La lettre juridique n°994 du 12 septembre 2024 : Sociétés

[Jurisprudence] Précisions essentielles sur la modification/conversion des actions de préférence

Réf. : Cass. com., 10 juillet 2024, n° 22-15.836, FS-B N° Lexbase : A22245P3

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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre

le 11 Septembre 2024

Mots-clés : SAS • actions de préférence • conversion d'actions • conditions de modification • consentement individuel 

Il résulte de l’ancien article 1134 du Code civil, en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que, lorsque les statuts d'une société par actions simplifiée ne prévoient pas les modalités selon lesquelles les droits attachés aux actions de préférence peuvent être modifiés, le consentement individuel des titulaires de ces actions est requis pour procéder à une telle modification

Constitue une conversion d'actions au sens et pour l'application de l'article L. 228-15, alinéa 2, du Code de commerce toute opération emportant modification des droits attachés aux actions converties.


 

1. Deux arrêts en quelques mois consacrés aux ADP. Voici le second arrêt rendu en l’espace de quelques mois par la Chambre commerciale de la Cour de cassation et qui vient enrichir le régime des actions de préférence (ADP), très utilisées en pratique mais restées jusqu’à cette année absentes des recueils de jurisprudence de la Cour. La question qui était résolue par le précédent arrêt [1], relative aux actions dépourvues de droit de vote, était déjà intéressante, mais les deux questions que traite la présente décision, rendue le 10 juillet 2024 et publiée au Bulletin [2], sont pour le coup d’une importance véritablement capitale pour les sociétés ayant émis des ADP. La Cour vient en effet formuler deux règles importantes quant au régime de modification des droits attachés à ces titres.

2. Le contexte. Une société par actions simplifiée (SAS) avait émis courant 2007 des ADP donnant droit, selon les termes de l’arrêt, « à un dividende prioritaire correspondant à 8 % du prix de souscription de ces actions ou à 50 % du bénéfice net consolidé par action » – la manière dont le choix était opéré entre ces deux valeurs n’est pas précisée par l’arrêt. Des actions de ce type étaient acquises le 30 juin 2015 par deux sociétés. Quelques mois seulement après cette acquisition, le 22 décembre 2015, une « assemblée générale extraordinaire » de la SAS modifiait les statuts, réduisant le montant du dividende prioritaire attaché aux ADP : celui-ci était désormais fixé à 3 % du prix de souscription ou 15 % du bénéfice net consolidé par action. Les deux sociétés porteuses d’ADP saisissaient le juge d’une première demande, portant sur l’annulation des résolutions de l’assemblée générale, et d’une seconde demande subséquente, portant sur le paiement de sommes à titre de complément de dividendes. Ces demandes étaient toutes deux rejetées par la cour d’appel saisie du litige [3].

3. Deux éléments de solution. La Cour de cassation, saisie par les sociétés porteuses d’ADP, revient sur la question de la nullité de l’assemblée ayant décidé de modifier les droits attachés à ces titres, et elle fournit deux éléments de solution particulièrement intéressants. L’un concerne les conditions de modification des droits attachés aux actions de préférence (I) ; l’autre traite de la conversion de ces actions (II).

I. Conditions de modification des droits attachés aux actions de préférence

A. La question posée

4. La question posée. La première question abordée par l’arrêt se synthétise ainsi : la modification des droits attachés aux ADP suppose-t-elle de recueillir le consentement des porteurs de ces actions ?

5. Une réponse donnée par le législateur… Parce que les ADP constituent une ou plusieurs catégories d’actions, la question reçoit une réponse de la part du législateur dans les SA, puisque l’article L. 225-99 du Code de commerce N° Lexbase : L2169LYY dispose en son deuxième alinéa que « la décision d'une assemblée générale de modifier les droits relatifs à une catégorie d'actions n'est définitive qu'après approbation par l'assemblée spéciale des actionnaires de cette catégorie ». La solution s’étend aux SCA en application de l’article L. 226-1 N° Lexbase : L7428MHL et aux SE, en application de l’article L. 229-1 N° Lexbase : L3829HBG. Pour les sociétés des trois formes précitées, l’intervention de l’assemblée spéciale permet aux porteurs des ADP dont la modification est envisagée de s’exprimer, et le fait que l’assemblée spéciale statue « dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 225-96 [du Code de commerce] N° Lexbase : L2084LYT », c’est-à-dire « à la majorité des deux tiers des voix exprimées par les actionnaires présents ou représentés », selon ce dernier texte, évite qu’un blocage résulte du refus d’un seul porteur ou de l’impossibilité d’entrer en contact avec un ou plusieurs d’entre eux, lorsque la majorité en question est réunie.

6. … mais qui ne vaut généralement pas pour les SAS. Mais dès lors que l’article L. 225-99 du Code de commerce voit son applicabilité à la SAS exclue par l’article L. 227-1 du même code N° Lexbase : L7429MHM, la SAS est privée de la mise en place – légale – de ce mécanisme d’assemblée spéciale, hors les cas où un texte légal le prévoit. Ces cas sont marginaux : il s’agit de l’approbation d’une fusion ou d’une scission en l’absence d’échange des ADP contre des actions conférant des droits particuliers équivalents (C. com., art. L. 228-17, al. 2 N° Lexbase : L8374GQ9) et de l’attribution d’une mission d’information au CAC sur le respect des droits attachés aux ADP (C. com., art. L. 228-19 N° Lexbase : L8983LQR). Mais le statut de la SAS ne comporte pas de disposition légale de portée générale imposant d’obtenir l’accord d’une assemblée spéciale des porteurs des actions dont les droits vont être modifiés. La question se pose alors de savoir s’il est nécessaire de recueillir le consentement des porteurs d’ADP pour que les droits attachés à ces actions soient modifiés, et le cas échéant, comment ce consentement doit s’exprimer.

7. Un moyen relevé d’office. On observera que la solution formulée par la Cour de cassation résulte d’un moyen relevé d’office par la Chambre commerciale. La cour d’appel [4] avait jugé qu’« aucune disposition légale n’exige que le consentement des associés à la modification de leurs droits particuliers attachés à certaines actions soit recueilli individuellement, le seul impératif étant que cette modification ne résulte pas d’une décision unilatérale de la société », avant de renvoyer aux conditions de prise de décisions par les associés. La Cour de cassation statue différemment.

B. Exigence de principe du consentement individuel des porteurs d’ADP

8. Consentement individuel requis par principe. Tout d’abord, la décision commentée formule le principe, fondé sur l’ancien article 1134 du Code civil N° Lexbase : L1234ABC, en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK, selon lequel « le consentement individuel des titulaires de ces actions [de préférence] est requis pour procéder à une telle modification [des droits attachés aux ADP] ». On comprend qu’est sollicitée la disposition légale en sa partie disposant énonçant que les conventions « ne peuvent être révoquées que [du] consentement mutuel [des parties], ou pour les causes que la loi autorise ».

9. Analyse contractuelle. Il faut donc comprendre que la Cour de cassation voit un contrat dans la relation qui unit la société aux porteurs des ADP, et il est vrai qu’en pratique, au plan de l’instrumentum au moins, on peut constater dans un certain nombre de situations le recours par la société et les souscripteurs d’ADP à un « contrat d’émission ». Notre maître Hervé Le Nabasque le relève d’ailleurs quand dans son commentaire de l’arrêt censuré par la Cour de cassation, il reprochait à la cour d’appel [5] d’omettre « de rappeler que, même en droit des sociétés, on ne peut modifier un contrat (le contrat d’émission des actions de préférence) sans le consentement de ceux qui l’avaient accepté » [6]. D’autres auteurs relèvent cependant qu’« il n’y a pas à proprement parler de contrat d’émission des actions de préférence, comme il y a des contrats d’émissions des obligations et des valeurs mobilières donnant accès au capital » [7]. D’autres encore identifient bien un contrat, mais considèrent que « le contrat dont il est ici question, ce sont bien sûr les statuts de la SAS » [8]. Pour notre part, il ne nous semble pas que l’approche contractuelle, qui emporte effectivement la lourde règle du mutuus dissensus antérieurement formulée à l’article 1134 du Code civil et désormais reprise par l’article 1193 N° Lexbase : L0911KZR [9], doive s’appliquer lorsque la question est celle d’une modification des statuts, serait-ce pour toucher les droits qui étaient jusqu’alors attachés aux actions de préférence. Si l’on veut aller dans ce sens, ne faudrait-il pas considérer que cette approche contractuelle doit valoir aussi pour les porteurs d’actions ordinaires, et que toute modification de leurs droits devrait recueillir leur consentement individuel ? Toute modification des statuts deviendrait impossible en pratique dès lors qu’un actionnaire s’opposerait ou ne participerait simplement pas à la décision collective. Cette approche contractuelle n’a pas notre faveur, même si nous comprenons bien que, dans l’hypothèse d’une conversion où les porteurs des titres convertis sont privés légalement du droit de vote [10], elle permet de donner un moyen d’expression à ces porteurs.

10. Principe écarté dans certains cas… mais lesquels ? La décision ne condamne heureusement pas les SAS à l’immobilisme, car le principe de consentement individuel est écarté lorsque les statuts comportent une organisation particulière. Précisément, la Cour de cassation juge que l’exigence du consentement individuel vaut uniquement « lorsque les statuts d'une société par actions simplifiée ne prévoient pas les modalités selon lesquelles les droits attachés aux actions de préférence peuvent être modifiés ». Par conséquent, si ces modalités sont prévues par les statuts, alors le consentement individuel des titulaires de ces actions n’est pas requis. On peut supposer sans prendre de risque excessif que la mise en place d’une assemblée spéciale des porteurs des ADP dont les droits sont modifiés figure parmi les « modalités » que les rédacteurs de la décision commentée avaient en tête. Les termes employés sont cependant bien plus larges que cela. À la lettre, la clause figurant dans les statuts d’une SAS et subordonnant toute modification des statuts à la décision d’une assemblée des associés statuant à la majorité correspondrait à l’exigence requise ; mais il faut sans doute comprendre qu’est exigée par la Chambre commerciale la stipulation de modalités visant de manière spécifique la modification des droits attachés aux ADP. La solution aurait gagné à être formulée de manière plus précise, car des questions importantes demeurent sans réponse assurée. Explicitons la question : en présence d’une clause des statuts prévoyant que « toute modification des présents statuts est décidée par les associés statuant à la majorité des deux tiers des voix des actions présentes ou représentées », faut-il considérer que l’on est en présence d’une clause « prévoyant les modalités selon lesquelles les droits attachés aux actions de préférence peuvent être modifiés », au sens de l’arrêt commenté ? Une rédaction plus « enrichie » aurait sans doute permis de répondre dès à présent à cette question.

11. Il demeure qu’en pratique, le conseil à donner aux rédacteurs des statuts de SAS consiste à intégrer un mécanisme d’assemblée spéciale statuant à une majorité déterminée et à prévoir sa mise en œuvre en cas de modification des droits attachés aux ADP, ce qui permettra de se dispenser de recueillir le consentement individuel des  porteurs des titres concernés.

II. La définition de la conversion des ADP

A. Les interrogations suscitées par la notion de conversion

12. Une qualification aux enjeux essentiels. La seconde partie de l’arrêt traite d’une autre question très importante, qui est celle de la notion de « conversion » des actions de préférence. Plusieurs dispositions légales encadrant les ADP se réfèrent à cette notion (C. com., art. L. 228-12 N° Lexbase : L7232LQW, L. 228-14 N° Lexbase : L8371GQ4 et L. 228-15 N° Lexbase : L2236LYH), mais celle-ci n’est jamais définie par le législateur. Elle a donné lieu à de passionnants écrits, qui s’interrogent notamment sur la question de savoir si la conversion donne lieu ou non à annulation des titres convertis suivie d’une émission d’autres titres [11]. Sans que soit en cause ce débat, retenons que l’absence de définition par la loi est particulièrement gênante au vu des effets radicaux qui sont attachés à la qualification de conversion. Particulièrement, et c’est ce point qui était ici en cause, l’article L. 228-15 dispose en son deuxième alinéa que « les titulaires d'actions devant être converties en actions de préférence de la catégorie à créer ne peuvent, à peine de nullité de la délibération, prendre part au vote sur la création de cette catégorie et les actions qu'ils détiennent ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité, à moins que l'ensemble des actions ne fassent l'objet d'une conversion en actions de préférence ». L’enjeu est donc de taille puisqu’est en cause une prérogative fondamentale de l’associé : si l’on qualifie la décision soumise à une délibération des associés de conversion, cela prive de leur droit de participer au vote les titulaires d'actions devant être converties en ADP de la catégorie à créer ; en revanche, si la qualification de conversion n’est pas retenue, l’exclusion du droit de participer au vote ne joue pas. Les choses sont simples, mais l’on comprend le danger considérable qu’il y a à se tromper dans le choix de la qualification. Que l’on estime à tort être en présence d’une conversion, et l’on aura privé certains associés de leur droit de participer au vote, avec comme sanction la nullité de la décision collective, pour violation de l’article 1844 du Code civil N° Lexbase : L2412LRR. Mais si l’on estime à tort ne pas être en présence d’une conversion, on aura alors fait participer au vote des associés qui n’auraient pas dû pouvoir s’exprimer, ce qui pourrait également entraîner l’invalidité de la décision collective concernée. Si faire participer des non associés à une décision collective est aujourd’hui vu comme une cause de nullité des délibérations adoptées [12], faire voter des associés interdits de vote devrait entraîner la même sanction – l’article L. 228-15 prévoit d’ailleurs expressément cette sanction. Il ne faut donc pas se tromper sur la qualification en conversion.

13. Le sens du mot « conversion ». Le terme de « conversion » n’est pas défini par le législateur, mais celui-ci rapproche néanmoins la conversion, à l’article L. 228-15, de la notion de catégorie d’actions. Il est question de convertir des actions d’une catégorie donnée en actions d’une autre catégorie, et la privation du droit de participer au vote concerne « les titulaires d'actions devant être converties en actions de préférence de la catégorie à créer ». On reviendra peu après sur cette référence à la création d’une catégorie d’ADP. Avant cela, on doit se demander quelle peut être la différence entre l’opération de conversion et ce qui ne serait qu’une « simple modification » des droits attachés aux ADP ? Il aurait été envisageable de retenir une distinction entre la modification et la conversion des ADP, distinction que l’on aurait pu fonder sur deux critères alternatifs. Un premier critère aurait été celui de l’importance de la modification opérée : au-delà d’un seuil à définir, la modification des ADP serait une conversion, et serait soumise aux règles correspondantes. Même si ce critère rencontre l’hostilité de certains auteurs [13], il apparaîtrait cohérent que le terme « conversion », qui « signifie le retournement, le changement de direction » [14], suppose une certaine ampleur dans le changement. Un second critère tiendrait à la formalisation par les statuts de catégories de titres : si les statuts identifient des catégories d’ADP, peu important l’étendue de la différence entre les droits conférés par chaque catégorie, tout changement de catégorie doit être qualifié de conversion.

B. La conception large retenue par l’arrêt

14. Définition large de la conversion. La décision commentée procède de manière radicale et par conséquent simple en rejetant toute distinction, puisqu’elle juge, au visa de l'article L. 228-15, alinéa 2, du Code de commerce, que « constitue une conversion d'actions au sens et pour l'application de ce texte toute opération emportant modification des droits attachés aux actions converties ». Toute modification, et même plus largement toute opération emportant modification des droits attachés aux actions, est donc une conversion aux yeux de la Cour de cassation, ce qui rejoint la position de plusieurs auteurs [15]. Les porteurs des ADP dont les droits avaient été modifiés en l’espèce estimaient que les juges de la cour d’appel [16] avaient violé l’article précité ainsi que l'article L. 235-1 du Code de commerce N° Lexbase : L8612LQZ relatif aux nullités des sociétés et de leurs actes, ceci par refus d'application. Ils estimaient, en clair, qu’ils n’auraient pas dû participer au vote sur la modification des droits attachés aux ADP dont ils étaient porteurs. Or, c’est la totalité des associés qui avaient voté sur la modification de la rémunération des ADP. La cour d’appel avait jugé, aux termes de l’arrêt de censure, que l'article L. 228-15, alinéa 2, ne trouvait pas à s’appliquer dès lors que le vote litigieux « ne portait pas sur la création d'une action de préférence, mais sur la modification à la baisse des modalités de rémunération d'actions de préférence déjà existantes ». La Cour de cassation retient une solution différente.

15. Pas d’exigence d’une création d’une catégorie nouvelle d’ADP. Pour la Cour de cassation, tout d’abord, il n’est pas question de limiter la privation du droit de vote à la lettre du texte et de vérifier par conséquent que l’on est effectivement en présence de la création d’une catégorie d’ADP. Même si l’article L. 228-15, alinéa 2, prive de droit de vote « les titulaires d'actions devant être converties en actions de préférence de la catégorie à créer », la Cour de cassation n’entend pas se cantonner à cette hypothèse, puisque les ADP dont les droits étaient modifiés n’étaient pas une création nouvelle opérée par l’assemblée litigieuse. Mais cela s’explique par le fait qu’elle considère que toute modification est une conversion, ce dont on peut déduire que la modification la plus légère des droits attachés à une catégorie d’actions donne naissance, par conversion, à une nouvelle catégorie d’actions.

16. Pas d’exigence d’un niveau particulier de modification. Surtout, il n’est pas davantage question pour la Cour de cassation d’exiger que la modification des droits attachés aux ADP soit d’une certaine importance pour reconnaître l’existence d’une conversion. On le comprend en lisant le passage de l’arrêt où la Cour juge qu’il résultait des constatations de l’arrêt d’appel [17] que « la modification des droits attachés aux [ADP], laquelle entraînait un changement de catégorie de ces actions, constituait une conversion d'actions au sens et pour l'application de l'article L. 228-15, alinéa 2, du Code de commerce, quand bien même ces actions continuaient d'être désignées sous le même intitulé ». Il est donc clair à la lecture de l’arrêt commenté que toute modification des droits attachés à des ADP, aussi légère soit-elle, constitue une opération de conversion, privant les porteurs de leur droit de participer au vote de la modification.

17. Une cohérence globale. Relevons pour conclure que le système retenu par la Cour de cassation par son arrêt du 10 juillet 2024, dont nous critiquons chacun des deux volets pris séparément, a au moins le mérite d’une cohérence globale. Si toute opération emportant modification des droits attachés aux ADP est une conversion, les porteurs des actions devant être converties sont nécessairement privés de la possibilité de prendre part au vote, et l’on ne concevrait pas qu’ils ne puissent pas du tout se prononcer sur la modification de leurs droits. Or, l’exigence de principe de recueillir le consentement individuel des porteurs des titres dont les droits sont modifiés permet à ces porteurs de retrouver voix au chapitre.

 

[1] Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-12.205, F-B N° Lexbase : A04952UU, J.-B. Barbièri, Lexbase Affaires, avril 2024, n° 792 N° Lexbase : N8999BZC ; Dalloz Actualité, 24 avril 2024, note J. Delvallée ; Bull. Joly Sociétés, mai 2024, p.16, note H. Le Nabasque ; Gaz. Pal., 11 juin 2024, n° GPL464k2, obs. B. Brignon ; JCP E, 2024, 1175, note B. Dondero.

[2] BRDA, 15-16/24, inf. n° 1 ; Bull. Joly Sociétés, septembre 2024, n° BJS203g3, note H. Le Nabasque.

[3] CA Lyon, 3ème ch., 17 février 2022, n° 18/07114 N° Lexbase : A46017NQ, Bull. Joly Sociétés, mai 2022, p. 29, note B. Dondero ; Bull. Joly Sociétés, septembre 2022, p. 74, note H. Le Nabasque.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] H. Le Nabasque, note préc. sous l’arrêt commenté ; v. aussi A. Thobie, La conversion de titres, préf. R. Mortier, IFJD, 2020, n° 381, qui écrit que « si toute souscription nécessite le consentement du porteur, sa modification requiert elle aussi un tel accord » et que « cela vaut à plus forte raison lorsqu’il est désavantagé par la conversion ».

[7] M. Germain et P.-L. Périn, SAS – La société par actions simplifiée, Joly, 7ème éd., 2023, n° 390.

[8] Obs. préc. sous l’arrêt commenté in BRDA, 15-16/24, inf. n° 1.

[9] « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise ».

[10] V. infra II.

[11] Sur l’opération de conversion portant sur des actions, v. A. Couret, La notion juridique de conversion, in mél. P. Vigreux, IPA-IAE Toulouse, 1981, p. 219 ; R. Mortier, La conversion d’actions… en actions, in mél. M. Germain, LexisNexis-LGDJ, 2015, p. 581 ; H. Le Nabasque, À propos de la conversion d'actions en actions d'une autre catégorie, Bull. Joly Sociétés, 2018, p. 302 ; A. Thobie, préc.

[12] Cass. civ. 3, 8 juillet 2015, n° 13-27.248, FS-P+B N° Lexbase : A7794NMM ; Bull. Joly Sociétés, 2015, p. 585, note J.-P. Garçon ; Rev. sociétés, 2016, p. 175, note L. Godon ; RTD com., 2015, p. 533, obs. A. Constantin et ibid. 2016, p. 145, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; Dr. sociétés, 2015, comm. n° 189, note R. Mortier ; Gaz. Pal., 29 septembre 2015, p. 13, obs. B. Dondero – Cass. com., 11 octobre 2023, n° 21-24.646, FS-B N° Lexbase : A85241KW, B. Saintourens, Lexbase Affaires, octobre 2023, n° 772 N° Lexbase : N7116BZL ; RTD com., 2023, p. 892, obs. A. Lecourt ; Dalloz Actualité, 10 novembre 2023, note J. Delvallée ; Bull. Joly Sociétés, janvier 2024, p. 20, note E. Guégan ; LPA, 29 février 2024, p. 53, note S. Farges ; D., 2023, p. 2024, note B. Dondero – Cass. civ. 1, 24 avril 2024, n° 22-24.667, FS-B N° Lexbase : A7822289, M. Le Guerroué, Lexbase Avocats, mai 2024, n° 347 N° Lexbase : N9132BZA ; B. Dondero, Lexbase Avocats, 6 juin 2024, n° 348 N° Lexbase : N9341BZY.

[13] Comp. A. Thobie, préc., sp. n° 241 et s., évoquant l’inutilité d’un critère reposant sur l’étendue du changement apporté à l’état du titre.

[14] A. Thobie, préc., n° 3.

[15] V. ainsi A. Thobie, préc., sp. n° 231 et s. ; v. également H. Le Nabasque, préc.

[16] CA Lyon, 3ème ch., 17 février 2022, n° 18/07114, préc.

[17] CA Lyon, 3ème ch., 17 février 2022, n° 18/07114, préc.

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