Le Quotidien du 4 octobre 2023 : Avocats/Responsabilité

[Brèves] Prescription de l’action en responsabilité dirigée contre le représentant ou l’assistant en justice : conformité à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1061 QPC, du 28 septembre 2023 N° Lexbase : A30191IN

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[Brèves] Prescription de l’action en responsabilité dirigée contre le représentant ou l’assistant en justice : conformité à la Constitution. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/100209149-0
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par Marie Le Guerroué

le 04 Octobre 2023

► Les dispositions de l’article 2225 du Code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, qui prévoient que l’action en responsabilité contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission, sont conformes à la Constitution.

Procédure. Le Conseil Constitutionnel avait été saisi le 28 juin 2023 par la Cour de cassation (Cass. QPC, 28 juin 2023, n° 23-13.689, FS-D N° Lexbase : A838397M) d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 2225 du Code civil N° Lexbase : L7183IAB, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I.

La requérante reprochait à ces dispositions de prévoir que l’action en responsabilité contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission, sans tenir compte de la connaissance effective par la victime des faits lui permettant d’exercer cette action. Elles seraient ainsi susceptibles de faire obstacle à l’exercice d’une telle action avant l’expiration de ce délai. Il en résulterait, selon elle, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.

La requérante soutient également que ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les victimes d’une faute professionnelle d’un avocat, selon que cette faute a été commise dans le cadre de sa mission de représentation ou d’assistance en justice ou dans le cadre de son activité de conseil ou de rédaction d’actes. En effet, seule cette dernière activité est soumise au régime de prescription de droit commun, en vertu duquel la prescription court à compter du jour où la personne a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir. Ces dispositions méconnaîtraient ainsi le principe d’égalité devant la loi.

Décision du Conseil constitutionnel. Les Sages relèvent, tout d'abord qu’il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant ces dispositions, le législateur a souhaité éviter aux personnes ayant représenté ou assisté une partie en justice d’avoir à conserver, au-delà d’un délai de cinq ans courant à compter de la fin de leur mission, les pièces nécessaires à leur défense en cas d’éventuelle mise en jeu de leur responsabilité. Ce faisant, il a entendu limiter le risque d’insécurité juridique et préserver les droits de la défense. En outre, le délai dont dispose la partie représentée ou assistée en justice pour exercer une action en responsabilité contre la personne mandatée à cette fin ne court, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qu’à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l’instance pour laquelle cette personne avait reçu mandat, à moins que leurs relations aient cessé avant cette date. Dès lors, pour le Conseil constitutionnel, en prévoyant qu’une telle action se prescrit par cinq ans à compter de la fin de mission, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Ce grief est donc écarté. 

Les Sages rappellent, ensuite, que selon l’article 6 de la Déclaration de 1789 N° Lexbase : L6813BHS, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. En application de l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC, lorsqu’une action en responsabilité est engagée à raison d’une faute commise par un professionnel du droit dans le cadre de son activité de conseil ou de rédaction d’actes, la prescription commence à courir à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Il en résulte que l’action en responsabilité est soumise à un régime de prescription différent selon la nature de la mission à l’occasion de laquelle la faute aurait été commise. La mission de représentation et d’assistance en justice, qui s’exerce devant les juridictions et ne peut être accomplie que par les avocats ou certaines personnes spécialement habilitées, se distingue par sa nature de l’activité de conseil et de rédaction d’actes. Ainsi le législateur a pu prévoir un point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité différent pour chacune de ces missions. La différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi est également écarté par le Conseil constitutionnel.

Conformité. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, sont donc déclarées conformes à la Constitution.

Lire aussi sur ces dispositions :  G. Guerlin, Point de départ de l’action en responsabilité contre l’avocat : attention au revirement  !, Lexbase Avocats, juillet 2023 N° Lexbase : N6151BZT.

 

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