L'ordonnance de non-lieu

  • L'ordonnance de non-lieu

    E85173CG

    Dernière modification le 06-02-2020

    • Non-lieu de droit commun
    • Art. 177, Code de procédure pénale
      Art. 188, Code de procédure pénaleAfficher plus (7)
      Fondement. Le non-lieu est envisagé à l’article 177 du Code de procédure pénale. Ainsi, dès lors que le juge d'instruction estime que les faits ne constituent aucune infraction, ou si l'auteur est resté inconnu, ou s'il n'existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen, il déclare, par une ordonnance, qu'il n'y a lieu à suivre. Alors que les juridictions d’instruction sont censées apprécier souverainement les éléments à charge, il arrive à la Cour de cassation de vérifier que les conditions d’un non-lieu étaient bien réunies. Ainsi a-t-elle pu juger que « les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, que l'information était complète et qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction » (Cass. crim., 5 novembre 2014, n° 13-84.956, F-P+B N° Lexbase : A9268MZB).

      Autorité relative et citation directe. Se pose inexorablement la question de l’autorité d’une telle ordonnance. Il est tout d’abord acquis que l'ordonnance de non-lieu dont bénéficie un mis en cause quant aux infractions pénales est sans autorité sur sa qualité de civilement responsable (Cass. crim., 15 mars 1982, n° 80-90.031 N° Lexbase : A5420CH9). A cet égard, il a été affirmé que l'appel formé par la partie civile contre une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction a pour effet de remettre en question devant la chambre de l'instruction le sort de l'action publique (Cass. crim., 17 septembre 2003, n° 02-87.391, F-P+F N° Lexbase : A6727C9Z). Cette précision est d’importance car il s’agit de la seule voie de recours pouvant être intentée par la partie civile et ayant pour effet (objet ?) de remettre en cause le sort réservé à la culpabilité.

      Sur le plan pénal, aux termes de l’article 188 du Code de procédure pénale, « la personne mise en examen à l'égard de laquelle le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre ne peut plus être recherchée à l'occasion du même fait, à moins qu'il ne survienne de nouvelles charges ». L’autorité est donc relative puisque, en cas de découvertes d’éléments nouveaux, l’information peut être reprise. Sauf charges nouvelles, l’identité de faits et de personnes rend l’ordonnance de non-lieu définitive. La question de l’étendue de l’autorité est d’importance puisqu’elle conditionne, outre l’ouverture d’une nouvelle information, la possibilité pour un plaignant de citer directement un individu devant le tribunal correctionnel.

      La Chambre criminelle considère que cette autorité bénéficie de manière générale aux mis en cause (Cass. crim., 26 février 2008, n° 07-87.865, F-P+F N° Lexbase : A4129D73). Outre évidemment le mis en examen, il en va ainsi des personnes nommément désignées dans une plainte avec constitution de partie civile (Cass. crim., 14 juin 1994, n° 94-81.675 N° Lexbase : A8766ABB ; Cass. crim., 22 janvier 1997, n° 96-80.533 N° Lexbase : A1107ACY), des personnes désignées dans un réquisitoire introductif ou supplétif et toutes celles entendues en tant que témoin assisté (Cass. crim., 12 novembre 2008, n° 07-88.222, F-P+F N° Lexbase : A2481EBI). La Cour de cassation a fini par affirmer que cette autorité, susceptible de rendre irrecevable une citation directe, peut être invoquée par toute personne ayant fait l’objet « d'une mise en cause explicite » (Cass. crim., 2 décembre 2008, n° 08-80.066, F-P+F N° Lexbase : A1633ECH). Tel est le cas en l’espèce d’un préfet ayant été mis en cause dans une plainte avec constitution de partie civile sans pourtant être nommé. L’ordonnance de non-lieu rendue dans le cadre d’un instruction ouverture du chef d’homicide et blessures involontaires, en raison d’un grave éboulement, fait alors échec à sa citation devant la juridiction correctionnelle.

      Autorité, citation directe et requalification. Évidemment, on ne saurait, pour faire échec à l’autorité de chose jugée, procéder à une requalification des faits pour lesquels une ordonnance de non-lieu a été rendue. La Chambre criminelle l’a explicitement rappelé dans une décision en date du 24 janvier 2001 (Cass. crim., 24 janvier 2001, n° 00-84.408, inédit N° Lexbase : A4569CZA).

      En l’espèce, une plainte avec constitution de partie civile fut déposée à l’endroit du maire de la commune de La Flotte en Ré, pour concussion par recouvrement de participations financières lors de la délivrance d'un permis de construire. Cette plainte a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu confirmée en appel, au motif que l'erreur de droit qu'avait pu commettre le maire ne pouvait constituer le délit de concussion. Or, plus tard, le même plaignant fit citer directement le maire devant le tribunal correctionnel notamment pour escroquerie. Pour retenir l'exception d'autorité de chose jugée et déclarer l'action civile irrecevable, la juridiction du second degré énonce qu'il existe bien une identité d'objet, de cause et de parties entre les deux procédures précitées en ce qui concerne les faits visés par l'infraction de concussion dénoncée par la partie civile, qu'il est à nouveau invoqué que le maire aurait, en toute connaissance de cause, poursuivi le recouvrement de taxes qu'il savait n'être pas dues et que, pour cela, il aurait accompli des manœuvres frauduleuses assimilables à l'escroquerie.

      Cette solution est confirmée par la Cour de cassation « dès lors qu'il résulte de l'article 190 du Code de procédure pénale qu'une décision de non-lieu s'oppose, sauf réouverture de l'information sur charges nouvelles, à une nouvelle poursuite à raison des mêmes faits sous quelque qualification pénale que ce soit, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi »

      Absence d’autorité : témoin, personne non mise en cause, et faits distincts. En revanche, l’ordonnance de non-lieu ne saurait bénéficier au simple témoin qui n'a été ni visé dans la plainte ni mis en examen quand bien même le juge d’instruction aurait, dans son ordonnance de renvoi, dit n’y avoir lieu à suivre « contre quiconque » (Cass. crim., 22 janvier 1997, n° 96-80.533 N° Lexbase : A1107ACY). Il en va pareillement si le juge a implicitement dit n'y avoir lieu à suivre « contre tous autres » (Cass. crim., 31 mars 1998, n° 97-82.257 N° Lexbase : A5200ACL).

      Enfin, puisque l’identité de faits est l’autre condition de l’autorité de chose jugée attachée à une ordonnance de non-lieu, une information peut être ouverte à raison de faits distincts. La Cour de cassation en a fait l’illustration dans une célère affaire liée à la mort d’une princesse anglaise à Paris. Ici, le procureur de la République avait dans un premier temps requis l'ouverture d'une information des chefs de non-assistance à personne en danger à l'égard de sept photographes, et d'homicides et de blessures involontaires contre personne non dénommée. Bien que dix personnes aient été mises en examen des chefs d'homicides involontaires, blessures involontaires et non-assistance à personne en péril, le 3 septembre 1999, les juges d'instruction prononcèrent un non-lieu au motif que l'accident survenu le 31 août 1997 « ne résultait pas d'un acte volontaire mais des imprudences commises par le conducteur du véhicule et que ni les infractions d'homicides et blessures involontaires visées ni aucune autre qualification pénale n'étaient susceptibles d'être relevées ». Le pourvoi intenté par les parties civiles fut rejeté par la Cour de cassation. Cinq ans plus tard, un des plaignants se constituait à nouveau partie civile contre personne non dénommée, du chef d'assassinat commis sur son fils. Le juge d'instruction déclarait la plainte irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée, décision confirmée par la cour d’appel. Au visa des articles 188 et 190 du Code de procédure pénale, la Cour de cassation censurait les juges du fond. Après avoir rappelé en amorce que ces dispositions « ne s'appliquent pas lorsque les faits dénoncés par une nouvelle plainte sont distincts de ceux qui ont fait l'objet d'une autre procédure clôturée par une décision de non-lieu », la Chambre criminelle affirme « que les faits dénoncés sous la qualification d'assassinat n'étaient pas identiques, à ceux qui avaient fait l'objet de la précédente information ». Par conséquent, l’ordonnance de non-lieu n’avait aucune autorité de chose jugée quant aux faits nouvellement dénoncés (Cass. crim. 3 février 2010, n° 09-82.864, F-D N° Lexbase : A4545ES7 ; Cass. crim., 3 février 2010, n°09-82.865, F-D N° Lexbase : A4545ES7).

      Effets du non-lieu. Les personnes mises en examen qui sont provisoirement détenues sont fort naturellement mises en liberté. L'ordonnance met similairement fin au contrôle judiciaire en application de l’article 177 du Code de procédure pénale. A cet égard, la Chambre criminelle a affirmé que même si une chambre de l’instruction infirme une ordonnance de non-lieu, elle ne peut « maintenir » le mis en examen sous contrôle judiciaire jusqu’au jugement, et ce après avoir évoqué. Puisque l'ordonnance de non-lieu met fin au contrôle judiciaire du mis en examen, le contrôle judiciaire ne saurait être maintenu (Cass. crim., 27 mars 2008, n° 07-86.261, F-P+F N° Lexbase : A9805D7B ; adde Cass. crim., 24 avril 2013, n° 12-82.409, F-P+B N° Lexbase : A5098KD8). Comme l’a précisé par la suite la Cour, en cas d'infirmation, existe simplement la possibilité pour la chambre de l'instruction de prononcer à nouveau une telle mesure (Cass. crim., 20 juin 2017, n° 17-82.215, F-D N° Lexbase : A1016WKT).

      Surtout, il résulte des dispositions de l’article 188 du Code de procédure pénale que « la personne mise en examen à l'égard de laquelle le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre ne peut plus être recherchée à l'occasion du même fait, à moins qu'il ne survienne de nouvelles charges ». L’autorité relative de la décision de non-lieu est ici patente puisque la découverte de charges nouvelles permet de rouvrir l’information judiciaire.

      Autres effets. Lors d’un non-lieu, le juge doit statuer par la même ordonnance sur la restitution des objets placés sous main de justice. Il peut opportunément la refuser si celle-ci présente un danger pour les personnes ou les biens. En ce que cette décision est susceptible de causer un grief, l’article 177 du Code de procédure pénale indique qu’elle peut être déférée à la chambre de l'instruction. Enfin, aux termes de l’article 177-1 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction peut ordonner, d'office ou à la demande de l'intéressé soit la publication intégrale ou partielle de la décision de non-lieu, soit la publication d'un communiqué. L'ordonnance de refus, également susceptible d'appel, doit être motivée.

      Amende civile. Le non-lieu à l'issue d'une information ouverte sur constitution de partie civile, considérée comme abusive ou dilatoire, peut conduire le juge d'instruction, à prononcer contre la partie civile une amende civile ne pouvant excéder 15 000 euros en vertu de l’article 177-2 du Code de procédure pénale. La loi employant le terme « peut », il est logique que la jurisprudence estime que le prononcé de l'amende civile, contre la partie civile poursuivante relève pour le juge d'une simple faculté (Cass. crim., 26 février 2002, n° 01-82.579, F-P+F N° Lexbase : A2299AYS). Pour la Cour de cassation, une condamnation pour dénonciation calomnieuse peut être prononcée à l’endroit de celui qui a déjà été judiciairement contraint à payer une amende civile au visa de l’article 177-2 du Code procédure pénale, sans méconnaître la règle non bis in idem, prévue à l'article 4 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4679LAK). Les intérêts protégés respectivement par les articles 177-2 du Code de procédure pénale et 226-10 du Code pénal sont distincts, le premier sanctionnant une atteinte à une bonne administration de la justice tandis que le second réprime un comportement destiné à nuire à autrui (Cass. crim., 22 septembre 2015, n° 14-84.029, F-P+B N° Lexbase : A8242NPX). La Cour de cassation estime cependant qu’il se déduit de l’article 177-2 du Code de procédure pénale que la juridiction d’instruction qui prononce une condamnation à une amende civile doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du plaignant (Cass. crim., 5 septembre 2018, n° 17-84.980, FS-P+B N° Lexbase : A7116X3X).

      L’alinéa 2 de l’article 177-2 du Code de procédure pénale ajoute que cette décision ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de vingt jours à compter de la communication des réquisitions du procureur général à la partie civile et à son avocat, par lettre recommandée ou par télécopie avec récépissé (pour la chambre de l’instruction v. C. proc. pén., art. 212-2, et Cass. crim., 9 janvier 2007, n° 06-84.064, F-P+F N° Lexbase : A6974DTH). L'article 177-2 du Code de procédure pénale n'exige pas pour autant que la condamnation soit précédée d'un débat contradictoire, ce qu’a confirmé la Chambre criminelle en 2004 (Cass. crim., 9 novembre 2004, n° 04-81.068, F-P+F N° Lexbase : A9383DDU).

      Cette décision peut être frappée d'appel par la partie civile dans les mêmes conditions que l'ordonnance de non-lieu. Selon la Chambre criminelle, du moment que l'ordonnance confirmée a été rendue, conformément aux prescriptions de l'article 177-2 du Code de procédure pénale, à l'issue d'un délai de vingt jours à compter de la communication à la partie civile des réquisitions prises par le procureur de la République, une chambre de l'instruction, n'avait pas à faire application de l'article 212-2 du même code, relatif au caractère abusif d'une constitution de partie civile (Cass. crim., 5 novembre 2014, n° 13-84.956, F-P+B N° Lexbase : A9268MZB). Il faut donc en conclure que la procédure de l’article 212-2 du Code de procédure pénale (très proche au demeurant de celle prévue à l’article 177-2 du Code de procédure pénale) ne s’impose que si l’amende civile n’a pas été prononcée par le juge d’instruction, et relève donc d’une initiative de la chambre.

      L’appel est également ouvert au procureur de la République si le juge d'instruction ne suit pas ses réquisitions.

      La loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne a inséré un nouvel article 183-1 dans le Code de procédure pénale aux termes duquel : « à la demande de la victime qui a déposé plainte sans s'être toutefois constituée partie civile, l'ordonnance de non-lieu, une fois devenue définitive, est portée à sa connaissance par tout moyen ».

      Dommages et intérêts. En vertu de l’article 91 du Code de procédure pénale, quand, après une information ouverte sur constitution de partie civile, une décision de non-lieu a été rendue, la personne mise en examen et toutes personnes visées dans la plainte, et sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, peuvent, si elles n'usent de la voie civile, demander des dommages-intérêts au plaignant devant la juridiction répressive. L'action en dommages-intérêts doit être introduite dans les trois mois du jour où l'ordonnance de non-lieu est devenue définitive, par voie de citation devant le tribunal correctionnel où l'affaire a été instruite. Ce tribunal est immédiatement saisi du dossier de l'information terminée par une ordonnance de non-lieu, en vue de sa communication aux parties. Si les débats ont lieu en chambre du conseil, les parties, ou leurs conseils, et le ministère public étant alors entendus, le jugement est quant à lui rendu en audience publique. Les voies de recours classiques sont ici ouvertes aux parties.

      En cas de condamnation, le tribunal peut ordonner la publication intégrale ou par extraits de son jugement dans un ou plusieurs journaux qu'il désigne, aux frais du condamné (après avoir fixé le coût maximum de chaque insertion).

      Surtout, la loi ajoute que lorsqu'une décision définitive rendue en application de l'article 177-2 du Code de procédure pénale a déclaré que la constitution de partie civile était abusive ou dilatoire, cette décision s'impose au tribunal correctionnel saisi dans les conditions prévues aux alinéas précédents. Par conséquent, tout arrêt rejetant les conclusions d’une telle décision s’exposerait à la cassation (Cass. crim., 2 mai 2012, n° 11-85.120, F-P+B N° Lexbase : A0763IM9 : v. M. Sanchez, Chronique de procédure pénale, juin 2012 N° Lexbase : N2744BTS).

    • Non-lieu spéciaux
    • Art. 122-2, Code pénal
      Art. 122-3, Code pénalAfficher plus (8)
      Irresponsabilité pénale ou décès. Si le non-lieu se fonde sur l’article 122-2 (force majeure), 122-3 (erreur sur le droit), 122-4 (autorisation de la loi ou commandement de l’autorité légitime), 122-5 (état de nécessité), 122-7 du Code pénal (légitime défense) ou le décès du mis en examen, l'ordonnance doit selon l’article 177, alinéa 2, du Code de procédure pénale préciser s'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés.

      Surtout, la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 a créé un cadre spécifique de règlement en cas de trouble mental : l'ordonnance d'irresponsabilité pénale qui relève du juge d'instruction (C. proc. pén., art. 706-120), ou l'arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale qui ressort à la chambre de l'instruction (C. proc. pén., art. 706-124 : pour une analyse différentielle de ces procédures v. S. Detraz, La création d'une nouvelle décision de règlement de l'instruction : la décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, RSC, 2008, p. 873). La situation visée par la loi est la suivante : malgré l'existence de charges suffisantes à l'encontre d'une personne, cette dernière doit être déclarée irresponsable en raison de troubles psychiques ou neuropsychiques ayant aboli son discernement conformément à l’article 122-1 du Code pénal.

    • Art. 122-1, Code pénal
      Art. 175, Code de procédure pénaleAfficher plus (3)
      Ordonnance d'irresponsabilité pénale. De manière plus détaillée, si le juge d'instruction estime, lorsque son information lui paraît terminée, qu'il est susceptible d'appliquer le premier alinéa de l'article 122-1 du Code pénal relatif à l'irresponsabilité pénale d'une personne en raison d'un trouble mental, il en informe le procureur de la République, lorsqu'il lui communique le dossier, ainsi que les parties lorsqu'il les avise, en application du I de l'article 175 du Code de procédure pénale. Le procureur de la République, dans ses réquisitions, et les parties, dans leurs observations, doivent alors indiquer s'ils demandent la saisine de la chambre de l'instruction afin que celle-ci statue sur l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du Code pénal conformément aux articles 706-122 à 706-127 du Code de procédure pénale. En application de l’article 706-120 du Code de procédure pénale, lorsque existent contre la personne mise en examen des charges suffisantes, et quand des raisons plausibles d'appliquer le premier alinéa de l'article 122-1 du Code pénal sont caractérisées, le juge d’instruction se retrouve face à une alternative. Soit une partie a demandé le renvoi devant la chambre de l’instruction, alors le juge doit s’incliner. Soit personne ne l’a demandé, alors le juge est libre de saisir la chambre. S’il ne le fait pas, il rend alors une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui précise qu'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. Cette ordonnance met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire selon l’article 706-121 du Code de procédure pénale.

      A l’inverse, l'ordonnance de transmission de pièces dans le cadre de la saisine de la chambre de l’instruction ne met pas fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire, qui se poursuit jusqu'à l'audience de la chambre de l'instruction. Le juge a néanmoins la possibilité, par ordonnance distincte, d'ordonner la mise en liberté ou la levée du contrôle judiciaire. S'il n'a pas été mis fin à la détention provisoire, la chambre de l'instruction a l’obligation de statuer dans un délai de six mois en matière criminelle ou quatre mois en matière correctionnelle à compter de la date de l'ordonnance de transmission de pièces. A défaut, la personne mise en examen est remise en liberté si elle n'est évidemment pas détenue pour une autre cause.

    • Art. 706-120, Code de procédure pénale
      Art. 706-122, Code de procédure pénaleAfficher plus (1)
      Chambre de l’instruction : procédure. Lorsque la chambre de l'instruction est saisie en application de l'article 706-120 du Code de procédure pénale, son président ordonne la comparution personnelle de cette dernière si son état le permet. Un avocat doit nécessairement représenter la personne même si celle-ci ne peut comparaître. Les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique, hors les cas de huis clos prévus. Le président procède à l'interrogatoire de la personne mise en examen, si elle est présente et les experts ayant examiné la personne mise en examen doivent être entendus par la chambre. En vue de donner un maximum de solennité à cette audience, l’article 706-122 du Code de procédure pénale poursuit en affirmant que sur décision de son président, la juridiction peut également entendre au cours des débats les témoins cités par les parties ou le ministère public si leur audition est nécessaire pour établir s'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés et déterminer si le premier alinéa de l'article 122-1 du Code pénal est applicable. Ces experts, les témoins, la partie civile et le mis en examen peuvent être interrogés par toutes les parties ou par l'intermédiaire du président. Une fois l'instruction à l'audience terminée, l'avocat de la partie civile est entendu et le ministère public prend ses réquisitions. La personne mise en examen, si elle est présente, et son avocat présentent par la suite leurs observations. La réplique est permise à la partie civile et au ministère public, mais la personne mise en examen, si elle est présente, et son avocat auront la toujours la parole les derniers.
    • Art. 706-123, Code de procédure pénale
      Art. 706-124, Code de procédure pénaleAfficher plus (4)

      Chambre de l’instruction : décision. Trois options sont alors ouvertes à la chambre de l’instruction. Si elle estime qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés, la chambre de l'instruction déclare, conformément à l’article 706-123 du Code de procédure pénale, qu'il n'y a lieu à suivre. En revanche, l’article 706-124 du Code de procédure pénale dispose que, si elle estime qu'il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l'article 122-1 du Code pénal n'est pas applicable, la chambre de l'instruction ordonne le renvoi de la personne devant la juridiction de jugement compétente.

      Dans les autres cas, la chambre de l'instruction rend en application de l’article 706-125 du Code de procédure pénale un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Cet arrêt met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire en vertu de l’article 706-126 du Code de procédure pénale. Il peut en outre faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

      Surtout, par cet arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la chambre de l’instruction :

      • déclare qu'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés ;
      • déclare la personne irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ;
      • si la partie civile le demande, se prononce sur la responsabilité civile de la personne, conformément à l'article 414-3 du Code civil, et statue sur les demandes de dommages et intérêts ;
      • prononce, s'il y a lieu, une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues au chapitre III du présent titre.
    • Art. L3213-1, Code de la santé publique
      Art. 706-135, Code de procédure pénaleAfficher plus (6)
      Chambre de l’instruction : « sanctions ». La chambre peut tout d’abord prononcer une mesure d’hospitalisation judiciaire dont le régime juridique est celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques prononcées en application de l'article L. 3213-1 du Code de la santé publique. Les conditions pour recourir à cette mesure sont déterminées à l’article 706-135 du Code de procédure pénale. Doit ainsi être établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

      La chambre peut également ordonner à l'encontre de la personne les mesures de sûreté prévues à l’article 706-136 du Code de procédure pénale, pendant une durée qu'elle fixe et qui ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et vingt ans si les faits commis constituent un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement. Ces mesures sont les suivantes :

      1° Interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction ou certaines personnes ou catégories de personnes, et notamment les mineurs, spécialement désignées ;

      2° Interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ;

      3° Interdiction de détenir ou de porter une arme ;

      4° Interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole spécialement désignée, dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ou impliquant un contact habituel avec les mineurs, sans faire préalablement l'objet d'un examen psychiatrique déclarant la personne apte à exercer cette activité ;

      5° Suspension du permis de conduire ;

      6° Annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis.

      Deux précisions sont formulées par la loi : ces interdictions ne peuvent être prononcées qu'après une expertise psychiatrique et ne doivent pas constituer un obstacle aux soins dont la personne est susceptible de faire l'objet. Enfin, si la personne est hospitalisée en application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du Code de la santé publique, les interdictions dont elle fait l'objet sont applicables pendant la durée de l'hospitalisation et se poursuivent après la levée de cette hospitalisation, pendant la durée fixée par la décision.

      Évidemment, la nature de ces mesures a pu interroger. A telle enseigne d’ailleurs que la Cour de cassation a pu dire tout et son contraire quant à leur application dans le temps cette application dépendant, on le sait, de la nature des lois pénales en conflit (v. ainsi Cass. crim., 21 janvier 2009, n° 08-83.492, F-P+F [LXB=6539EC8] ; contra v. Cass. crim., 16 décembre 2009, n° 09-85.153, FP-P+F N° Lexbase : A7290EPP ; dans le même sens CEDH, 3 septembre 2015, Req. 42875/10, Berland c/ France N° Lexbase : A3760NNL).

      Or ces « mesures » rappellent à s’y méprendre les peines complémentaires mentionnées à l’article 131-10 du Code pénal, ou les obligations ou interdictions prononcées dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve (C. pén., art. 132-44 et 132-45). Que ces mesures soient indexées sur la dangerosité et tournées vers la prévention de la récidive ne change selon nous rien à la réponse. Les peines prennent évidemment en considération ces mêmes critères fussent-ils nommés « personnalité » et prévention de « la commission de nouvelles infractions ». N’oublions pas en effet qu’aux termes de l’article 130-1 du Code pénal, la peine a pour fonctions de sanctionner l'auteur de l'infraction et de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. En ce que les réponses apportées au comportement de celui dont le discernement est aboli sont ab initio causées par la suspicion d’une infraction qualifiée à ce stade de la procédure de « charges suffisantes », elles ne devraient échapper à la qualification de sanctions pénales fussent-elles plus ou moins « déguisées ».

      Concluons avez Nietzsche : « Pendant la plus longue période de l’histoire humaine, ce ne fut absolument pas parce que l’on tenait le malfaiteur pour responsable de son acte qu’on le punissait ; on n’admettait donc pas que seul le coupable devait être puni : - on punissait plutôt comme aujourd’hui encore les parents punissent leurs enfants, poussés par la colère qu’excite un dommage causé et qui tombe sur l’auteur du dommage, - mais cette colère est maintenue dans certaines limites et modifiée par l’idée que tout dommage trouve quelque part son équivalent, qu’il est susceptible d’être compensé, fût-ce même par une douleur que subirait l’auteur du dommage. D’où a-t-elle tiré sa puissance, cette idée primordiale, si profondément enracinée ? cette idée peut-être indestructible, aujourd’hui que le dommage et la douleur sont des équivalents ? Je l’ai déjà révélé plus haut : des rapports de contrats entre créanciers et débiteurs qui apparaissent aussitôt qu’il existe des « sujets de droit », des rapports qui, à leur tour, ramènent aux formes primitives de l’achat, de la vente, de l’échange, du trafic en un mot » (F. Nietzsche, Généalogie de la morale, « 2ème dissertation », § 4).

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