Lexbase Fiscal n°573 du 5 juin 2014 : Fiscalité des entreprises

[Evénement] Les prix de transfert - Compte rendu de la conférence du 23 mai 2014

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 05 Juin 2014

Le 23 mai 2014, le Centre de recherches Léon Duguit, l'association 2ISF, l'Université d'Evry-Val d'Essonne et le LEJEP ont organisé un séminaire portant sur les prix de transfert. Huit intervenants de tous bords professionnels se sont réunis au Conseil supérieur du Notariat, pour traiter de ce sujet à la fois vaste et complexe. Placé sous la direction scientifique de Christian Lopez, Maître de conférences, Université Cergy-Pontoise et coordonné par Laurence Vapaille, Maître de conférences, Université d'Evry-Val d'Essonne, ce séminaire a donné la parole tour à tour à des universitaires, des avocats, à l'administration fiscale, à l'OCDE, à un fiscaliste en entreprise et même à un commissaire aux comptes. Retour sur cet événement riche en enseignements. L'obligation de transparence en matière de prix de transfert

Christian Lopez introduit et anime le séminaire, en rappelant que, si les prix de transfert font l'objet de toutes les attentions actuellement, leur existence remonte au 31 mars 1933, date à laquelle l'article 57 (N° Lexbase : L3365IGQ) a été introduit dans le CGI.

L'actualité a mis à l'honneur les prix de transfert, depuis une vingtaine années, au vu de l'importance qu'a pris le contrôle fiscal, qui a connu d'ailleurs un durcissement en cette matière.

Les prix de transfert sont les prix des opérations intragroupes et transfrontalières. S'ils concernaient au départ majoritairement les marchandises, ils frappent de plus en plus les prestations de services et les transferts de savoir-faire.

Pourquoi les prix de transfert sont-ils susceptibles d'optimiser la fiscalité de ceux qui les utilisent ? Parce qu'ils permettent à une filiale située dans un Etat qui a un fort taux d'imposition de transférer une partie de son bénéfice à une filiale située dans un Etat à taux faible d'imposition, en vendant moins cher un produit, ou, à l'inverse, en achetant plus cher un bien ou un service livré par la seconde filiale. Dans les deux cas, l'assiette imposable se trouve minorée par rapport à ce qu'il se serait passé dans un marché de pleine concurrence.

L'on voit tout de suite que le recours à la notion de marché de pleine concurrence fait appel à des compétences autres que fiscales. Ainsi, il est souvent fait appel à des experts de l'économie et des finances pour trouver quel aurait dû être le juste prix et le comparer avec celui qui a été pratiqué.

Autre remarque importante : les affaires mettant en scène des prix de transfert tournent souvent autour de questions de procédure. La charge de la preuve fait débat.

A cet égard, le Conseil d'Etat, dans une décision rendue le 2 mars 2011 (CE 3° et 8° s-s-r., 2 mars 2011, n° 342099, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3003G4Y), a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 57 du CGI. Cet article indique que, lorsque l'administration établit le lien de contrôle entre deux entreprises qui se sont octroyées un avantage, les sanctions attachées à la législation sur les prix de transfert s'appliquent. Cette présomption est simple et peut être combattue par la preuve contraire, sauf en cas de filiale située dans un Etat ou territoire non coopératif (ETNC ; dont la liste est fixée par la France ; voir CGI, art. 238-0 A N° Lexbase : L3333IGK et arrêté du 17 janvier 2014 N° Lexbase : L2489IZ9). Le requérant critiquait la mise en place d'une telle présomption, mais la Haute juridiction considère que la question n'est ni nouvelle, ni sérieuse.
Cet arrêt se campe dans la droite ligne épousée par le législateur, qui prône la transparence au-delà de tout autre principe. Et cela se ressent dans les textes de loi. L'article L. 13 AA du LPF (N° Lexbase : L1053IZZ) impose une documentation prix de transfert, qui contient, depuis récemment (loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, art. 45 N° Lexbase : L6136IYW), les rulings (position de l'administration fiscale étrangère qui lui est opposable et comprend souvent une phase de négociation de l'impôt) obtenus à l'étranger par une filiale, un établissement stable ou une mère de la société française. La loi du 6 décembre 2013, de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière, institue des obligations déclaratives annuelles et proroge le délai de reprise de l'administration, augmente le poids des déclarations que doit faire un administrateur de trust, renforce le contrôle sur les comptes bancaires, etc., au risque de laisser de côté le contribuable. Ce dernier a joui d'une montée de ses droits procéduraux, dont l'ensemble a mis 50 ans à se construire. Le législateur y porte de plus en plus atteinte.

L'Etat devrait se pencher sur les arrêts rendus par la CEDH en 1993 (CEDH, 25 février 1993, Req. 83/1991/335/408 N° Lexbase : A6543AWA) et en 2008 (CEDH, 16 octobre 2008, Req. 10447/03 N° Lexbase : A7387EAT), par lesquels la Cour, qui défend la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, a sanctionné un Etat qui menait des actions disproportionnées à l'égard de ses contribuables. La France prend des risques en prenant ce type de dispositions. La Cour de Strasbourg pourrait lui reprocher de rompre le fragile équilibre protégé par sa jurisprudence.

Le contrôle des prix de transfert : thèmes et enjeux

Olivier Sivieude, DGFIP, Chef de service du contrôle fiscal, revient sur la position de l'administration fiscale sur les prix de transfert, très critiquée. Expliquant les orientations du service, il souligne l'importance que la question des prix de transfert a prise au fur et à mesure de l'internationalisation des entreprises. Cette évolution a fait disparaître les frontières pour les sociétés, qui choisissent, par le biais des prix de transfert, le lieu d'imposition de leurs bénéfices.

Les entreprises mondiales sont soumises à une compétition féroce, qui les force à réduire leurs coûts. L'impôt étant un coût, il n'échappe pas à la règle. En l'absence de régulation fiscale mondiale, et au vu des différences entre les fiscalités pratiquées par les Etats, la tentation est grande. Rien qu'en Union européenne, le taux de l'IS varie de 12,5 % à 40 %. L'exemple le plus connu et exploité est celui des redevances, imposées en France à 33,1/3 %, et à 0 % aux Pays-Bas.

Depuis 2008, le monde traverse une crise budgétaire, ce qui explique les hausses d'impôts pratiquées. Le législateur se montre anxieux face à cette problématique. La prise de conscience de l'urgence et de la gravité de la situation est flagrante.
Le sujet des prix de transfert a beaucoup évolué. Alors qu'à l'origine il s'agissait plutôt d'échanges de marchandises dans un groupe, ce qui permettait l'utilisation de comparables pour évaluer les justes prix, les objets échangés sont aujourd'hui beaucoup plus divers. En outre, les groupes de sociétés sont très resserrés, ce qui rend la quête de la comparabilité beaucoup plus difficile. En effet, certains biens et/ou services ne sont transférés qu'à l'intérieur de groupes de sociétés, il n'existe donc pas véritablement de prix de marché.
Tous les pays se penchent sur la question des prix de transfert. Les débats sont tendus entre eux sur ce sujet.

La matière a connu des progrès considérables et légitimes. Or, l'administration fiscale se trouve bloquée par les frontières. Deux choix s'ouvrent à elle : soit elle demande des renseignements aux autorités étrangères, soit elle demande à l'entreprise la preuve que les prix intragroupe et transfrontaliers qu'elle pratique suivent le marché. Auparavant, la pratique de la demande d'échange de renseignements était courante. Mais elle ne fonctionne pas lorsque l'Etat étranger ne coopère pas. La stratégie adoptée par l'Etat est celle par laquelle il sanctionne les entreprises pour avoir une implantation dans ces Etats. Les entreprises font alors pression sur les Etats afin qu'ils se conforment au standard d'assistance administrative. C'est ce qu'il s'est passé avec Jersey et les Bermudes.

La France s'est trouvée, avant l'adoption de la loi du 6 décembre 2013, en-deçà du standard international au niveau de la lutte contre la fraude. Avec l'adoption de la loi précitée, elle s'est mise au niveau de ses voisins et amis.

Quel peut être le futur de la lutte contre les prix de transfert ? L'Union européenne a mis au point un projet ambitieux d'harmonisation de l'assiette de l'IS en son sein, le projet "ACCIS". Il semble toutefois impossible à réaliser aujourd'hui. L'OCDE est en train de réaliser son plan d'action BEPS, dont il sera fait état plus loin. Par ailleurs, il convient de conforter la coopération internationale, avec des initiatives comme celle du G5 du numérique, qui a traité du problème des sociétés du secteur du numérique, notamment, Google, Amazon, Facebook, etc.. Un échange automatique de renseignements est ainsi prévu en 2017.
Enfin, il reste la législation existante, notamment les accords préalables sur les prix de transfert, qui valident la politique de prix intragroupe d'une entreprise. Le 22 mai 2014, pour finir, un plan de prévention a été annoncé, par lequel l'administration mettra à disposition des contribuables des schémas de prix de transfert qu'elle juge illégaux.

L'article 1 AStG : les prix de transfert en droit allemand

Michael Preisser, Professeur, Université de Lüneburg, explique à l'auditoire comment fonctionne la législation sur les prix de transfert en Allemagne, dont on remarque qu'elle n'est pas très différente de nos lois françaises. En effet, l'article 1er de la loi fiscale allemande traite de cette problématique (tout comme l'article 16 du Code fiscal espagnol). Deux thèses s'opposent sur le sujet des prix de transfert : ceux qui dénoncent la "dictature de la transparence" contre ceux qui souhaiteraient "un peu plus de lumière dans ce monde occulte".

Trois notions s'entrecroisent dans la loi allemande : celle de relation d'affaire, qui recouvre toute relation juridique soumise au droit des obligations et attrayant à l'activité de la société ; celle de société liées, qui recouvre la participation, directe ou indirecte, à hauteur d'un quart du capital de la société, ou qui recouvre le contrôle, voire l'influence ; celle de comparaison, codifiée en 2008, et qui suppose de prendre en compte les prix pratiqués par le marché et qui auraient été fixés par un gestionnaire scrupuleux. Ces trois notions sont les piliers de la loi sur les prix de transfert en Allemagne.

Quelles sont les méthodes d'analyse des prix de transfert ? Quatre méthodes principales sont utilisées chez nos voisins allemands. La première est très classique, il s'agit de la méthode de comparaison. Elle bénéficie d'une primauté certaine mais se révèle souvent inefficace. La deuxième, surtout utilisée dans les domaines de la pharmacie, est celle de la revente. La troisième porte sur le coût majoré, c'est-à-dire qu'il convient de trouver le prix de revient du produit ou du service et d'y appliquer la marge du groupe. Cette méthode est principalement appliquée dans le secteur de la chimie. Enfin, celle du prix de rendement.
Il faut noter que les entreprises sont libres de choisir celle de ces méthodes qui leur paraît appropriée, sous le contrôle de l'administration. En réalité, le but de ces méthodes est de trouver la marge habituelle de l'entreprise, et de contrôler si elle est bien présente dans le prix soupçonné de constituer un prix de transfert.

Un nouvel élément des prix de transfert tend au transfert de fonctions. Afin de contrôler la présence d'un réel transfert, qui justifierait le paiement d'un prix de vente, l'administration allemande contrôle que les risques ont été transférés.

Dernier élément, l'administration fiscale allemande pratique elle aussi un équivalent des accords préalables sur les prix de transfert. Avant tout contrôle et toute correction d'assiette, l'administration allemande se mettra en relation avec l'administration de l'Etat d'implantation de la société liée afin de définir le prix qui doit être pratiqué.

L'action 13 du Plan d'action BEPS (érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices) de l'OCDE : la documentation relative aux prix de transfert et le reporting pays par pays

Samia Abdelghani, Conseillère prix de transfert, OCDE, rappelle qu'en 2012, c'est le G20 qui est à l'origine du projet BEPS, puisqu'il a été demandé à l'OCDE de faire un rapport sur l'érosion de la base imposable. Le rapport qu'a dressé l'Organisation a été présenté en 2013 au G20, qui a demandé alors des réponses aux problématiques soulevées. Le Plan d'action BEPS a été mis en place, approuvé par le G20 en septembre 2013.

Ce Plan comprend quinze mesures concrètes, selon trois axes : la cohérence ; l'alignement des réglementations sur la substance économique ; la transparence. C'est dans ce dernier axe que la problématique des prix de transfert a pris sa place. A côté de ces trois axes, la création d'un instrument multilatéral d'échange automatique de renseignements et le problème des économies numériques font aussi l'objet de travaux.

44 Etats font partie du projet BEPS, qu'ils soient membres ou non de l'OCDE.

L'article 13 du Plan d'action BEPS porte sur les prix de transfert. L'objectif est qu'en décembre 2015 le chapitre 5 des principes directeurs des prix de transfert soit modifié. L'OCDE a choisi de mener son projet en collaboration avec le public, par le biais de concertations et de consultations publiques.

L'article 13 va dans le sens d'une transparence accrue des prix de transfert, avec la mise en place d'un reporting pays par pays. Ce reporting ne serait ouvert qu'aux administrations fiscales, même si les ONG demandent à ce que le public puisse avoir accès aux informations remontées par ce biais.

Le chapitre 5 relatif à la documentation des prix de transfert date de 1995, mais la France, par exemple, ne s'est dotée d'une législation la réglementant qu'en 2010. En 2000, 15 pays demandaient aux entreprises une documentation ; en 2012, ils sont 60.

Les obligations documentaires diffèrent d'un Etat à l'autre. L'OCDE essaie de standardiser les exigences nationales. En juillet 2013, elle sort un livre blanc sur la documentation, soumis à consultation publique. Le livre blanc traite de divers sujets, dont le contenu de la documentation prix de transfert (qui comprendrait un master file donnant une image globale de la politique du groupe, puis un local file axé sur l'entreprise qui érige la documentation et le reporting pays par pays) ; les moyens donnés au contribuable pour respecter ses obligations fiscales (mise à jour annuelle, confidentialité, calendrier, existence de pénalités, langue de rédaction de la documentation) ; et les modalités de mise en oeuvre de la vérification de la documentation (échanges de documents entre les administrations fiscales, notamment).

Le reporting pays par pays devrait comprendre les éléments suivants : le chiffre d'affaires, l'existence d'un bénéfice ou d'un déficit avant impôt, le capital, les effectifs, les actifs corporels, le paiement d'intérêts, etc..

Le 30 janvier 2014 a été lancée une consultation publique sur ce projet, qui a obtenu plus de 1 000 pages de commentaires (lire N° Lexbase : N0556BU7). Il en ressort que les parties prenantes demandent plus de matérialité, plus de flexibilité de cette documentation, et sont très préoccupées par l'aspect confidentiel des informations demandées.

En juin 2014, le Comité des affaires fiscales se prononcera sur le projet, qui devrait être finalement publié en septembre 2014. Le calendrier est ambitieux.

La notion de groupe : dépendance économique et juridique

Karim Sid Ahmed, MCF, Université de Cergy-Pontoise, membre du LEJEP et de 2ISF, reprend la notion de dépendance économique et juridique, fondement de la politique de prix de transfert.

L'acte anormal de gestion connaît, par le biais de cette politique, son prolongement international.

Il n'existe pas de définition du groupe de sociétés, et la jurisprudence, par une jurisprudence établie, a suffisamment martelé qu'elle déniait tout intérêt de groupe, qui aurait pourtant pu justifier les prix de transfert.

L'article 57 du CGI reconnaît d'ailleurs les notions de dépendance et de contrôle, mais ne mentionne pas le groupe.

La dépendance juridique correspond à la prise de participation. La question de son pourcentage s'est posée, jusqu'à ce que la jurisprudence tranche en faveur d'une détention à 50 % au minimum. Ce seuil est donc déclencheur de l'application de la législation sur les prix de transfert. La prise de participation peut ne porter que sur les droits de vote, et être indirecte (par le biais de dirigeants communs).

La dépendance de fait, ou contrôle, est plus obscure. Elle n'est pas connue des fiscalistes, mais plutôt en droit de la concurrence. La Chambre commerciale de la Cour de cassation maîtrise cette notion, mais le Conseil d'Etat n'en a jamais donné de définition claire. Tout s'opère par faisceau d'indices. Le juge regarde la façon dont les entreprises gèrent leurs relations. Il faut que l'une impose son pouvoir de décision sur l'autre, que l'on soit dans une situation de domination. Deux jurisprudences méritent d'être citées : la première porte sur un contrôle commercial manifeste, en raison du contrôle sur les prix qu'a une entreprise dans l'autre. La seconde fait état d'une situation d'exclusivité de la distribution par une société française avec les moyens donnés par une société suisse.

Malgré ces éléments, il est regrettable que le Conseil d'Etat n'ait pas donné une définition plus précise du contrôle, car cela crée des situations d'insécurité juridique, dommageables pour les entreprises.
La Cour de cassation, quant à elle, a décidé que le contrôle est qualifié en cas de différence de relations entre les entreprises liées par rapport aux relations entre sociétés indépendantes.

La pertinence des critères de pleine concurrence

Jean-Claude Drié, Docteur en droit, Avocat à la cour d'appel de Paris, se pose la question des critères à utiliser pour déterminer si un prix est, ou non, un prix de transfert. Le principe fondamental est celui de la pleine concurrence.

L'administration fiscale se trouve confrontée à un problème : elle doit démontrer l'existence d'un prix de transfert. Quels critères sont applicables ? Les deux méthodes les plus utilisées en France sont celles de la comparaison avec les prix du marché, et la méthode dite "cost plus", c'est-à-dire celle du prix de revient, auquel est appliquée la marge de l'entreprise. La méthode du prix de revente est, quant à elle, moins utilisée.

Appliquer ces méthodes est beaucoup plus difficile que les énumérer. L'aspect très économique de ces éléments accroît l'insécurité juridique pour les entreprises.

D'autres méthodes, subsidiaires, sont rarement utilisées, comme celle du partage des bénéfices (les bénéfices du groupe sont répartis entre les entités composant le groupe).

Quelle est la pertinence d'une méthode par rapport à une autre ? Principalement l'équité. Malheureusement, ces méthodes sont peu précises et peuvent entraîner des redressements infondés.

Une autre méthode peut être citée, celle employée notamment au Brésil, qui consiste à fixer des marges par secteur d'activité, et à les appliquer au prix de revient des produits ou services vendus par une entreprise à une entreprise liée. Enfin, une dernière méthode prévoit la répartition d'une marge globale groupe par entreprise.

Au bout de ces méthodes économiques, se trouve un contribuable, qui a payé un impôt dans un pays. Les redressements créent des situations de double imposition, des écartèlements.

Les critères ci-dessus présentés sont trop théoriques, et difficiles à appliquer.

Le regard de l'entreprise sur les prix de transfert

Guillaume Paquier, Responsable prix de transfert, Alstom, déplore l'amalgame qui est fait entre les prix de transfert et la fraude. La réglementation est mouvante, les marchés aussi. En effet, les zones d'influence se sont peu à peu déplacées vers les pays émergents et, couplée avec l'unilatéralisme dont font preuve les Etats en la matière (par exemple le Brésil ne suit pas du tout les travaux de l'OCDE), cette tendance a modifié les comportements et les règles légales. Il est difficile pour les entreprises de s'adapter à ces deux éléments, et pourtant elles doivent le faire. Afin de se trouver en conformité avec la concurrence et la législation, elles se penchent sur les lois les plus strictes et tentent de les intégrer. Leur attention est d'autant plus portée sur le respect de ces règles que le risque de double imposition est important.

Sur le sujet des prix de transfert, dans le monde, l'on assiste à un télescopage de multiples projets, ce qui crée un manque de cohérence. En outre, le législateur, et parfois l'administration elle-même accusent un manque de connaissance qui ne permet pas d'ériger une réglementation claire et appropriée.

Les entreprises françaises aujourd'hui appréhendent la gestion des prix de transfert comme une gestion du risque de redressement, pas comme un moyen de diminuer le poids de l'impôt.

Quelle est la pertinence du contenu des projets sur les prix de transfert ? Concernant le reporting pays par pays, porté par l'OCDE, il faut bien faire attention à l'échange des informations stratégiques. Ce point angoisse beaucoup les entreprises, car les administrations fiscales vont se retrouver avec une mine de renseignements confidentiels dont la divulgation pourrait perturber les marchés et mettre à mal les stratégies économiques des entreprises.

Deux approches contenues dans le Modèle de convention fiscale de l'OCDE (N° Lexbase : L6769ITU) s'opposent : celle de l'article 7 (bénéfices des entreprises), selon laquelle il faut s'attacher aux risques, et donc à une fonction, dotée d'une substance, et celle de l'article 9 (entreprises liées), qui fait primer la fonction même sur les actifs. La notion de risque est très en retrait.
Or, un contribuable doit avoir une vision claire de son environnement juridique, pour ressentir la sécurité juridique qui lui permettra de gérer ses affaires sereinement. Normalement, une telle sécurité passe par la signature de contrats. Il est dommage de constater l'existence d'une présomption de fraude dans les groupes de sociétés sur la problématique des prix de transfert.

Un exemple permet d'éclairer les difficultés rencontrées par les groupes : lorsqu'une personne s'engage à exécuter une tâche, il est normal qu'elle soit mieux rémunérée si elle assume les risques liés à une opération que si elle ne les assume pas. L'approche par les risques est un enjeu important des solutions prix de transfert, mais l'article 9 ne se l'approprie pas, alors même que les Principes de l'OCDE sur les prix de transfert de 2010 mentionnent cette approche dans son paragraphe 1.44.

Comptabilité et prix de transfert

Philippe Bailly, Ancien commissaire aux comptes, Conseil aux entreprises, rappelle que, si l'administration fiscale a désormais accès à la comptabilité analytique, elle doit tout de même se méfier (et les entreprises aussi), car cette dernière ne connaît pas de règles, à l'inverse des comptes consolidés. Ces derniers sont les seuls comptes dans lesquels apparaissent les filiales et les participations à l'étranger.

Sur la question des prix de transfert, il peut exister une convergence entre les intérêts de l'entreprise et ceux de l'administration fiscale. En comptabilité, les écritures doivent être exhaustives et refléter la réalité. Le contrôle interne en est le garant. Le risque de prix de transfert pèse sur ces écritures, et, en cas de remise en cause par l'administration, la sanction est double, puisque l'assiette imposable est redressée chez l'entreprise contrôlée mais pas rectifiée chez la société liée.

Il convient de distinguer les opérations courantes et les opérations exceptionnelles (transferts d'incorporels, management fees...). Afin d'avoir un réel suivi des prix de transfert, l'utilisation d'un portail de gestion des factures dématérialisées est un vrai atout, notamment en matière de prix de transfert.
A noter d'ailleurs que l'administration fiscale a elle-même reconnu qu'un bon contrôle interne était suffisant pour justifier de la réalité d'un prix.

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