La lettre juridique n°310 du 26 juin 2008 : Sécurité sociale

[Jurisprudence] Action en recouvrement des cotisations d'assurance chômage

Réf. : Cass. civ. 2, 5 juin 2008, n° 07-12.773, Office national interprofessionnel des fruits, FS-P+B (N° Lexbase : A9282D8B)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

le 07 Octobre 2010

Les partenaires sociaux ont conclu, le 4 février 1983, un accord relatif à l'abaissement de l'âge de la retraite dans les régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé, lequel a institué une structure financière, l'Association pour la gestion de la structure financière (ASF). La convention d'assurance chômage du 24 février 1984 prévoyait (art. 10) qu'une partie (2 %) de la contribution des employeurs et des salariés serait affectée à l'ASF. Ce financement s'est, depuis, pérennisé. Le contentieux généré par ce mode de financement de la retraite des chômeurs indemnisés par le régime d'assurance chômage reste très rare : la Cour de cassation s'est prononcée une fois en 2006 (1) et vient de rendre un arrêt deux ans plus tard, le 5 juin 2008. En l'espèce, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (VINIFLHOR), ayant la qualité d'EPIC, employant du personnel relevant du régime d'assurance chômage, mais non des régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco, a demandé au Groupement des Assedic de la région parisienne (GARP) le remboursement d'une partie des contributions d'assurance chômage, correspondant à la fraction de celles-ci affectées à l'ASF. VINIFLHOR fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris de déclarer son action en remboursement irrecevable comme prescrite en application de l'article L. 5422-19 du Code du travail . La Cour de cassation rejette les prétentions de VINIFLHOR, en confirmant l'analyse faite par la cour d'appel de la contribution de 2 % à l'ASF, qualifiée de contributions à l'assurance chômage : l'affectation au financement des charges des régimes de retraite complémentaire d'une part de leur produit n'en affecte pas la nature juridique, qui reste celle d'une contribution au régime d'assurance chômage. A ce titre, l'action en justice de l'Office était soumise à la prescription de l'action en remboursement des contributions au régime d'assurance chômage, instituée par l'article L. 5422-19 du Code du travail.
Résumé
La cotisation perçue par l'Unedic pour le compte de l'Association pour la gestion de la structure financière (ASF) et finançant un régime de retraite complémentaire, n'a pas la nature d'une cotisation de retraite, mais doit être qualifiée de contribution à l'assurance chômage et en suivre le régime juridique, dont celui de la prescription (C. trav., art. L. 5422-19). L'action en justice de l'employeur est, alors, soumise à la prescription de l'action en remboursement des contributions au régime d'assurance chômage, soit deux ans.


I - Qualification juridique de la contribution de 2 % à l'ASF


Les partenaires sociaux ont conclu, le 4 février 1983, un accord relatif à l'abaissement de l'âge de la retraite dans les régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé. Cet accord a institué une structure financière, dénommée "Association pour la gestion de la structure financière" (ASF), ayant pour objet d'assurer le financement, notamment, au moyen de l'affectation à son profit de l'équivalent de deux points de contribution du régime d'assurance chômage, des allocations versées par le régime des garanties de ressources (en voie d'extinction) et des allocations servies par les régimes de retraite complémentaire obligatoires entre 60 et 65 ans (Agirc et Arrco).

VINIFLHOR, employant du personnel relevant du régime d'assurance chômage, mais non des régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco, a demandé au GARP le remboursement d'une partie des contributions d'assurance chômage versées entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1995 correspondant à la fraction de celles-ci affectées à l'ASF. Le GARP ayant rejeté sa demande, VINIFLHOR a saisi un tribunal de grande instance. La cour d'appel de Paris (CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 novembre 2006, n° 05/04246, Office nationale interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture N° Lexbase : A5230DTU) avait déclaré l'action en remboursement de VINIFLHOR irrecevable comme prescrite en application de l'article L. 351-6-1, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L6266AC3, art. L. 5422-19, recod.).


A - Termes de la qualification


  • Qualification de cotisation de retraite


Selon VINIFLHOR, la nature d'une cotisation dépend de l'objet de la prestation qu'elle finance, peu importe la circonstance que les assujettis ne relèvent pas du régime bénéficiaire de la prestation financée. La cour d'appel avait jugé, au contraire, que l'affectation de la contribution de 2 % au profit de l'ASF n'affectait pas la nature juridique de la cotisation qui, perçue sur les employeurs et travailleurs entrant dans le champ d'application du régime d'assurance chômage, avait la nature de cotisation d'assurance chômage.


  • Qualification de cotisation d'assurance chômage

La cour d'appel, dont l'analyse est confirmée par la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, relève que la cotisation destinée à l'ASF n'était pas constituée par un prélèvement distinct venant s'ajouter aux cotisations dues à l'Unedic au titre de l'assurance chômage, mais était incluse dans la contribution générale à l'assurance chômage. De plus, les missions financières de l'ASF tendant au financement d'une prestation de retraite et d'une prestation d'assurance chômage soit indissociables.

Au final, pour la Cour de cassation, doivent être qualifiées de contributions à l'assurance chômage les sommes versées au titre de l'ASF (soit 2 %). De plus, l'affectation au financement des charges des régimes de retraite complémentaire d'une part de leur produit (2 %) à l'ASF n'en affecte pas la nature juridique, qui reste celle d'une contribution au régime d'assurance chômage, et non celle d'une cotisation de retraite.


B - Enjeux de la qualification


La qualification de contribution au régime d'assurance chômage de la contribution de 2 % à l'ASF implique que le régime juridique des contributions au régime d'assurance chômage s'applique, dont la règle de la prescription définie par l'article L 5422-19 du Code du travail. Aussi, l'action en justice de VINIFLHOR était soumise à la prescription de l'action en remboursement des contributions au régime d'assurance chômage (instituée par l'article L. 5422-19 du Code du travail) soit deux ans.


Bref, la solution retenue par la Cour de cassation, qui doit être approuvée, appelle deux observations :

Première observation - Nul ne peut se prévaloir de ses turpitudes : il appartenait à VINIFLHOR de faire une action en justice dans les délais, c'est-à-dire, avant la fin de la période de prescription, soit deux ans.
Seconde observation - L'employeur, VINIFLHOR, aurait pu se prévaloir de la jurisprudence élaborée par la Cour de cassation en 2006 (2) .
A l'origine de cette affaire, une situation équivalente à celle de VINIFLHOR : en l'espèce, le personnel navigant professionnel de l'aviation civile étant affilié au régime de retraite complémentaire obligatoire prévu par le Code de l'aviation civile, des syndicats, des salariés et des employeurs avaient saisi les juges d'une demandes de nullité de l'article 10 de la convention d'assurance-chômage du 24 février 1984 selon lequel une partie, égale à 2 %, de la contribution des employeurs et des salariés destinée à la couverture des dépenses relatives au régime d'assurance chômage et au régime de garantie de ressources est affectée à l'ASF. Ils demandaient aussi que l'Unedic et l'ASF soient condamnées à restituer aux salariés et aux employeurs les cotisations indûment prélevées.

La Cour de cassation leur avait donné raison, en décidant que les parties à la négociation d'une convention, qui ne sont habilitées, par l'article L. 351-8 du Code du travail (N° Lexbase : L8886G7A), qu'à prendre des mesures d'application des dispositions légales relatives à l'assurance chômage ne peuvent, sans excéder leurs pouvoirs, prévoir le versement d'une partie de la contribution des employeurs et des salariés, dont le taux est calculé de manière à garantir l'équilibre du régime, à une association ayant, notamment, pour objet de financer les dépenses des régimes de retraite complémentaire des salariés institués par la Convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et par l'accord national interprofessionnel de retraite du 8 décembre 1961.


II - Régime juridique du recouvrement des contributions au régime d'assurance chômage


A titre comparatif, il faut rappeler que l'action en paiement des allocations ou des autres créances, qui doit être obligatoirement précédée du dépôt de la demande, se prescrit par deux ans, à compter de la date de notification de la décision prise par l'Assedic (Règl. 1er janvier 2001, art. 50 ; loi n° 2001-624, 17 juillet 2001, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel (DDOSEC) N° Lexbase : L1823ATP ; C. trav., art. L. 351-6-2 N° Lexbase : L8914ATC, art. L. 5422-4, recod. N° Lexbase : L2311HXU).

Ce dispositif conventionnel qui a été annulé par le Conseil d'Etat (CE, 11 juillet 2001, TPS 2001, comm. 302) comme incompatible avec la législation en vigueur à la date de la signature de l'accord, a été ensuite validé par l'adoption de la loi DDOSEC n° 2001-624 du 17 juillet 2001 (A. agrément 4 septembre 2001).


A - Régime de l'action en recouvrement des contributions et des majorations de retard par les Assedic


Toute action intentée ou poursuite engagée contre un employeur manquant aux obligations résultant des dispositions régissant le régime d'assurance chômage est obligatoirement précédée d'une mise en demeure, invitant l'intéressé à régulariser sa situation dans les 15 jours. Si, à l'expiration de ce délai, l'employeur demeure débiteur de contributions ou majorations de retard, le directeur de l'Assedic lui décerne une contrainte pour le recouvrement de ces créances.

A défaut d'opposition de l'employeur devant le tribunal compétent, dans les conditions et délais fixés par décret, la contrainte produit les effets d'un jugement et confère, notamment, le bénéfice de l'hypothèque judiciaire (C. trav., art. L. 351-6 N° Lexbase : L6265ACZ, art. L. 5422-15, recod. N° Lexbase : L2322HXB ; Convention assurance chômage 1er janvier 2004, Règlement annexé, art. 64 ; Convention assurance chômage, 18 janvier 2006, art. 68).


B - Régime de la demande de remboursement des contributions et majorations de retard indûment versées par les employeurs


La demande par un employeur, de remboursement des contributions et majorations de retard indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle ces contributions et majorations ont été acquittées (C. trav., art. L. 351-6-1, rédaction L. 17 juillet 2001, art. 4, II, art. L. 5422-19 nouveau code ; Règl. annexé, Conv. 1er janvier 2001, art. 67 ; Règl. annexé, Conv. 1er janvier 2004, art. 66 ; Règl. annexé, Conv. 18 janvier 2006, art. 70-2).

Il faut préciser que chaque Assedic peut, dès lors que l'employeur débiteur en formule la demande, accorder une remise partielle ou totale des contributions restant dues par un employeur bénéficiant d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, lorsqu'il estime qu'une telle remise préserve les intérêts généraux de l'assurance chômage ; accorder une remise partielle des contributions restant dues par un employeur en redressement ou liquidation judiciaire, lorsqu'il estime qu'un paiement partiel sur une période donnée préserve mieux les intérêts du régime qu'un paiement intégral sur une période plus longue ; accorder une remise totale ou partielle des majorations de retard et des sanctions aux débiteurs de bonne foi ou justifiant de l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés, en raison d'un cas de force majeure, de régler les sommes dues dans les délais impartis ; consentir des délais de paiement sous réserve que la part salariale des contributions ait préalablement été réglée (Règl. annexé, Conv. 18 janvier 2006, art. 69).


III - Gestion du recouvrement des contributions au régime d'assurance chômage


A - Bilan


Dans son rapport public de 1999 (3), la Cour des comptes avait évalué les performances respectives des institutions chargées du recouvrement des cotisations dans le régime d'assurance chômage et dans le régime général de la Sécurité sociale. Cette comparaison faisait ressortir pour l'assurance chômage des performances inférieures à celles du régime général. En 2006, la Cour des comptes (4) a rendu compte de nouvelles investigations menées en 2005. La Cour a constaté d'importantes améliorations dans la gestion du recouvrement par l'assurance chômage, au regard, notamment, des démarches de recouvrement amiable, de la simplification des appels de contribution ou de la renégociation des conditions bancaires qui ont permis des gains de trésorerie.

Selon la Cour des comptes, le "taux de restes à recouvrer" de l'exercice courant, qui mesure la capacité des Assedic à recouvrer les contributions pendant l'année au cours de laquelle elles ont été appelées, s'est, ainsi, très sensiblement amélioré.

A défaut d'un rapprochement plus complet entre les deux réseaux de recouvrement, il est au moins indispensable de corriger sur ce point la situation actuelle. Dans son rapport public de 1999, la Cour avait recommandé que les informations recueillies par les agents de contrôle des URSSAF puissent être communiquées aux institutions de l'assurance chômage.


B - Réforme introduite par la loi du 13 février 2008


S'inspirant des réflexions déployées par la Cour des comptes en 1999 et en 2006, le législateur (loi n° 2008-126, 13 février 2008, relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi N° Lexbase : L8051H3L) a confié aux Urssaf le recouvrement des cotisations d'assurance chômage, ainsi que des cotisations dues au titre de l'assurance de garantie des salaires (5). Les cotisations chômage seront recouvrées et contrôlées selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général de la Sécurité sociale, le contentieux afférent étant transféré aux tribunaux des affaires de sécurité sociale.

Cette nouvelle organisation se mettra en place progressivement (6). L'objectif est de répondre à l'inquiétude des personnels des Assedics affectés au recouvrement. Elle est particulièrement vive chez les cinq cents salariés du GARP, qui a été créé pour recouvrer les contributions dans toute l'Ile-de-France (7). Pour accompagner dans le temps ces reconversions ou reclassements de ces salariés des Assedic, une période transitoire est prévue : le transfert de la mission de recouvrement s'effectuera à une date fixée par décret, au plus tard le 1er janvier 2012.

Ce transfert aux Urssaf présente des avantages : simplification des obligations des employeurs, qui ne devraient plus avoir qu'une déclaration et un paiement à effectuer à la fois pour les cotisations de sécurité sociale et celles d'assurance chômage ; compte tenu de la très grande proximité des métiers et des règles de recouvrement des cotisations du régime général de Sécurité sociale et de l'assurance chômage, la réunion des deux missions permettra des économies d'échelle, un seul circuit se substituant à deux.

Dans la mesure où les cotisations de sécurité sociale et d'assurance chômage ont des assiettes très proches, la coexistence de deux réseaux de collecte -Urssaf et Assedic- est peu justifiée. Cette réforme permettra de réaliser des économies et simplifiera les démarches administratives des entreprises qui n'auront plus qu'une déclaration à effectuer. L'Acoss, qui pilote au niveau national le réseau des Urssaf, accueille très favorablement ce transfert, qui ne devrait pas lui poser de difficultés de mise en oeuvre : les opérations de recouvrement étant largement automatisées, il n'aura qu'un impact mineur sur les besoins de recrutement des Urssaf ; ses inspecteurs sont déjà habilités, depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007, à vérifier, dans le cadre de leurs contrôles, l'assiette, le taux et le calcul des contributions d'assurance chômage et des cotisations de l'AGS.



(1) Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 03-15.835, Mme Janine Spalanzani, FS-P+B (N° Lexbase : A7637DRB) et nos obs., Régime du financement des retraites complémentaires des chômeurs par l'Unedic, Lexbase Hebdo n° 234 du 2 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4623ALS).
(2) Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 03-15.835, Mme Janine Spalanzani, FS-P+B, préc..
(3) Cour des comptes, Rapport public annuel 1999, p. 833 s..
(4) Rapport public thématique L'évolution de l'assurance chômage : de l'indemnisation à l'aide au retour à l'emploi, mars 2006.
(5) V. nos obs., Présentation de la loi du 13 février 2008, relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 294 du 27 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N2376BEQ).
(6) J.-M. Boulanger, Contribution à la préparation de la convention tripartite entre l'Etat, l'Unedic et la nouvelle institution créée par la loi du 13 février 2008, IGAS, avril 2008.
(7) C. Procaccia, Sénat, Rapport n° 154 (2007-2008), fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 8 janvier 2008.
Décision
Cass. civ. 2, 5 juin 2008, n° 07-12.773, Office national interprofessionnel des fruits, FS-P+B N° Lexbase : A9282D8B)

Rejet, CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 novembre 2006, n° 05/04246, Office nationale interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (N° Lexbase : A5230DTU)

Textes visés : accord relatif à l'abaissement de l'âge de la retraite dans les régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé, 4 février 1983 ; C. trav., art. L. 5422-19

Mots-clefs : Contribution ; régime d'assurance chômage ; contribution à l'ASF ; nature juridique ; cotisation retraite (non) ; cotisation assurance chômage (oui) ; effets ; prescription.

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