "avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité". L'article 3 du décret du 12 juillet 2005 (décret n° 2005-790 N° Lexbase : L6025IGA) ajoute qu'il est soumis, dans son exercice, au respect "des principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie". Les principes de confidentialité et de secret professionnel sont, également, consacrés.

Concernant la publicité, l'article 10 du RIN autorise la publicité aux seules fins de délivrer une information au public. Toute information laudative est proscrite. Le texte pose, également, une interdiction absolue en ce qui concerne le démarchage et précise, notamment, que "toute offre de service personnalisée adressée à un client potentiel est interdite à l'avocat". Cette interdiction vaut pour tous les médias. En outre, quel que soit le support, le cabinet doit, toujours, pouvoir être identifié et localisé. Le nouvel article 10-6 du RIN régit spécifiquement la question de la publicité sur internet. Il traite, notamment, opportunément des noms de domaines, qui ont fait polémique récemment (2).

Deux obstacles à la publicité des avocats sur les réseaux sociaux ont été relevés par l'intervenant : l'interdiction de tout encart ou de toute bannière publicitaire et le contrôle des liens hypertextes figurant sur la page de l'avocat, par celui-ci. En aucun cas, ils ne doivent être contraires aux principes essentiels de la profession. Or, sur les réseaux sociaux, ces liens sont nombreux et publiés par une foule de personnes.

Les risques de ces nouveaux médias

Maxime Moulin, membre de la Commission communication de l'Ordre, qui qualifie, à juste titre, internet de caisse de résonnance énorme, a identifié plusieurs dangers majeurs inhérents aux réseaux sociaux :

- la perte de productivité du cabinet. Les réseaux sociaux demandent du temps, il faut donc pouvoir quantifier celui-ci préalablement et le maîtriser ; à noter que certains outils informatiques permettent de décider des sites internet pouvant être consultés par l'effectif d'une société ;

- le "viol" du cabinet. Facebook, qui restreint tous les ans un peu plus la confidentialité, serait, sur ce plan, plus dangereux que Twitter qui limite à 140 caractères les twitts ; un tel format minimise les risques de grandes divulgations ;

- le problème de l'e-réputation. Sur le net, toute information peut être diffusée très rapidement dans le monde entier et de façon quasi permanente ; aucun droit à l'oubli n'existe encore réellement et quand bien même il serait proclamé, il serait difficilement mis en oeuvre ;

- le problème du vol d'identité ;

- la responsabilité de l'éditeur. Sur tout site communautaire, l'utilisateur est responsable du contenu de sa page et de tout ce qui y serait publié par des tiers ;

- l'espionnage ;

- enfin, le spamming et les virus.


(1) Lire De la nécessité d'intégrer le web à l'exercice de la profession d'avocat - Questions à Clarisse Berrebi - avocate et Présidente nationale de l'ACE -JA, Lexbase Hebdo n° 15 du 18 janvier 2010 - édition professions (N° Lexbase : N9623BMD)  et Communication des avocats sur internet - Questions à Christiane Féral-Schuhl, associée du cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie et Présidente de l'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ), Lexbase Hebdo n° 21 du 2 mars 2010 - édition professions (N° Lexbase : N4687BNW).
(2) Lire Avocats : quels-noms-de-domaine.com ?, Lexbase Hebdo n° 20 du 24 février 2010 - édition professions (N° Lexbase : N2584BNZ).

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