Réf. : Cass. soc., 28 juin 2005, n° 02-47.128, Mme Nadia Dumazeau c/ Mme Laurence Jeanson-Leclercq, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8385DIE)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. soc., 28 juin 2005, n° 02-47.128, Mme Nadia Dumazeau c/ Mme Laurence Jeanson-Leclercq, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8385DIE) Cassation partielle sans renvoi (CA Bordeaux, Chambre sociale Section B, 3 avril 2002) Texte visé : C. trav., art. L. 122-14 (N° Lexbase : L9576GQQ) Mots-clefs : licenciement ; convocation à l'entretien préalable ; délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et l'entretien ; caractère d'ordre public social du délai ; impossibilité pour le salarié de renoncer au délai. Lien bases : |
Résumé
Un salarié ne peut renoncer au délai minimum de 5 jours imposé par le législateur entre la réception de la convocation à l'entretien préalable et la tenue de cet entretien. |
Faits
Un employeur n'avait pas respecté le délai de 5 jours entre la réception de la convocation à l'entretien préalable et la tenue de l'entretien, se prévalant d'un accord de sa salariée. Il souhaitait voir reconnue la régularité de la rupture. La cour d'appel avait fait droit à la demande de l'employeur. Elle avait relevé que la salariée avait renoncé au délai de 5 jours et que, pour cette raison, l'employeur pouvait la convoquer dans un délai plus court. |
Solution
1. Cassation partielle sans renvoi. 2. "Encourt la cassation, l'arrêt qui a décidé qu'il était loisible à la salariée de renoncer au délai de cinq jours ouvrables entre la convocation et la date de l'entretien préalable à un éventuel licenciement, délai qui en l'espèce n'avait pas été respecté par l'employeur". |
Observations
1. Affirmation du caractère d'ordre public du délai entre la convocation et l'entretien préalable au licenciement
L'article L. 122-14 du Code du travail (N° Lexbase : L9576GQQ) dispose que "l'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit avant toute décision convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation ou sa remise en main propre". La convocation du salarié est toujours obligatoire en présence d'un licenciement pour motif personnel et ce, quel que soit le motif du licenciement envisagé et quelle que soit la taille de l'entreprise. L'employeur doit, cependant, respecter un délai minimal de 5 jours francs après la présentation de la lettre ou sa remise en main propre, sous peine de tomber sous le coup d'une irrégularité de procédure.
Ce délai est destiné à permettre au salarié de préparer sa défense et, notamment, de trouver une personne pour l'assister. Avant l'ordonnance du 24 juin 2004 (ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004, relative à la simplification du droit dans les domaines du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle N° Lexbase : L5050DZ3), le législateur distinguait selon qu'il existait (assistance par un représentant) ou qu'il n'existait pas de représentants du personnel dans l'entreprise (assistance par une personne extérieure à l'entreprise : conseiller de salarié). La liste des conseillers de salariés n'étant disponible que dans chaque section de l'inspection du travail ou dans chaque mairie, il fallait que le salarié soit mis matériellement en mesure d'aller consulter les listes et de contacter les personnes habilitées. Ces contingences matérielles expliquaient donc que ce dernier bénéficie d'un temps minimum. Cette distinction n'est désormais plus de droit positif, puisque le législateur fait du délai minimal de 5 jours un délai applicable à tous les salariés dont le licenciement pour motif personnel est envisagé (C. trav., art. L. 122-14 alinéa 1). Ce délai est un délai franc, général et impératif.
La jurisprudence s'est toujours montrée particulièrement stricte en la matière. Elle a, par exemple, relevé une irrégularité de procédure lorsque le délai n'a pas été respecté et ce, même si le salarié était assisté lors de l'entretien préalable (Cass. soc., 7 octobre 1998, n° 96-43.276, M. Frédéric Vernier c/ Société Perli Ecomarché, société anonyme, inédit N° Lexbase : A3482CPN). Le non-respect du délai est ainsi à lui seul déterminant de l'irrégularité de procédure, indépendamment des modalités et de l'effectivité de la tenue de l'entretien préalable. Il s'agit donc bien d'un délai impératif dont l'inobservation doit être sanctionnée.
C'est donc logiquement que la Haute juridiction est venue casser l'arrêt de la cour d'appel qui, pour déclarer la procédure régulière, avait retenu l'accord du salarié. La Cour de cassation affirme, dans un attendu de principe sans équivoque, que "le salarié ne peut renoncer au délai institué par l'article L. 122-14 du Code du travail". Cette solution doit être approuvée, même si l'on peut regretter son manque de précision. 2. Conséquences du caractère d'ordre public social du délai entre la convocation et l'entretien préalable au licenciement
En refusant de reconnaître au salarié la faculté de renoncer au délai de 5 jours entre la convocation et l'entretien préalable, la Haute juridiction confirme l'impérativité absolue de ce délai minimum. Il convient de s'en féliciter. Comment les juges peuvent-ils savoir si le salarié a effectivement renoncé au délai ou si l'employeur est à l'origine de sa décision ? La production par l'employeur d'une lettre émanant du salarié n'est pas démonstrative de l'effectivité de sa volonté, surtout lorsque ce dernier vient ensuite contester la régularité de la procédure qui lui a été appliquée. Mais, plus que d'impérativité stricte, c'est d'impérativité a minima dont il était ici question. Le délai entre la convocation et la tenue de l'entretien préalable est, en effet, un délai minimum. Dans cette mesure, l'interdiction de renoncer ne vaut que pour la partie inférieure à 5 jours. Le salarié pourra, en revanche, valablement renoncer au délai de 5 jours pour un délai plus long.
La présence d'un caractère minimum attaché aux dispositions légales est la marque de l'ordre public social. Ce caractère, propre au droit du travail, sert à qualifier les normes semi-dispositives. Ceci signifie qu'elles sont absolument impératives a minima -ce qui interdit d'y déroger-, et qu'elles sont, en revanche, à la disposition des parties pour ce qui va au-delà de la loi, ce qui leur permet de les améliorer. Elles sont donc à la fois impératives et non-impératives. Toute convention individuelle ou collective qui aurait pour objet d'aller en-dessous de ce minimum devrait immédiatement être annulée ou, en tout état de cause, serait inapplicable. Dans cette mesure, seule la convention qui aurait pour objet d'allonger le délai entre la convocation et l'entretien pourrait être considérée comme valable, car plus favorable.
La présence de ce minimum est une source d'égalité. Tous les salariés peuvent, ainsi, également assurer leur défense. La généralité de cette solution, pourtant rendue dans une espèce où il était fait application de la loi antérieure à l'ordonnance du 24 juillet 2004, n'est pas douteuse. En premier lieu, la Haute juridiction vient, sans autre distinction, affirmer l'impossibilité pour le salarié de renoncer au délai de 5 jours ouvrables. La reprise de ce minimum par le législateur pour l'ensemble des salariés, et donc le caractère d'ordre public social qui y est attaché, imposent de faire de cette solution le droit positif en la matière (C. trav., art. L. 122-14). Il nous semble, toutefois, impératif de la préciser. Aux lieu et place de la formule générale consistant à dire que le salarié ne peut renoncer au délai, il faudrait plutôt retenir la formule spéciale précisant que le salarié ne peut renoncer au délai minimum prévu par la loi. Aucune raison ne peut justifier d'aller en-dessous de ce minimum ; il est toutefois possible d'aller au-dessus. Le fait que le salarié considère que cela est plus avantageux ou plus pratique pour lui ne permet pas de justifier la dérogation. On voit ici les limites de l'ordre public social et d'un trop haut degré de protection qui peut parfois se retourner contre le salarié... qui se retournera contre l'employeur ! |
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