Le Quotidien du 8 février 2024 : Conventions et accords collectifs

[Brèves] Exception d’illégalité d’un accord collectif : quels moyens de légalité peuvent être invoqués par le salarié ?

Réf. : Cass. soc., 31 janvier 2024, n° 22-11.770, FS-B+R N° Lexbase : A79082HD

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[Brèves] Exception d’illégalité d’un accord collectif : quels moyens de légalité peuvent être invoqués par le salarié ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/104711770-0
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par Lisa Poinsot

le 07 Février 2024

Un salarié peut invoquer, à l’appui d’une exception d’illégalité, le non-respect des conditions légales de validité d’un accord collectif, relatives notamment à la qualité des parties signataires pour les accords d’entreprise ou d’établissement ;

Le salarié ne peut toutefois invoquer un grief tiré des conditions dans lesquelles la négociation de l’accord collectif a eu lieu.

Faits et procédure. Un salarié est soumis à la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Selon avenant à son contrat de travail, l’aménagement du temps de travail du salarié est défini par l’employeur selon un accord d’entreprise prévoyant notamment une organisation du temps de travail sur 13 semaines.

Le salarié est par la suite licencié pour cause réelle et sérieuse.

Un salarié saisit la juridiction prud’homale pour solliciter la requalification de son contrat de travail à temps partiel à temps complet, contester le bien-fondé de son licenciement et demander paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire.

Devant la cour d’appel, il invoque, par voie d’exception, l’illégalité de l’accord d’entreprise.

La cour d’appel (CA Lyon, 7 janvier 2022, n° 19/03179 N° Lexbase : A71207H8) a condamné l’employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et rejette la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation.

Elle requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

Elle dit par ailleurs que le licenciement du salarié ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, condamne la société à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a ordonné le remboursement par la société à Pôle emploi des indemnités de chômage payées au salarié à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations.

L’employeur forme un pourvoi en cassation en arguant que l’exception d’illégalité permettant aux salariés de contester, sans condition de délai, la légalité d’une convention ou d’un accord collectif n’a été envisagée que dans le cadre de l’examen de la constitutionnalité du délai institué par l’article L. 2262-14 du Code du travail N° Lexbase : L7773LGY, en sorte qu’elle n’a pas vocation à être appliquée lorsque ce texte ne l’est pas lui-même.

Or, le salarié a introduit son instance avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1385, du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7631LGQ. Il ne peut donc, selon l’employeur, se prévaloir des dispositions de l’article L. 2262-14, ni de l’exception d’illégalité reconnue sur le fondement de ce texte. Ce dernier estime, à titre subsidiaire, que si le salarié peut soulever une exception d’illégalité d’un accord d’entreprise, il ne peut le faire que pour des motifs tenant au fond, c’est-à-dire au contenu d’une ou plusieurs clauses de cet acte, mais non pour se plaindre de vices de forme ou tenant à la procédure de négociation.

Il soutient donc que la cour d’appel ne pouvait accueillir l’exception d’illégalité soulevée par le salarié car celui-ci contestait les modalités selon lesquelles cet acte avait été signé.

Toujours à titre subsidiaire, il se prévaut des dispositions de l’article L. 2232-17 du Code du travail N° Lexbase : L2301H94 qui prévoient, selon lui, qu’un accord d’entreprise peut être valablement signé par les délégués syndicaux, désignés par les organisations syndicales, ou par « des salariés en leur qualité de représentants de syndicats représentatifs ».

Il soutient qu’en l’espèce, l’accord a été signé par des salariés représentant les organisations syndicales représentatives et qu’il était donc indifférent qu’ils aient ou non vu leur mandat de délégués syndicaux renouvelés.

Enfin, l’employeur avance qu’à cette date, soit le 1er juillet 2010, les textes ne prévoyaient pas que le mandat des délégués syndicaux prenait fin le jour du premier tour des élections professionnelles. Selon lui, cette solution a été consacrée par la jurisprudence de la chambre dans deux arrêts postérieurs.

Il considère donc que la cour d’appel ne pouvait valablement en faire application et aurait dû retenir que les mandats des délégués syndicaux s’étaient poursuivis.

Il estime, par ailleurs, que la cassation de l’arrêt sur l’un de ces arguments remettra en cause le principe de la requalification du contrat de travail et aura pour conséquence la cassation de sa condamnation au titre de l’indemnité de licenciement puisque le salaire retenu pour la fixer est celui pour un temps plein.

Il est alors posé à la Cour de cassation la question suivante : le grief d’illégalité de l’accord collectif invoqué en l’espèce, à savoir le défaut d’habilitation des délégués syndicaux ayant signé l’accord collectif sans avoir été désignés de nouveau après les élections professionnelles, est une question de validité de l’accord collectif et de compétence de ses signataires mais un tel grief était-il invocable par les salariés qui ne sont ni les négociateurs ni les signataires de l’accord collectif ?

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la question de savoir quels moyens de légalité peuvent être invoqués par un salarié, au soutien d’une exception d’illégalité d’un accord collectif soulevée par lui dans un litige prud’homal individuel.

À noter. La Haute juridiction ne se prononce pas sur la possibilité pour une organisation syndicale ayant participé à la négociation de l’accord collectif mais ayant refusé de le signer d’invoquer, au soutien de son exception d’illégalité, un moyen tiré des conditions dans lesquelles la négociation a eu lieu.

Pour aller plus loin :

  • lire la notice au rapport ;
  • lire I. Odoul-Asorey, L’exception d’illégalité d’un accord collectif de travail soulevée par un syndicat non signataire ou un comité social et économique, Lexbase Social, mars 2022, n° 900 N° Lexbase : N0944BZY ;
  • v. ÉTUDE : Le contentieux des conventions et accords collectifs de travail, L’action en nullité d’une convention ou d’un accord collectif de travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2466ETI.

 

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