L'action individuelle en responsabilité dont disposent les associés à l'encontre du dirigeant ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel distinct de celui causé à la société. Or la perte de dividendes espérés qu'aurait pu dégager une société si son gérant s'était comporté de façon loyale et fidèle, outre qu'elle correspond à la réparation d'une perte de chance voire d'un préjudice hypothétique, constitue un préjudice qui n'est que le corollaire de celui subi par la société et ne présente en conséquence aucun caractère personnel. En revanche, le comportement déloyal du gérant à l'égard de ses deux associés leur a incontestablement causé un préjudice moral, constitutif d'un préjudice personnel réparable. Tel est le sens d'un arrêt rendu sur renvoi après cassation (Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-15.049, F-P+B
N° Lexbase : A9345HZ7 ; lire
N° Lexbase : N9269BS4) le 1er juillet 2014 par la cour d'appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 1er juillet 2014, n° 12/03374
N° Lexbase : A3008MS9). En l'espèce, une SARL a engagé la construction de la première des deux tranches d'un programme immobilier destiné à la gendarmerie nationale. Reprochant à son gérant et à une autre société d'avoir détourné à leur profit les bénéfices de la première tranche du programme immobilier et d'avoir fait réaliser la seconde tranche par une SCI ayant le même dirigeant que la SARL, certains actionnaires de cette dernière les ont assignés en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et ont sollicité la condamnation du gérant et de la société au paiement de dommages-intérêts pour comportement déloyal. La cour d'appel retient notamment, que le dirigeant est tenu à l'égard de la société à une obligation de loyauté qui est incompatible avec l'exercice parallèle d'une activité concurrentielle ; la loyauté implique, en effet, l'obligation de ne pas concurrencer la société. Il est aussi tenu à une obligation de fidélité l'obligeant à réserver son activité au bénéfice de la société dont il est le mandataire. Or, en l'espèce, pour les juges d'appel, les sociétés exercent dans le même domaine d'activité à savoir la promotion immobilière et ce, sur la même commune ; le fait que l'une d'entre elles puisse être qualifiée de société mono-programme ne permet nullement d'affirmer le contraire. En outre, la SARL, compte tenu de son objet social plus large était à même de prendre en charge l'opération finalement réaliser par la SCI concurrente. D'autre part, le gérant de la SARL n'est certes pas le gérant de la SCI dont la gérance est exercée par une SAS, mais il est le dirigeant de cette SAS. Or, selon l'article 1847 du Code civil "
si une personne morale exerce la gérance, ses dirigeants sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civiles et pénales que s'ils étaient gérants en nom propre". Ainsi, la cour d'appel conclut à la responsabilité du gérant (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E2547AYY).
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