Réf. : Cass.soc., 29 juin 2004, n° 03-10.789, Mme Solange Maupetit et a. c/ Société Renault et a., FS-P+B N° Lexbase : A9044DCX)
Lecture: 6 min
N2338AB9
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Chrystelle Alour, Rédactrice en droit social
le 07 Octobre 2010
Décision
Cass.soc., 29 juin 2004, n° 03-10.789, Mme Solange Maupetit et a. c/ Société Renault et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A9044DCX) Rejet cour d'appel (chambre des appels prioritaires), 26 novembre 2002 Textes visés : CSS, L. 431-2 (N° Lexbase : L5359DYB) ; L. 461-1 ([LXBL5309ADY]) ; L. 461-5 (N° Lexbase : L5310ADZ) Faute inexcusable ; prescription ; maladie professionnelle ; rechute Lien base : N° Lexbase : E7469AGQ |
Faits
1. De 1970 à 1972, un salarié travaille à la régie nationale des usines Renault. Le 20 mars, il est reconnu atteint d'une maladie d'origine professionnelle, inscrite au tableau n° 4, à la suite de l'avis émis le 19 septembre 1995 par le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Le 9 avril, l'ancien salarié de chez Renault décède. Son épouse et ses enfants engagent, le 5 février 1999, une action en reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de son employeur, la société Renault, en vue d'obtenir une majoration de la rente, la réparation de leur préjudice moral résultant du décès ainsi que la réparation du préjudice subi par le salarié de son vivant du fait de sa maladie. L'ensemble des juridictions rejettent leurs demandes. 2. La cour d'appel rejette la demande des ayant droits du salarié au motif que la prescription a commencé du jour où le paiement des indemnités journalières a été temporairement interrompu à raison d'une courte reprise. |
Problème juridique
La rechute fait-elle courir à nouveau la prescription biennale de l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5359DYB) ? |
Solution
La Cour de cassation reprend les termes de l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5359DYB) qui prévoit les différentes dates de départ de la prescription biennale. Elle rappelle que les juges du fond avaient relevé que le salarié avait cessé son travail en raison de sa maladie une première fois, avant de le cesser définitivement à partir du 12 avril 1995. Entre temps, le 19 septembre 1995, le caractère professionnel de la maladie avait été officiellement reconnu, "de sorte que le délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur avait commencé à courir à compter de [cette date]". C'est donc à bon droit que la cour d'appel, "qui retient que la survenance d'une rechute n'avait pas eu pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale prévue par les textes précités, a déclaré prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, introduite le 5 février 1999 par les ayants droit de la victime qui ainsi, n'avaient plus de droit à demander la réparation d'un préjudice résultant d'une telle faute". |
Commentaire
I. Les règles de prescription en matière de faute inexcusable
La prescription en matière de faute inexcusable est de deux ans. Elle peut courir à partir du jour de l'accident ou de la première constatation médicale de la maladie, de la cessation du paiement des indemnités journalières, ou encore du jour de la clôture de l'enquête. Son point de départ diffère selon les situations. Si aucune enquête n'est effectuée et que le salarié ne perçoit pas d'indemnité, la prescription court par exemple, du jour de la constatation médicale de la maladie (CSS, art. L. 431-2 N° Lexbase : L5359DYB). En revanche, si la Caisse n'a pas contesté le caractère professionnel de l'accident et qu'elle a versé des indemnités journalières, le délai de prescription commence à courir à compter de la cessation du versement des indemnités journalières (Cass.soc., 13 juillet 2000, n° 98-18.328, Mme Ruzica Ristic c/ Société générale de location (SGL) et autres, inédit N° Lexbase : A8306AH4).
Dès lors que la caisse est saisie, la prescription biennale est interrompue ; le cours de celle-ci est ensuite suspendu tant que cet organisme n'a pas fait connaître aux intéressés le résultat de la tentative de conciliation (Cass.soc., 17 juin 1993, n° 91-10.762, Roussarie c/ Rivière et autres, inédit [LXB=1584ABB]). La prescription est aussi interrompue par l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident (CSS, art. L. 431-2 N° Lexbase : L5359DYB). La prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaires est, par ailleurs, interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits (CSS, art. L.431-2 N° Lexbase : L5359DYB) c'est à dire pour des faits susceptibles d'entraîner la reconnaissance d'une faute inexcusable.
La jurisprudence veille à ce que les victimes puissent faire valoir leurs droits. Lorsqu'une enquête a été diligentée, par exemple, elle s'assure que les intéressés ont bien été avertis "en temps utile". Dans une affaire, elle a ainsi admis que le délai de prescription ait pu commencé à courir alors même que la caisse primaire d'assurance maladie n'avait pas averti les victimes ou leurs ayant droit de la clôture de l'enquête. Elle s'était attachée à vérifier que les intéressés avaient été informés "en temps utile" de la prise en charge de la maladie par la Caisse à titre de maladie professionnelle (Cass. soc., 27 avril 2000, n° 98-11.750, Société Eternit c/ Malsot et autres N° Lexbase : A8173AGS). Consciente des difficultés que peuvent poser certaines affections, la Cour de cassation a aménagé les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable dans l'hypothèse de la contamination par le virus HIV. Depuis un arrêt du 15 octobre 1998, en cas de contamination par ce virus, c'est au jour de la révélation de la séropositivité qui constitue le jour de l'accident, que commence à courir le délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable (Cass.soc., 15 octobre 1998, n° 96-22.127, Hôpital Notre-Dame de Bon Secours c/ M. X et autres N° Lexbase : A1953ABX). Dans l'arrêt du 29 juin, la Cour de cassation effectue un rappel des règles applicables en cas de rechute. II. Les règles de prescription en cas de rechute
En l'espèce, le salarié avait été arrêté une première fois pendant près d'un an. Pendant cette période de congé maladie, le caractère professionnel de la maladie avait été médicalement constaté. Bénéficiant d'une courte rémission, le salarié avait repris son activité quelques mois, jusqu'à un arrêt de travail définitif qui devait précéder son décès. La reconnaissance officielle de la maladie avait, par la suite, eu lieu le 19 septembre 1995. Après la mort de la victime, ses ayant droits ont voulu faire reconnaître le caractère inexcusable de la faute de l'employeur à l'origine de la maladie. Ils invoquaient à ce titre l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5302ADQ), qui prévoit, lorsque la victime décède, la possibilité pour les ayant droits de demander réparation du préjudice moral. Cet article ne mentionne aucun délai pour la mise en oeuvre de l'action. Ils estimaient donc pouvoir l'invoquer pour contourner l'application de l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L5359DYB).
Mais la Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement. Elle rappelle, en effet, que la détermination du point de départ de la prescription prévue par l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5359DYB), dont elle reprend les termes, s'applique également à l'action des ayant droits engagée postérieurement au décès de la victime. Dès lors, il convenait de se référer à la condition posée par ce texte. La cessation du versement des indemnités peut constituer, rappelons-le, le point de départ de la prescription. Pour la famille de la victime, la date d'interruption ne faisait donc aucun doute ; elle était intervenue postérieurement au décès. Mais, c'était là faire de la rechute une cause de renouvellement du délai. En effet, le salarié ayant repris son travail une première fois, le second arrêt maladie devait être considéré comme une rechute. Or comme l'indiquait la Cour, "la survenance d'une rechute n'a pas pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale". Cette décision s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation. Un arrêt du 3 mars 1994 (Cass.soc., 3 mars 1994, n° 91-17.795, M Dalaine c/ Entreprise Lagrange et autre, publié N° Lexbase : A0522ABX) avait déjà décidé que "la survenance d'une rechute n'avait pas pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale prévue par l'article L. 431-2". La Cour rappelle par ailleurs régulièrement, que les délais de prescription de l'article précité s'appliquent aussi aux ayant droits de la victime. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:12338