Dernière modification le 06-02-2020
Également appelée « instruction » ou « information judiciaire », l’instruction préparatoire est une phase de mise en état du procès pénal au cours de laquelle un magistrat instructeur, chargé de procéder « à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité » (C. proc. pén., art. 49 N° Lexbase : L7788HNR et 81 N° Lexbase : L7468LPB), recherche les indices relatifs à la commission d’une infraction pénale, afin d’en identifier le ou les auteurs, ainsi que la ou les éventuelles victimes.
Symbolisée par son dossier « écrit » et « secret » (C. proc. pén., art. 11 N° Lexbase : L7022A4T et 81), l’information judiciaire doit permettre de déterminer s’il existe - ou non, des charges suffisantes pour renvoyer une personne devant la juridiction de jugement compétente (C. proc. pén., art. 175 N° Lexbase : L7482LPS et s.).
Par principe facultative en matière de délit et de contravention, l’instruction préparatoire est en revanche obligatoire en matière criminelle (C. proc. pén., art. 79 N° Lexbase : L7249A4A).
Cadre d’investigation protecteur, l’information judiciaire garantit notamment aux parties l’exercice des droits de la défense, ainsi que l’accès au dossier de la procédure (C. proc. pén., art. 114 N° Lexbase : L2767KGL). Le principe du contradictoire a progressivement irradié cette phase de la procédure pénale aux racines inquisitoires.
Saisi « in rem » en vertu d’un réquisitoire du procureur de la République (C. proc. pén., art. 80 N° Lexbase : L4039IRZ), le juge d’instruction exerce ses fonctions dans le ressort de son tribunal (C. proc. pén., art. 49). Il peut se transporter, le cas échéant, sur toute l’étendue du territoire national à l’effet d’y « procéder à tous actes d’instruction utiles » (C. proc. pén., art. 93 N° Lexbase : L7167A49).
Seul responsable de la conduite des investigations, le juge est tenu d’instruire « à charge et à décharge » (C. proc. pén., art. 81). En tout état de cause, les parties privées (C. proc. pén., art. 82-1 N° Lexbase : L7151A4M) et le ministère public (C. proc. pén., art. 82 N° Lexbase : L5912DYM) peuvent lui demander de procéder à toutes les investigations qu’ils estimeraient utiles ou nécessaires.
La doctrine répertorie classiquement trois catégories d’actes susceptibles d’être entrepris par le magistrat instructeur, à savoir :
Le juge d’instruction peut procéder lui-même - ou faire procéder, aux actes d’enquête qu’il estime utiles à la manifestation de la vérité, à savoir notamment :
En toutes circonstances, le magistrat instructeur conserve le contrôle et la direction de l’information judiciaire. Il peut néanmoins déléguer, à d’autres autorités, le pouvoir de réaliser certains actes relevant de son pouvoir d’investigation.
En ce sens, lorsque le juge d’instruction est « dans l’impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d’instruction, il peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d’information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévues aux articles 151 et 152 » (C. proc. pén., art. 81 N° Lexbase : L7468LPB).
Telle que prévue par l’article 151 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3525AZL), la commission rogatoire permet au magistrat instructeur de requérir « tout juge de son tribunal, tout juge d’instruction ou tout officier de police judiciaire, qui en avise dans ce cas le procureur de la République, de procéder aux actes d’information qu’il estime nécessaires dans les lieux où chacun d’eux est territorialement compétent ».
La commission rogatoire est ainsi conçue comme une dérogation au principe selon lequel le juge doit accomplir personnellement les actes d’investigation. Elle constitue une véritable délégation de pouvoirs dans la mesure où les magistrats ou officiers de police judiciaire (C. proc. pén., art. 151) commis pour l’exécution exercent, dans les limites de celle-ci, tous les pouvoirs d’investigation du juge mandant (C. proc. pén., art. 152 N° Lexbase : L5551DYA).
En complément des actes précédemment évoqués, on retiendra plus particulièrement la possibilité pour les services délégataires :
Lorsque le magistrat instructeur doit trancher une question d’ordre technique, il peut ordonner conformément, aux articles 156 (N° Lexbase : L0946DYP) et suivants du Code de procédure pénale, des mesures d’investigation techniques par voie d’expertise.
L’article 156 du Code de procédure pénale dispose en effet que « toute juridiction d’instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d’office ou à la demande des parties, ordonner une expertise ».
Réalisée par un ou plusieurs techniciens, hommes de l’art ou sachants, l’expertise doit ainsi permettre de renseigner le juge sur une question d’ordre technique soumise à interprétation.
Il s’agit là principalement des différents mandats codifiés aux articles 122 (N° Lexbase : L5538DYR) et suivants du Code de procédure pénale, à savoir : le mandat de recherche, le mandat de comparution, le mandat d’amener et le mandat d’arrêt.
A cette liste vient évidemment s’ajouter le mandat de dépôt. Toutefois, celui-ci, qui ne peut être décerné, au cours de l’instruction, que par le juge des libertés et de la détention à l’encontre d’une personne mise en examen et ayant fait l’objet d’une ordonnance de placement en détention provisoire, ne relève pas de la compétence du juge d’instruction (C. proc. pén., art. 122 N° Lexbase : L5538DYR).
Les mandats sont des ordres écrits, donnés par un juge, notamment à la force publique, afin de contraindre une personne et s’assurer de sa représentation devant la justice, soit en décidant de sa comparution, soit en décidant de son incarcération.
Classiquement, la doctrine considère qu’il existe deux catégories de mandat : ceux qui permettent la présentation de la personne suspectée devant la justice (à savoir : le mandat de recherche, le mandat de comparution et le mandat d’amener), et, ceux qui ont vocation à permettre l’incarcération de la personne suspectée (à savoir : le mandat d’arrêt et le mandat de dépôt).
Naturellement, il faut ici préciser que parmi les actes coercitifs que peut prendre le magistrat instructeur figurent les mesures de sûreté prévues aux articles 137 (N° Lexbase : L9393IEM) et suivants du Code de procédure pénale, à savoir : le contrôle judiciaire, l’assignation à résidence avec surveillance électronique, mais également la saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) en vue d’un éventuel placement en détention provisoire.
Dans le cadre de son pouvoir juridictionnel, le juge d’instruction est amené à rendre des ordonnances qui ont vocation : d’une part, à trancher les éventuelles contestations et demandes des parties ; et, d’autre part, à acter certaines prises de décisions dans la conduite de l’information judiciaire.
Portées à la connaissance des parties, ces ordonnances sont, pour la plupart, susceptibles d’être frappées d’appel devant la chambre d’instruction.
Deux types de contentieux principaux permettent de contester, dans le temps de l’information judiciaire, les actes de l’instruction rendus par le juge : d’une part, le contentieux de l’annulation qui permet de contrôler la régularité des actes d’investigation (C proc. pén., art. 170 N° Lexbase : L0918DYN et s.) ; d’autre part, le contentieux de l’appel au terme duquel sont examinés la légalité et le bien-fondé des actes juridictionnels (C proc. pén., art. 185 N° Lexbase : L7480LPQ et s.).
Ces contentieux ont vocation à être tranchés par la chambre de l’instruction, qui est une formation de jugement de la cour d'appel, composée d'un président de chambre et de deux conseillers (C proc. pén., art. 191 N° Lexbase : L3569AZ9). Au-delà de cette fonction de « juridiction du second degré », la chambre de l’instruction dispose également de vastes pouvoirs prévus et codifiés aux articles de 200 (N° Lexbase : L3580AZM) et suivants du Code de procédure pénale qui lui permettent de parfaire l’information judiciaire.
Au cours de l’information judiciaire, la chambre de l’instruction peut, en toute matière, être saisie aux fins d’annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure (C proc. pén., art. 170 N° Lexbase : L0918DYN) par le juge d’instruction (C proc. pén., art. 173, al. 1), par le procureur de la République (C proc. pén., art. 173, al. 2 N° Lexbase : L7455LPS), par les parties ou par le témoin assisté (C proc. pén., art. 173, al. 3).
Lorsque les actes ou pièces sont annulés, ils sont retirés du dossier d’information et classés au greffe de la cour d’appel (C proc. pén., art. 174, al. 3 N° Lexbase : L8646HW7).
Lorsque les actes ou pièces de la procédure sont partiellement annulés, ils sont cancellés - c’est-à-dire caviardés, après qu’ait été établie une copie certifiée conforme à l’original, qui est classée au greffe de la cour d’appel (C proc. pén., art. 174, al. 3).
Au-delà du contentieux de l’annulation, la chambre de l’instruction est également compétente pour statuer sur les appels interjetés à l’encontre des ordonnances juridictionnelles rendues par le juge. Suivant contrôle du bien-fondé et de la légalité de l’acte, la chambre de l’instruction peut alors, soit confirmer la décision entreprise, soit la réformer.
Le droit d’appel, qui n’appartient ni aux tiers ni au témoin assisté, est « général » pour le ministère public, alors qu’il est « spécial » et « limité » pour les parties.