Dernière modification le 21-09-2022
Le divorce mettant fin au devoir de secours entre époux, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
La demande de prestation compensatoire n'est recevable que si elle a été formée au cours de la procédure de divorce. Elle ne peut être présentée lors des opérations de liquidation de la communauté. Le principe et le montant de la prestation compensatoire s'apprécient à la date à laquelle le divorce a pris force de chose jugée et non, le cas échéant, à la date à laquelle les effets du divorce ayant été reportés, entre les parties (Cass. civ. 1, 21 septembre 2005, n° 04-14.830, F-D N° Lexbase : A5197DKP). Le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux (Cass. civ. 1, 23 juin 2010, n° 09-13.812, FS-P+B+I N° Lexbase : A3297E3I).
Le juge doit prendre en compte l'ensemble des situations des époux au moment du divorce (revenus et patrimoine) et son évolution dans un avenir prévisible pour apprécier souverainement l'existence d'une disparité (Cass. civ. 1, 14 mars 2006, n° 04-19.527, FS-P+B+I N° Lexbase : A5237DNB). Il ne doit pas tenir compte de la vie commune antérieure au mariage mais peut prendre en considération la durée de la vie commune postérieure au mariage (Cass. civ. 1, 18 mai 2011, n° 10-17.445, FS-P+B+I N° Lexbase : A2900HRT).
Avant la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 la prestation compensatoire était exclue en cas de divorce pour faute au détriment de l'époux à l'encontre de qui le divorce pour faute avait été prononcé et l'ancien article 280-1 alinéa 2 permettait à ce dernier d'obtenir cependant une indemnité à titre exceptionnel, si, compte tenu de la durée de la vie commune et de la collaboration apportée à la profession de l'autre époux, il apparaissait manifestement contraire à l'équité de lui refuser toute compensation pécuniaire à la suite du divorce. Après la loi de 2004, tout époux peut obtenir une prestation compensatoire sauf si l'équité le commande.
Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. Cette déclaration étant obligatoire, sera donc cassé l'arrêt qui condamne l'époux au paiement d'une prestation compensatoire sans que les parties aient été invitées par le juge à fournir la déclaration sur l'honneur (Cass. civ. 2, 13 mars 2003, n° 01-13.907, F-D N° Lexbase : A4131A77).
Selon l'article 271 du Code civil N° Lexbase : L3212INB, le juge prend en considération notamment les droits existants et prévisibles de chacun des époux. La vocation successorale ne constitue pas un droit prévisible au sens de l'article 271 du Code civil, en ce qu'elle constitue un élément non encore réalisé au moment du prononcé du divorce. De même, le juge prend en considération les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne.
Le juge prend en considération notamment le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial. Il doit être tenu compte de la nue-propriété du patrimoine immobilier des époux dans l'appréciation de la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.
Le juge prend en considération la situation respective des époux en matière de pensions de retraite. Le juge estime autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.
La prestation compensatoire en capital peut s'exécuter par le versement d'une somme d'argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l'article 277 du Code civil. Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions de l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital dans la limite de huit années sous forme de versements périodiques. Ces versements périodiques sont indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. Le débiteur pourra demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation.
La prestation compensatoire en capital peut s'exécuter par l'attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit ; le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation (C. civ., art. 274 N° Lexbase : L2840DZ9). L'article 274 du Code civil n'établit aucune distinction entre les biens immobiliers, propres ou communs, dont l'usufruit peut être attribué à titre de prestation compensatoire.
Le juge peut concéder à bail le local servant de logement à la famille, bien propre d'un époux au conjoint qui exerce l'autorité parentale sur au moins un de leurs enfants qui résident habituellement dans ce logement et que leur intérêt le commande. Le juge fixe la durée du bail et peut le renouveler jusqu'à la majorité du plus jeune des enfants. Le juge peut résilier le bail si des circonstances nouvelles le justifient (C. civ., art. 285-1 N° Lexbase : L2853DZP).
A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère.
La rente est indexée ; l'indice est déterminé comme en matière de pension alimentaire (C. civ., art. 276-1 N° Lexbase : L2670ABI). Comme pour les pensions alimentaires, le choix de l'indice est libre. Le montant de la rente avant indexation est fixé de façon uniforme pour toute sa durée ou peut varier par périodes successives suivant l'évolution probable des ressources et des besoins.
Le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d'une demande de substitution d'un capital à tout ou partie de la rente. Lors de la substitution le capital alloué au crédirentier est égal à un montant équivalant à la valeur actuelle probable de l'ensemble des arrérages de la rente, à la date de la décision du juge opérant cette substitution. La valeur mentionnée au premier alinéa résulte d'un taux de capitalisation de 4 % et des probabilités de décès du crédirentier, selon son âge et son sexe, établies par les tables de mortalité INSEE 98-2000.
Le juge ne peut accorder un délai pour verser la première fraction du capital. Sera donc cassé l'arrêt qui accorde un délai, au demeurant indéterminé, pour différer le versement de la première mensualité (Cass. civ. 1, 6 juillet 2005, n° 03-18.038, FS-P+B N° Lexbase : A8843DID).
Sous l'empire de l'ancien droit, le concubinage de l'ex-époux créancier n'entraîne pas la disparition de plein droit de la rente mais permet seulement au juge de la supprimer dans le cas où elle cesserait d'être nécessaire.
En cas de divorce par consentement mutuel, les époux fixent le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention qu'ils soumettent à l'homologation du juge. Ils peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d'un événement déterminé. La prestation peut prendre la forme d'une rente attribuée pour une durée limitée. La convention homologuée ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre des époux, également soumise à homologation. Les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d'eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire.
Le prononcé du divorce peut être subordonné à la constitution des garanties prévues à l'article 277 du Code civil N° Lexbase : L2672ABL pour le paiement de la prestation compensatoire en capital. Les procédures de recouvrement des pensions alimentaires : paiement direct ou recouvrement public sont applicables aux prestations compensatoires fixées sous forme de rente.
La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties.
C'est, dans l'exercice de son pouvoir souverain, appréciant la situation du débiteur et de l'épouse créancière au regard de l'article 276-3 que la cour d'appel décide non pas de supprimer la prestation compensatoire mais d'en réduire le montant (Cass. civ. 1, 11 janvier 2005, n° 03-16.085, F-P+B N° Lexbase : A0216DG4). La révision est possible en cas de changement important même si la convention de divorce ne l'envisageait qu'en cas de changement imprévu. Enfin, il faut noter que lorsque des époux ont divorcé l'un de l'autre, leur remariage entre eux rend caduque pour l'avenir la prestation judiciairement fixée (Cass. civ. 1, 17 octobre 2007, n° 06-20.451, FS-P+B N° Lexbase : A8123DYI).
Le changement important permettant de réviser la prestation compensatoire doit s'apprécier au regard de la situation des parties au jour de la fixation de la prestation compensatoire et non au jour de la prise d'effet du versement de la rente. Par exemple, la mise à la retraite anticipée de l'époux qui n'avait pas été prise en considération lors de la fixation du montant de la prestation, allouée sous forme de rente viagère, entraîne un changement important dans ses ressources justifiant sa révision (Cass. civ. 1, 19 juin 2007, n° 05-21.970, F-P+B N° Lexbase : A8677DWB). De même sera cassé l'arrêt qui n'a pas recherché si même en l'absence de tout changement dans la situation des parties le maintien en l'état de la rente ne procurait pas au créancier un avantage manifestement excessif permettant d'obtenir la révision de la prestation compensatoire (Cass. civ. 1, 20 janvier 2010, n° 08-17.763, F-D N° Lexbase : A4616EQZ).
A la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Il est supporté par tous les héritiers dans la limite de l'actif successoral et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument, sous réserve de l'application de l'article 927 du Code civil. Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme d'un capital payable dans les conditions de l'article 275, le solde de ce capital indexé devient immédiatement exigible. Lorsqu'elle a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible. Lors de la substitution le capital alloué au crédirentier est égal à un montant équivalant à la valeur actuelle probable de l'ensemble des arrérages de la rente, à la date du décès du débiteur (décret n° 2004-1157, pris en application des articles 276-4 et 280 du code civil et fixant les modalités de substitution d'un capital à une rente allouée au titre de la prestation compensatoire N° Lexbase : L3793GUZ).