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le 07 Octobre 2010
Une activité éligible à la taxe professionnelle obéit à certaines conditions :
- tout d'abord, elle doit présenter un caractère habituel, c'est-à-dire que les opérations en cause doivent présenter un caractère répétitif (question de fait) ;
- par ailleurs, elle droit être exercée à titre professionnel ;
- en outre, elle ne doit pas être rémunérée par un salaire (exonération de taxe professionnelle pour les titulaires de traitements et salaires) ;
- enfin, elle doit être exercée en France.
Le domaine de la taxe professionnelle se cantonne, donc, schématiquement, aux entreprises relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et aux professions libérales relevant du régime des bénéfices non commerciaux (BNC).
En pratique, la question s'est posée de savoir si un contribuable percevant des BIC non professionnels est passible de la taxe professionnelle. De prime abord, cette interrogation peut sembler incongrue étant donné, commme nous l'avons remarqué, que pour être imposable à la taxe professionnelle, une activité, doit, en principe, revêtir un caractère professionnel, c'est-à-dire être, non seulement, exercée à titre habituel, mais, aussi, dans un but lucratif et, surtout, ne pas être limitée à la gestion d'un patrimoine privé. Ainsi, le contribuable percevant des BIC dans le cas d'une simple gestion patrimoniale échappe, en toute logique, à la taxe professionnelle (1). Et pourtant, la doctrine administrative et certains arrêts récents de cours administratives d'appel semblent aller contre cette affirmation de principe en matière de location meublée et de location-gérances (2).
1. La simple gestion patrimoniale n'entraîne pas la soumission à la taxe professionnelle
La gestion du patrimoine en "bon père de famille" n'entraîne pas l'assujettissement à la taxe professionnelle. En revanche, si cette gestion se "professionnalise", c'est-à-dire que son propriétaire utilise son patrimoine dans le cadre d'opérations de nature spéculatives (CAA Paris, 2ème ch., 30 décembre 1996, n° 95PA00774, Ministre du Buget c/ M. Taillet N° Lexbase : A8762AY8), les bénéfices en résultant seront imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux professionnels. De là, en résultera sa soumission à la taxe professionnelle.
Ainsi, sont assujetties à la taxe professionnelle, "les personnes qui habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés" . Ou encore, "les personnes qui, à titre professionnel, effectuent en France ou à l'étranger, directement ou par personne interposée, des opérations sur un marché à terme d'instruments financiers ou d'options négociables ou sur des bons d'option, à condition qu'elles aient opté pour ce régime dans les quinze jours du début du premier exercice d'imposition à ce titre" (CGI, art. 35-I, 8°).
Dans ces deux hypothèses, c'est le caractère professionnel de l'activité exercée et la répétition d'actes (caractère habituel) qui font basculer le contribuable en cause dans le champ d'application de la taxe professionnelle. Il aura, toutefois, toujours la possibilité de démontrer que les opérations en question avaient été effectuées en vue de satisfaire des besoins personnels et familiaux. Ainsi, pour la cour administrative d'appel de Lyon, n'a pas effectué des activités de marchand de biens entrant dans le champ de l'article 35-I,1° du CGI, le contribuable qui établit que les immeubles vendus avaient été acquis pour satisfaire ses besoins personnels et familiaux. Elle en conclut, donc, que leur revente relève de la simple gestion du patrimoine personnel (CAA Lyon, 2ème ch., 31 décembre 2001, n° 01LY00367, M. et Mme Alix c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8695AZ3).
La solution est identique pour un particulier ayant décidé de financer partiellement l'acquisition de son voilier en recourant à la formule de l'achat-gestion (CE 9° et 10° s-s., 21 décembre 2001, n° 210585, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Roullet N° Lexbase : A9772AX9). En l'espèce, le requérant avait mis par contrat le bateau, dès son acquisition, à la disposition d'une entreprise spécialisée dans la location de bateaux durant cinq ans. Toutefois, il en avait conservé la jouissance pendant quelques semaines. La Haute assemblée a infirmé l'argumentation de l'administration fiscale, qui entendait soumettre le contribuable à la taxe professionnelle, alors même que les revenus tirés de la location étaient, certainement, imposables dans la catégorie des BIC. Selon elle, la simple passation du contrat de louage, qui n'a pas impliqué la mise en oeuvre par celui-ci de moyens matériels ou intellectuels, ne suffit pas à caractériser l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle au sens de l'article 1447 du CGI.
La solution est, d'ailleurs, semblable en matière de BNC, comme a pu le rappeler le tribunal administratif de Nantes dans un jugement en date du 26 février 2002. Dans cette affaire, les juges du premier degré ont considéré qu'une SCI, qui percevait des BNC en partie non professionnels et qui exerçait à titre habituel l'activité non salariée consistant à gérer la sous-location de locaux nus à usage commercial, n'est pas assujettie à la taxe professionnelle, dès lors que les moyens matériels et intellectuels mis en oeuvre pour assurer cette gestion correspondaient à ceux nécessaires à une simple activité de gestion patrimoniale et, par la suite ne sauraient caractériser l'exercice d'une profession non salariée (TA Nantes, 26 février 2002, SCI de Berge).
2. L'assujettissement à la taxe professionnelle des contribuables percevant des BIC non professionnels
Sont des revenus non professionnels ceux dont le titulaire ne participe pas de manière personnelle, continue et directe à l'activité relevant des BIC dont ils proviennent . La gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas un membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention.
La perception de BIC non professionnels ne devraient pas, dès lors, entraîner l'imposition à la taxe professionnelle de leur titulaire. Pourtant en matière de locations meublées et de locations gérances, les solutions en vigueur semblent enfreindre ce principe.
2.1. Le cas des locations meublées
En matière de locations meublées, en principe, le bailleur doit échapper au paiement de la taxe professionnelle (sous réserve qu'il ne s'agit pas d'une gestion professionnelle de son patrimoine bien entendu). Il agit, en effet, dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé et n'exerce à ce titre aucune activité professionnelle susceptible d'entraîner son assujettissement à la taxe professionnelle. De plus, les loyers perçus ont, en général, la nature de BNC non professionnels.
Cependant, l'administration fiscale, s'appuyant sur un argument textuel, fait entrer certaines locations meublées dans le champ de la taxe professionnelle (QE n° 46456 de M. Nesme Jean-Marc, JOANQ, 14 septembre 2004, p. 7079, min. Eco., réponse publ. 23 novembre 2004, p. 9218, 12ème législature). Le Code général des impôts prévoyant des exonérations de taxe professionnelle pour certaines locations meublées, n'est'il pas pas logique de penser que le principe est la soumission de ces dernières à l'impôt local ?
Cette solution est, néanmoins, contraire au principe vu plus haut de la non-imposition à la taxe professionnelle d'une personne se cantonnant à une simple gestion patrimoniale.
Le Conseil d'Etat est pour l'instant muet sur cette question. On peut espérer que sa jurisprudence future s'inspirera de l'arrêt du 29 avril 2004 de la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 5ème ch., 29 avril 2004, n° 00LY02050, M. Christophe Denis c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1807DDB), qui a jugé qu'un particulier gérant son patrimoine en bon père de famille, malgré le fait qu'il consente des locations meublées, n'exerce pas d'activité professionnelle. En conséquence, la juridiction administrative d'appel en a déduit que contribuable devait échapper au paiement de la taxe professionnelle.
2.2. Le cas des locations-gérances
Un propriétaire qui met son fonds de commerce en location-gérance, perçoit des redevances qui sont, au regard du droit fiscal, des BIC non professionnels. Il devrait, donc, échapper à la taxe professionnelle. Pourtant la jurisprudence (CAA Bordeaux, 3ème ch., 4 février 1997, n° 95BX01767, SARL Etablissements Larre et Suhas c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0124AXU) et la doctrine administrative prônent la solution inverse.
Examinons, d'abord, la position de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Celle-ci, dans l'affaire qui nous concerne, avait été saisie par une SARL qui contestait son assujettissement à la TVA. Elle arguait du fait qu'elle n'avait pas exercé l'année en cause une activité ayant à la fois un caractère habituel et un caractère professionnel au sens de l'article 1447 du CGI, dès lors qu'elle avait confié son fonds de commerce en location gérance à deux entreprises individuelles.
Les juges du fond la déboutèrent, cependant, au motif "qu'en raison, d'une part, de l'existence de moyens matériels spécifiques mis en oeuvre par le loueur d'un fonds de commerce, d'autre part, de l'objet commercial d'une telle location, un tel loueur doit être regardé comme exerçant une activité professionnelle non salariée au sens de l'article précité (CGI, art. 1447) ; que la société Etablissements Larre et Suhas ayant signé un contrat avec deux entreprises, consistant à leur fournir pour compter du 1er janvier 1991, les éléments nécessaires à une exploitation commerciale provenant du fonds de commerce qu'elle exploitait antérieurement, elle a exercé, au cours de l'année considérée, une activité de location, présentant un caractère périodique, au titre de laquelle elle était redevable de la taxe professionnelle en vertu des dispositions précitées de l'article 1447 du CGI".
Il convient de noter que cet arrêt est, néanmoins, conforme à la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui considère que la location d'un fonds de commerce, muni des éléments nécessaires à son exploitation (mobilier, matériel divers...) constitue une activité imposable, même lorsque le loueur gérait, précédemment, le fonds et n'avait conservé aucun droit de regard (CE, contentieux, 5 janvier 1972, n° 82578, Ministre des Finances c/ Sieur Boucher N° Lexbase : A3336B7P).
La solution est évidente, compte tenu du fait que le propriétaire du fonds participait à titre professionnel, c'est-à-dire de manière personnelle, continue et directe à l'activité qui génère ses revenus, du fait de la fourniture d'un certains nombres d'éléments nécessaires à l'exploitation du fonds commercial aux deux sociétés.
L'étude de ces jurisprudences nous enseigne, ainsi, que le loueur n'est pas imposable à la taxe professionnelle, à partir du moment où, dans le cadre d'un contrat de location quel qu'il soit, il ne pas met en oeuvre des moyens matériels ou intellectuels, mais se cantonne à un rôle purement passif qui consiste à encaisser les loyers.
Cependant, dans le cas des locations meublées, la doctrine administrative ne fait pas sienne cette analyse, ce qui est contraire à l'article 1447 du CGI. En matière de locations-gérance, en revanche, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ne paraît pas contraire aux dispositions relatives à la taxe professionnelle. En effet, le propriétaire du fonds de commerce aurait échappé à l'imposition, s'il n'avait pas été prévu dans le contrat qu'il devait fournir des éléments nécessaires à l'exploitation commerciale du fonds. On serait, alors, resté dans le cadre d'une gestion patrimoniale et non professionnelle.
Karim Sid Ahmed
Doctorant à l'Université de Paris I - La Sorbonne
Lire également :
- M. Cozian, Celui qui perçoit des BIC ou des BNC non professionnels est-il passible de la taxe professionnelle ?, DO 2005, n° 19 ;
- J.-P. Fradin et J.-B. Geffroy, Traité du droit fiscal de l'entreprise, 2003, PUF, n° 56-60 ;
- C. David, O. Fouquet, B. Plagnet et P.-F. Racine, Les grands arrêts de la jrisprudence fiscale, 4ème éd., Dalloz, 2003, n° 27.
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