Synthèse : Le jugement des délits

  • Synthèse : Le jugement des délits

    Dernière modification le 03-02-2020

    • La compétence du tribunal correctionnel

      Le tribunal correctionnel est la juridiction qui juge les prévenus mis en cause en matière délictuelle. C’est une formation particulière du tribunal judiciaire mais dont la détermination des règles de compétence peut dépendre de la spécificité de la matière pénale. En ce sens, les articles 381 et suivants du Code de procédure pénale permettent d’identifier la compétence matérielle, personnelle, et territoriale du tribunal correctionnel qui devra être valablement saisi. Si cette détermination répond à des principes clairement exposés, elle connaît aussi, sous réserve de la compétence particulière de certaines juridictions (délits terroristes, économiques et financiers ou relevant de la criminalité organisée) nombre de causes d’extension permettant de rattacher des prévenus ou des faits se situant initialement exclus dans le champ de compétence d’un tribunal correctionnel. Sur le principe, ratione materiae, le tribunal correctionnel ne connaît que des délits, c’est-à-dire des infractions que la loi punit au moins d’une peine d’emprisonnement ou d’une peine d’amende au moins égale à 3 750 euros. Toutefois, par extension et en application du principe de plénitude de juridiction, le juge correctionnel peut aussi connaître des délits et contraventions qui forment un ensemble indivisible ou qui sont connexes et qui appellent une audience unique. Juge de l’action, le tribunal correctionnel sera aussi juge de l’exception (C. proc. pén., art. 384 N° Lexbase : L4378AZ8 et s. ; C. pén., art. 111-5 N° Lexbase : L2064AME). De même, si le juge correctionnel va se prononcer sur la culpabilité, voire la peine, il est aussi compétent, en vertu des articles 2 (N° Lexbase : L9908IQZ) et 3 (N° Lexbase : L9886IQ9) du Code de procédure pénale pour statuer sur l’action civile. Plus largement au-delà de la responsabilité pénale voire civile de l’auteur d’un délit, le tribunal correctionnel pourra être amené à se prononcer sur une difficulté d’exécution d’une décision, qu’il s’agisse d’une restitution ou de l’exécution d’une peine (C. proc. pén., art. 710 N° Lexbase : L7690LPI). En matière de compétence personnelle, seuls les prévenus majeurs (personnes physiques ou morales) peuvent être déférés devant le tribunal correctionnel. En matière de compétence territoriale, le principe est un critère de rattachement alternatif qui peut être soit celui du lieu de commission de l’infraction (ou plutôt d’un des éléments constitutifs de l’infraction), soit celui de la résidence de l’auteur ou du lieu de sa détention ou de son arrestation.

      La composition du tribunal correctionnel

      Le tribunal correctionnel statue traditionnellement en formation collégiale, la juridiction étant composée d’un président et de deux assesseurs (C. proc. pén., art. 398 N° Lexbase : L0539LT7). Toutefois, la liste des délits pouvant conduire à la saisine d’un juge unique ne cesse de s’allonger et la loi du 23 mars 2019 a poursuivi cette extension (C. proc. pén., art. 398-1 N° Lexbase : L7517LP4). Le juge unique connaît ainsi par exemple des délits de masse (comme le droit routier ou le droit des transports), des petits délits relatifs à la législation sur les stupéfiants ou encore de certaines atteintes aux biens.

      Les différents modes de saisine du tribunal correctionnel

      Que le tribunal statue à juge unique ou bien en formation collégiale, les modalités de saisine sont identiques et résultent du choix de ministère public d’exercer l’action publique en application de l’article 40 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5531DYI) au profit d’un classement sans suite ou d’une voie alternative. Les modalités de sa saisine (C. proc. pén., art. 388 N° Lexbase : L3795AZL et s.) sont matériellement déterminées par la prévention, c’est-à-dire la délimitation de l’étendue de la saisine par une unité de temps, de lieu et d’action bien définie et qui conduit le tribunal correctionnel à ne pouvoir se prononcer que sur les faits compris dans l’assiette de cette prévention. Les modalités formelles de la saisine du tribunal correctionnel impliquent nécessairement une saisine par le ministère public au moyen d’une citation ou d’une convocation, par la partie civile au moyen d’une citation directe ou encore par le juge d’instruction lorsqu’il rend une ordonnance de renvoi. Dans le cadre d’une citation, émanant du parquet ou de la partie civile, celle-ci est toujours faite par voie d’huissier en vue d’une audience fixée à au moins dix jours et à laquelle le prévenu est tenu de comparaître. Il peut aussi être recouru à une comparution volontaire, laquelle permet notamment d’élargir la saisine lors de l’audience à des faits qui n’étaient pas compris dans l’acte de saisine initial. Il est également possible de saisir le tribunal correctionnel au moyen d’une convocation par procès-verbal, émanant du ministère public et conduisant à fixer l’audience dans un délai de dix jours à six mois.

      Dans la droite ligne du développement des voies alternatives et simplifiées de réponses pénales, la comparution immédiate (C. proc. pén., art. 397 N° Lexbase : L3804AZW et s.) conduit à renvoyer sur le champ un prévenu dont l’affaire est en état d’être jugée devant le tribunal correctionnel qui statue en formation de comparution immédiate (nécessairement de manière collégiale). Ce jugement à bref délai permet, lorsque les conditions légales sont réunies, que les faits sont établis et les charges suffisantes, de faire comparaître le prévenu, avec son accord, dans la foulée de son interpellation et de son placement en garde-à-vue. En outre, s’il apparaît que des investigations supplémentaires sont nécessaires (une expertise ou une enquête de personnalité par exemple), le tribunal pourra renvoyer l’affaire en audience correctionnelle classique, mais avec la possibilité de définir le statut du prévenu d’ici l’audience, le juge des libertés et de la détention pouvant prononcer une mesure de détention provisoire.

      De même, pour parer à l’éventuelle renvoi vers l’ouverture d’une information judiciaire lorsque la comparution immédiate se révèle impossible, la loi du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6740LPC) a créé la comparution à délai différé permettant au parquet, lorsque certains éléments d’enquête demandés ne sont pas encore produits (résultats d’expertises ou d’examen technique ou médical, situation du prévenu) mais que l’affaire est quasiment en état d’être jugée, de poursuivre le prévenu en comparution différée (C. proc. pén., art. 397-1-1 N° Lexbase : L7519LSB). Il s’agit alors d’éviter l’ouverture d’une instruction préparatoire et de différer la comparution à un court délai, le temps de récupérer les résultats attendus, tout en s’assurant de la comparution du prévenu au moyen d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence, voire d’une détention provisoire.

      Le déroulement de l’audience correctionnelle

      Une fois le tribunal correctionnel saisi, l’audience correctionnelle connaît un déroulé invariable qui doit impérativement répondre à des principes directeurs. Il faut en effet, assurer la publicité des débats (C. proc. pén., art. 400 N° Lexbase : L0905DY8), permettant à toute personne d’assister à l’audience, sous réserve d’un huis-clos décidé par le président du tribunal correctionnel qui assure la police de l’audience (C. proc. pén., art. 401 N° Lexbase : L3312DGR et s.) et peut à ce titre se saisir d’office des délits d’audience susceptibles d’être commis.

      Les principes directeurs. De même, les débats doivent respecter le principe d’oralité, à savoir que tous les éléments de l’affaire doivent pouvoir être discutés et faire l’objet d’observation, ce qui permet de s’assurer du respect d’un autre principe cardinal de l’audience correctionnelle qui est le respect du contradictoire. C’est une condition sine qua non d’une éventuelle requalification, et plus largement d’un ajustement de l’assiette de la prévention. Le contradictoire est aussi le terrain de discussion probatoire. La preuve pénale est en effet administrée puis discutée selon une devise procédurale tenant à la liberté, la légalité et la loyauté de la preuve. La liberté du recollement de la preuve trouvant son corollaire dans la libre appréciation des éléments de preuve rapportés par les autorités de poursuite ou par les parties privées, ces preuves doivent impérativement faire l’objet d’un débat contradictoire. Le principe n’est toutefois pas sans limite et, à l’instar de certaines voies de jugements accélérées, il existe aussi des voies de jugement simplifiées, se dispensant de toute audience et de tout contradictoire : ce sont les amendes forfaitaires et les ordonnances pénales, dont le périmètre ne cesse de s’étendre aux dépens d’une audience correctionnelle classique.

      La place des parties. Une fois ces principes établis, l’audience correctionnelle confère à chaque partie sa place.  Le prévenu, dont l’assistance par un avocat n’est pas obligatoire, est en principe tenu de comparaître (C. proc. pén., art. 409 N° Lexbase : L4387AZI et s.). Cela permet de procéder à son interrogatoire, de confronter sa version des faits à celle de la partie civile ou de témoins, mais aussi d’obtenir des éléments sur sa situation personnelle, professionnelle ou encore familiale. Toutefois, l’absence de comparution du prévenu ne doit pas paralyser l’audiencement et la décision sera jugée contradictoire s’il est valablement représenté. En l’absence de représentation et d’excuse jugée valable, le prévenu valablement touché par la convocation à comparaître sera jugé par une décision contradictoire à signifier. En revanche, sa non-comparution ainsi que l’absence de preuve que le prévenu a bien pu prendre connaissance de sa convocation pour l’audience, le jugement sera rendu par défaut, ouvrant au prévenu la possibilité de faire opposition à la décision afin d’être rejugé contradictoirement. Aux côtés du prévenu, la partie civile a également une place de mieux en mieux aménagée au sein du procès pénal. Lorsqu’elle porte son action civile devant le juge pénal en se constituant partie civile avant ou au cours de l’audience, elle verra la réparation de préjudice directement causé par l’infraction examinée par le juge correctionnel, le législateur de la loi de programmation 2018-2022 du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6740LPC) facilitant les options procédurales dans lesquelles le juge pénal peut se prononcer sur l’action civile indépendamment de l’action publique.

      En présence du prévenu, de la partie civile, l’audience revient à une mise en état rapide et orale de l’affaire menée par le président du tribunal qui orchestre les débats : le prévenu, la partie civile, le témoin éventuel seront interrogés, puis selon un rituel immuable de prise de parole, la partie civile développera ses conclusions, puis le parquet prendra ses réquisitions et enfin la parole sera nécessairement et en toute hypothèse donnée à la défense.

      La fin de l’audience signifie que l’affaire est mise en délibéré afin que le tribunal se prononce sur la culpabilité du prévenu, c’est-à-dire sur l’action publique, puis sur la peine s’il décide d’entrer en voie de condamnation.

      La décision du tribunal correctionnel

      Concernant la décision de culpabilité, deux issues sont possibles : soit le tribunal entre en voie de condamnation, soit il relaxe le prévenu et le renvoie des fins de la poursuite. Dans les deux cas, la décision de culpabilité doit être motivée, c’est-à-dire que doivent être expliqués et détaillés les motifs permettant d’établir la réunion des éléments matériels et intentionnels de l’infraction ou au contraire le défaut de l’un de ces éléments, étant entendu que le doute doit profiter au prévenu. La motivation de la culpabilité fait l’objet d’un contrôle serré de la Cour de cassation. À partir de cette première forme de motivation, la Chambre criminelle a, peu à peu, depuis les modifications des dispositions légales relatives à la motivation de la peine amorcées avec la loi du 15 août 2014 (N° Lexbase : L0488I4T), généralisé l’exigence de motivation de cette peine correctionnelle. En ce sens, et depuis trois arrêts rendus le 1er février 2017, elle exige que les peines principales comme les peines complémentaires fassent l’objet d’une motivation minutieuse tenant aux circonstances de l’infraction, à la personnalité de l’auteur ainsi qu’à sa situation personnelle et matérielle.

      Selon que le tribunal entre ou non en voie de condamnation pour des faits délictuels, cela peut avoir une influence sur l’action civile. En effet, suivant le principe selon lequel une décision pénale a autorité de la chose jugée sur le civil, il ne saurait y avoir de discordance entre les deux solutions : une infraction pénale emportant nécessairement faute civile susceptible d’engager la responsabilité civile de l’auteur du délit lorsque ce dernier a directement causé le dommage. Toutefois, là encore dans un mouvement d’émancipation de la faute civile et d’affaiblissement de l’unité des fautes civile et pénale, ce principe trouve de plus en plus de dérogations applicables conduisant peu à peu à distinguer et à juger de manière distincte la faute civile causée par un délit.

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