Réf. : Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 14-20.239, F-P+B (N° Lexbase : A8881NK7)
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par Thierry Vallat, Avocat au barreau de Paris
le 18 Juillet 2015
Une avocate quimpéroise avait été chargée par un confrère d'assurer la postulation dans une procédure devant le tribunal de grande instance local.
Rappelons à ce stade que la postulation, selon la définition qu'en donne le doyen Gérard Cornu, est "la mission consistant à accomplir au nom d'un plaideur les actes de procédure, qui incombe, du seul fait qu'elle est constituée, à la personne investie d'un mandat de représentation en justice... ".
Voilà donc la cliente dotée non plus d'un seul conseil, mais bien de deux avocats qui réclament chacun leur dû dans le cadre de la procédure.
Un litige apparaît quant au règlement des honoraires de postulation, dont le sort manifestement n'avait pas été réglé par une convention ou un accord préalable.
La cliente refuse de régler le postulant et ce dernier va donc saisir le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Quimper qui les taxe à un montant de 717,60 euros.
Cette décision du Bâtonnier, prise selon les règles du décret de 1991 susvisé, est contestée et déférée par la cliente récalcitrante devant le premier président de la cour d appel de Rennes, lequel confirme l'ordonnance de taxe.
La décision d'appel précisait que les frais exposés par l'avocat postulant devaient être estimés par référence aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, modifiée le 10 juillet 1991 et que le Bâtonnier avait bien pris en compte les usages, la situation de fortune du client, la difficulté de l'affaire, la notoriété de l'avocat et les frais exposés pour taxer ces derniers.
Mais la cliente, décidemment tenace n'en reste pas là et saisit alors la Cour de cassation sur des moyens qui ne sont pas retenus par la deuxième chambre civile dans son arrêt.
En revanche, la Cour de cassation relève d'office un autre moyen pour casser l'ordonnance prise le 26 novembre 2013 par le premier président de la cour de Rennes (CA Rennes, 26 novembre 2013, n° 12/03123 N° Lexbase : A1922KQA) : "l'action relative aux émoluments de l'avocat postulant ne relève pas de la procédure de fixation des honoraires prévue aux articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991".
Et, ne renvoyant pas l'affaire, la Haute Juridiction décide de déclarer irrecevable de ce fait la demande de taxation de l'avocat postulant.
Quelle analyse ?
Cette décision n'est en fait guère surprenante puisqu'elle s'inscrit dans la droite ligne d'un arrêt déjà rendu en la matière le 28 juin 2007 (Cass. civ. 2, 28 juin 2007, n° 05-16.013, FS-P+B N° Lexbase : A9379DWB) dans une affaire similaire.
La deuxième chambre civile avait donc à cette occasion déjà eu l'occasion de préciser que, si les honoraires de l'avocat sont fixés en accord avec le client, et que leur contestation relève de la compétence du Bâtonnier de l'Ordre des avocats, le recours contre la décision du Bâtonnier étant porté devant le premier président de la cour d'appel, la tarification de la postulation et des actes de procédure est régie par les dispositions du Code de procédure civile.
C'est donc ce même raisonnement que suit la Cour de cassation dans son arrêt du 11 juin 2015 en rappelant que les dispositions du décret n° 60-323 du 2 avril 1960, portant règlement d'administration publique et fixant le tarif des avoués (N° Lexbase : L2132G8H) modifié et les règles de compétence, qui sont distinctes en matière de contestations d'honoraires d'avocat de celles applicables à la taxation des émoluments de l'avocat postulant, sont d'ordre public et que la procédure de taxation des articles 174 du décret du 27 novembre 1991 ne trouvent pas à s'appliquer pour le postulant.
Les contestations des émoluments du postulant relèveront donc des articles 695 (N° Lexbase : L5594DYT) et suivants du Code de procédure civile et seront portées devant le premier président du tribunal de grande instance qui est le juge taxateur naturel des frais et dépens.
Le juste prix d'un avocat correspondant constitue trop souvent une source de conflits avec les clients en raison de tarifs extrêmement disparates.
Une récente décision (CA Dijon, 28 avril 2015, n° 14/00098 N° Lexbase : A2652NHP) en est encore une fois l'illustration.
Dans cette affaire, une avocate correspondante dijonnaise avait sollicité 1 794 euros TTC au titre de ses prestations, qui avaient, il convient de le préciser, dépassé une simple postulation avec notamment de nombreuses communications de pièces et puisqu'elle avait également plaidé elle-même le dossier.
Le premier président de la cour d'appel devait réduire dans son ordonnance le montant total à la somme de 1 315,60 euros.
Bien sûr, la procédure de fixation, tout comme celle ayant été à l'origine de notre arrêt du 11 juin 2015, n'est pas la bonne et, si elle devait être soumise à la censure de la Cour de cassation, elle serait sans coup férir déclarée irrecevable également, mais elle illustre bien les difficultés rencontrées lorsque les règles du jeu ne sont pas convenues d'avance entre l'avocat plaidant, son correspondant et leur client.
On ne saurait donc trop conseiller que d'inclure dans les conventions d'honoraires un paragraphe particulier relatif aux frais du postulant et l'étendue des prestations qui seront effectuées, de manière à assurer une parfaite transparence, mais aussi d'éviter des dérapages sur leur montant qui sont parfois constatés.
Bien que les temps soient à l'imposition de barèmes et de tarifs régulés, la liberté des honoraires nous paraît cependant devoir demeurer la règle, y compris donc pour ceux de postulation.
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