Réf. : Cass. civ. 1, 22 mai 2007, n° 06-17.980, Mme Martine Cabedo, F-P+B (N° Lexbase : A4996DWX)
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par Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférences à l'Université de Reims Champagne-Ardenne
le 07 Octobre 2010
Le caractère subsidiaire de l'obligation des parents d'origine apparaît donc au moment du prononcé de l'adoption simple. Ainsi, il a été précédemment jugé que si l'adopté, qui poursuit des études, a caché à son père divorcé son adoption par le second mari de sa mère, le père biologique peut non seulement faire constater la cessation de son obligation d'entretien fixée par le jugement de divorce, mais également demander la restitution des sommes versées à compter de l'adoption (1). De même, le père d'origine qui démontre qu'il n'a pas consenti à l'adoption de sa fille, obtenue en fraude de ses droits et dont le statut familial lui a été caché, et qui a, de ce fait, rempli son devoir financier pendant quatre ans, est fondé non seulement à obtenir la restitution des sommes indûment versées, mais encore des dommages-intérêts (2).
Une fois l'adoption simple prononcée, il appartient à l'adopté qui réclame des aliments à ses parents d'origine de rapporter une double preuve : celle de son état de besoin et celle de l'impossibilité financière de l'adoptant d'exécuter son obligation d'entretien. Ainsi, il a été jugé que l'enfant adopté, à la suite du divorce de ses parents et poursuivant des études, est fondé à réclamer des aliments à son père biologique dans la mesure où l'adoptant ne perçoit que des revenus sociaux, et que le défendeur a des revenus supérieurs (3). En revanche, lorsque la mauvaise situation financière de l'adoptant -en l'espèce le second mari de l'ex-épouse-, n'est pas établie, le père par le sang doit pouvoir demander la suppression de sa part contributive à l'entretien des enfants fixée dans le jugement de divorce (4).
L'arrêt du 22 mai 2007 entérine ces solutions, apportant toutefois des précisions sur l'application de l'article 367 du Code civil, notamment, sur le plan de la recevabilité de l'action en répétition de l'indu et sur son bien-fondé.
S'agissant, tout d'abord, de la recevabilité de l'action en restitution des sommes indûment versées, la Cour de cassation retient que seule la mère "bénéficiait du titre constitué par le jugement fixant le principe et le montant de la pension mise à la charge du père, de sorte que c'était pour le compte de sa mère" que l'enfant "avait directement reçu cette pension de son père à partir de 1995". Dès lors, le père d'origine est recevable à demander la restitution des sommes versées à compter de l'adoption à son ex-épouse et non à l'enfant lui-même.
S'agissant, ensuite, du bien-fondé de l'action en répétition de l'indu, la Cour de cassation confirme le principe selon lequel l'obligation d'entretien des parents d'origine est subsidiaire du seul fait de l'adoption simple de l'enfant. L'exécution de cette contribution pèse, en l'espèce, sur le père adoptif, dans la mesure où la preuve de l'impossibilité d'y satisfaire n'a pu être apportée. Il n'a, par ailleurs, pas été démontré que le père biologique avait eu connaissance du jugement prononçant l'adoption simple de son fils. La cour d'appel en a logiquement déduit que les sommes versées par le père d'origine depuis le jugement d'adoption n'étaient pas dues et ne pouvaient, de surcroît, être considérées comme l'exécution d'une obligation naturelle en application de l'article 1235 du Code civil (N° Lexbase : L1348ABK). Par conséquent, le père est fondé, sans être tenu à aucune autre preuve (5), à solliciter de la mère le remboursement des pensions versées depuis le jugement d'adoption.
Rappelons, enfin, que la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, réformant la protection de l'enfance (N° Lexbase : L5932HUA), a repris la règle de la subsidiarité de l'obligation d'entretien dans un nouvel article 367 du Code civil (N° Lexbase : L8334HWL), désormais ainsi rédigé : "L'adopté doit des aliments à l'adoptant s'il est dans le besoin et, réciproquement, l'adoptant doit des aliments à l'adopté. Les père et mère de l'adopté ne sont tenus de lui fournir des aliments que s'il ne peut les obtenir de l'adoptant. L'obligation de fournir des aliments à ses père et mère cesse pour l'adopté dès lors qu'il a été admis en qualité de pupille de l'Etat ou pris en charge dans les délais prescrits à l'article L. 132-6 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L9007HWI)".
(1) CA Bordeaux, 15 novembre 1994, RTD. civ. 1995, p. 346, obs. J. Hauser.
(2) CA Nîmes, 25 septembre 2002, n° 01/04646, Madame M. c/ Monsieur B. (N° Lexbase : A9280DWM).
(3) CA Montpellier, 5 décembre 1990, n° 90/03717, Madame Annie D. c/ Monsieur Jean Michel B. (N° Lexbase : A9279DWL).
(4) CA Besançon, 7 novembre 1997, n° 96/02161, Madame J. c/ Monsieur E. (N° Lexbase : A9278DWK).
(5) Ass. Plén., 2 avril 1993, n° 89-15.490, Société Jeumont-Schneider (N° Lexbase : A6238ABN), D. 1993, p. 373, concl. M. Jéol.
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