Jurisprudence : Ass. plén., Conclusions, 03-03-2023, n° 22-81.097

Ass. plén., Conclusions, 03-03-2023, n° 22-81.097

A85812RA

Référence

Ass. plén., Conclusions, 03-03-2023, n° 22-81.097. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/105409154-ass-plen-conclusions-03032023-n-2281097
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AVIS DE M. LEMOINE, AVOCAT GÉNÉRAL Arrêt n° 666 du 3 mars 2023 – Assemblée plénière Pourvoi n° 22-81.097 Décision attaquée : cour d'appel de Lyon, 7e chambre, 19 février 2016 Mme [R] [P] C/ La Commune de [Localité 1], partie civile _________________

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Par déclaration enregistrée, le 15 avril 2016, au greffe de la cour d'appel de Lyon, [R] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu, le 19 février 2016, et signifié le 22 mars 2016, par ladite cour, chambre correctionnelle, qui, pour infraction au code de l'urbanisme, l'a condamnée à 2.000 € d'amende avec sursis, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et prononcé sur les intérêts civils. Ce pourvoi, tel qu'il est désormais soumis à l'examen de l'Assemblée plénière, apparaît recevable. En effet, la recevabilité résulte de l'arrêt de la Cour de révision et de réexamen. Les faits de l'espèce peuvent être succinctement résumés comme suit : La prévenue1 a été poursuivie sur le fondement des articles L. 444-1, L. 480-1 à L. 480-7 et L. 421-42 du code de l'urbanisme, après qu'eut été constatée la présence puis le stationnement pendant plus de trois mois de caravanes, véhicules de traction et camions aménagés en habitation sur un terrain lui appartenant classé en zone agricole du plan local d'urbanisme, sur lequel des travaux de viabilisation et d'aménagement -installation d'un 1

Un autre prévenu - [D] [C] -, également condamné, n'a pas formé de pourvoi.

Dans les versions de ces textes résultant de la loi 2006-872 du 13 juillet 2006 et de l'ordonnance 20051527 du 8 décembre 2005, mais cette situation est sans incidence au regard des moyens présentés. 2

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cabanon en bois, d'un forage, d'une citerne d'eau et d'une clôture grillagée- avaient été engagés sans autorisation préalable et ont été poursuivis malgré un arrêté municipal prescrivant leur interruption. L'arrêt attaqué, confirmant le jugement, l'a déclarée coupable, d'une part d'avoir effectué des travaux d'aménagement en vue d'y établir une aire d'accueil pour gens du voyage et des terrains familiaux pour stationner des véhicules aménagés en habitation ou nécessaires à l'activité de forains -qui ont stationné pendant plus de trois mois par an- et édifié une clôture, sans déclaration préalable et en violation du plan local d'urbanisme, d'autre part poursuivi ces travaux malgré un arrêté municipal ayant prescrit leur interruption. Il indique (p. 4) que les prévenus “cités à adresses déclarées selon actes d'huissier de justice déposés à l'étude, n'ont pas comparu et n'étaient pas représentés”. La décision a, dès lors, été qualifiée de contradictoire à signifier. Le 8 novembre 2016, la chambre criminelle a déclaré non admis le pourvoi. Monsieur le conseiller rapporteur et l'avocate générale ont relevé qu'il avait été formé - le 15 avril 2016-, soit après l'expiration du délai de cinq jours prévu à l'article 568, al. 1er, du code de procédure pénale, en l'état d'un arrêt signifié le 22 mars 2016 à l'adresse déclarée par la condamnée3. Le 5 mai 2017, soutenant avoir été privée de son droit d'accéder à la Cour de cassation du fait d'un formalisme excessif, celle-ci a saisi la Cour européenne des droits de l'homme d'une requête, fondée sur l'article 6.1 de la Convention éponyme. Le 27 février 2020, la Cour européenne, au visa de l'article 37.1, c), de la Convention, a ordonné le retrait du rôle de cette requête, prenant acte des termes de la déclaration du Gouvernement français par laquelle celui-ci “reconnaît que dans le cas d'espèce, les modalités concrètes de signification de l'arrêt d'appel du 19 février 2016 ont eu pour effet de réduire le délai dont disposait la requérante pour former son pourvoi et porter ainsi atteinte à son droit d'accès à la Cour de cassation” et offre de verser une somme de 1.600 € à la requérante. Celle-ci ayant refusé cette transaction, elle a dès lors saisi la Cour de révision et de réexamen -le 23 février 2021- d'une demande de réexamen fondée sur l'article 622-1 du code de procédure pénale. Devant cette juridiction, un débat4 s'est engagé sur la question de savoir si la décision de radiation du rôle prise par la Cour européenne équivalait à une décision de condamnation de la France justifiant que l'affaire fasse l'objet d'un nouvel examen par la juridiction interne ayant connu de celle-ci dans son dernier état. Le 10 février 2022, la Cour de révision, jugeant que la décision de la Cour européenne ayant constaté que la décision de rejet du pourvoi avait été prononcée en violation de l'article 6.1, a fait droit à la demande de réexamen et, en application de l'article 624-7, al. 2, a renvoyé la requérante devant l'Assemblée plénière à cette fin.

La chambre criminelle juge, en application de l'alinéa 2, 3°, de ce texte, que ce délai court de la signification (Cass crim., 3 nov. 1988, B. 368 ; 13 mai 2014, B. 130), quel qu'en soit le mode. 3

Dans le mémoire qu'il avait produit devant la Cour de révision, l'avocat aux Conseils de la requérante, invoquant l'arrêt rendu par la Cour européenne le 21 septembre 2021 Willems et Gorjon c. Belgique (req. n° 74209/16), soutenait, à raison, qu'il n'appartenait pas à la Cour de révision de procéder à une nouvelle appréciation du grief adressé à la déclaration de non admission du pourvoi. 4

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ANALYSE SUCCINCTE DES MOYENS Le mémoire personnel5, paraissant signé de la demanderesse et parvenu au greffe de la Cour de cassation le 12 mai 2016, satisfait aux exigences énoncées aux articles 584 et 585 du code de procédure pénale. Il propose deux moyens de cassation.

Le premier, en sept branches et pris de la violation des articles 552 et 558 du code de procédure pénale, reproche d'abord à la cour d'appel de n'avoir pas vérifié d'office le respect des délais de délivrance de la citation à comparaître (1ère branche) et de la lettre recommandée ainsi que du formalisme de celle-ci et si elle précisait la nature de l'exploit déposé à l'étude d'huissier et l'urgence à le retirer (2ème, 4ème et 6ème branches) ni si la citation comportait l'indication de la chambre et de la salle d'audience (3ème branche). Il lui fait ensuite grief de n'avoir pas vérifié si la prévenue avait disposé du délai de dix jours prévu aux articles 552 et 558, dernier alinéa (5ème branche) ni si l'huissier avait accompli toutes diligences pour délivrer la citation à personne ou au domicile (7ème branche). Le second, en quatre branches et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 2 du protocole 7 additionnel à ladite Convention, invoque la violation des principes généraux du droit au procès équitable proclamé par ces textes quant au droit du prévenu à connaître le jugement ayant été rendu à son encontre (1 ère branche) et d'être entendu dans un délai raisonnable (2ème branche). Il lui fait en outre grief de l'absence de mention, dans l'avis envoyé par lettre recommandée, d'éléments concernant la nature de l'acte déposé à l'étude et des délais pour agir (3ème branche) et des modalités de calcul de délais de citation et de signification ne tenant pas compte de l'acheminement (4ème branche).

DISCUSSION - sur le premier moyen (citation de la prévenue) Selon les articles 551 et 552, la citation en vue de comparaître indique la juridiction saisie, le lieu, l'heure et la date de l'audience ainsi que la qualité de son destinataire. Pour une comparution devant la juridiction correctionnelle, elle doit être délivrée au moins dix jours avant l'audience à défaut de quoi, en l'absence de la partie citée, elle est déclarée nulle. En outre, les articles 555 à 557 prescrivent à l'huissier d'effectuer toutes diligences pour délivrer l'acte à la personne de son destinataire et, en l'absence de celui-ci, précisent qu'une copie est remise à un parent, allié, serviteur ou à une personne résidant au domicile, dont la qualité doit être mentionnée dans l'exploit. Lorsque l'acte a été remis à une personne présente au domicile, l'huissier adresse au destinataire soit une lettre recommandée avec avis de réception qui, une fois l'avis signé par le destinataire, produit les mêmes effets que si l'acte lui avait été remis, soit une lettre simple comprenant une copie de l'acte ainsi qu'un accuséréception qui, signé par le destinataire, vaut remise de l'acte à celui-ci. Enfin l'article 558 précise les diligences auxquelles l'huissier doit procéder lors de la tentative de remise de l'acte au domicile en l'absence du destinataire. L'examen des griefs énoncés au moyen rend nécessaire, après qu'eurent été rappelés le sens et la portée des dispositions de l'article 503-1 du code de procédure pénale concernant la déclaration d'adresse, d'envisager successivement la doctrine de la chambre criminelle concernant la portée des éventuelles irrégularités pouvant affecter la remise de la 5

Lorsqu'elle est saisie, en application des articles 626-3 et 626-4, aux fins de réexamen, la Cour de cassation statue en l'état des seuls mémoires déposés lors de l'examen initial de ce pourvoi, les mémoires ultérieurs sont irrecevables (Ass plén., 22 nov. 2002, 92-82.460 ; 4 oct. 2002, 93-81.533).

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citation puis le formalisme de la lettre recommandée avec accusé-réception prévue à l'article 558 précité. - sur la déclaration d'adresse L'article 503-1, issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, vise à rendre plus fréquentes les situations dans lesquelles la décision sera rendue contradictoirement à signifier, en limitant le nombre de celles jusqu'alors rendues par défaut du fait de manœuvres dilatoires. Ce texte, introduit par amendement parlementaire lors des débats, dans un souci de cohérence avec la modification intervenue aux articles 410, al. 2, et 411, n'a pas donné lieu à discussion. Et, saisie à trois reprises, de questions prioritaires de constitutionnalité sur celui-ci, la chambre criminelle ne les a pas renvoyées au Conseil faute de caractère sérieux6. L'adresse ainsi déclarée dans le contexte d'une instance judiciaire a valeur d'élection d'adresse, peu important qu'il s'agisse du domicile du prévenu ou de l'adresse à laquelle il réside habituellement, à preuve d'ailleurs que l'article 503-1 prévoit qu'il peut déclarer l'adresse d'un tiers avec l'accord de celui-ci. Mme la conseillère rapporteure écrit, à ce propos, que “la qualification d'arrêt contradictoire à signifier est attachée non à la connaissance effective de l'acte par l'appelant mais à la correcte exécution par l'huissier des diligences prévues aux alinéas 2 ou 4 de l'article 558, celle-ci faisant présumer de manière irréfragable, sauf cas de force majeure, cette connaissance effective par l'intéressé de la citation ou de la signification”. La loi a ainsi étendu le domaine de l'obligation de déclaration d'adresse, jusqu'alors prescrite à l'égard de la personne mise en examen renvoyée devant la juridiction de jugement CPP, art. 179-1- et du prévenu appelant d'un jugement correctionnel ou de police. Ceux-ci doivent déclarer une adresse personnelle et tout changement de celle-ci7 -par lettre recommandée avec accusé-réception-, à laquelle seront adressées les convocations, citations et significations ultérieures jusqu'au jugement définitif de l'affaire. A défaut, la décision rendue en l'absence du prévenu appelant est contradictoire à signifier lorsque celui-ci a été régulièrement cité à l'adresse déclarée lors de l'appel8 et que l'huissier a procédé aux formalités prévues à l'article 558. C'est ce que la chambre criminelle énonce depuis un arrêt du 2 mars 2011 rendu en formation plénière de chambre. Comme l'écrit Mme Maud Léna, rédactrice du fascicule au Répertoire Dalloz, cette doctrine “renvoie parfaitement à l'économie même du dispositif de la déclaration d'adresse, qui comprend justement une présomption d'exactitude de l'adresse déclarée par le prévenu”9. Commentant l'arrêt du 2 mars 2011, notre collègue le premier avocat général Didier Boccon-Gibod10 écrivait que “le prononcé d'un jugement par défaut doit être considéré comme un pis-aller permettant que la justice passe même à l'égard de personnes qui, volontairement ou non, font en sorte d'y échapper. Pour autant, il est normal, pour le respect du principe contradictoire, de prendre toutes les mesures qui permettront au prévenu d'être présent à son procès, ce qui aura pour effet de limiter le recours à la procédure de défaut. Telle est la 6

Cass crim., 1er mars 2011, 10-84.301 ; 5 mai 2021, 20-86.519 ; 21 avr. 2022, 21-86.170.

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La chambre criminelle a refusé de renvoyer, faute de caractère sérieux, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 503-1 et critiquant l'obligation de déclarer tout changement de l'adresse déclarée (Cass crim., 1er mars 2011, 10-84.301). 8

Cass crim., 2 oct. 2007, B. 232 ; 21 juin 2011, B. 142 (prévenu incarcéré, postérieurement à son appel, pour d'autres faits et qui n'a pas été extrait). 9

M. Léna, Répertoire Dalloz “Droit pénal et procédure pénale, citations et significations”, n° 80.

D. Boccon-Gibod “Appel : une jurisprudence enfin stabilisée pour l'article 503-1 du code de procédure pénale ?”, RSC 2012, p. 873. 10

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philosophie de l'article 503-1 du code de procédure pénale (...). Il reste cependant à regretter ce qui peut être encore considéré comme une lacune de la loi : si l'article 503-1 (...) présente le grand intérêt de fixer les conséquences de la déclaration d'adresse faite en même temps que l'appel, ou de l'absence d'une telle déclaration, il ne prévoit en revanche aucunement que ces éléments pourtant très importants seront portés à la connaissance de l'appelant, dont on peut penser qu'il n'a pas une parfaite maîtrise de ce point particulier de notre procédure”. C'est aussi l'analyse de Maud Léna, pour qui “la solution retenue en 2011 opère (...) un juste retour à l'esprit de l'article 503-1 (...) en n'obligeant pas l'huissier à vérifier l'adresse, elle tire les conséquences de la mauvaise foi ou des pratiques dilatoires des prévenus appelants. De l'autre, en exigeant néanmoins que les formalités de l'article 558, alinéas 2 et 4, soient accomplies, elle permet à ceux qui ont déclaré une adresse exacte d'être effectivement touchés”. - sur la citation aux fins de comparution La juridiction doit s'assurer, lorsque le prévenu n'est ni présent ni représenté, que cette situation ne résulte pas de l'absence ou de l'imprécision de certaines mentions de la citation, telles que celles-ci sont prévues à l'article 551. En cas d'irrégularité, il faut toutefois que celle-ci ait eu pour conséquence de porter une atteinte effective aux intérêts du prévenu. Si c'est le cas, la chambre censure, au visa de l'article 410, l'arrêt improprement qualifié de contradictoire à signifier. Celui-ci sera alors rendu par défaut, ouvrant la voie à une opposition11. Elle en a ainsi notamment jugé, à propos de l'indication de la chambre saisie de l'affaire, lorsque le prévenu, cité à deux dates différentes pour une audience devant se tenir le même jour et à la même heure devant deux chambres différentes de la même cour d'appel et qui était absent à l'audience, a été ainsi induit en erreur sur celle devant laquelle il devait comparaître et alors que cette formation l'a jugé en son absence12. En revanche, contrairement à ce que soutient la troisième branche du moyen, l'article 551 ne prévoit pas que la citation doit comporter l'indication de la salle d'audience. A propos de la remise de l'acte, selon une doctrine bien établie, lorsque, comme en l'espèce, il s'agit d'une citation à comparaître devant la cour d'appel, l'huissier qui la délivre à l'adresse qui a été déclarée par le prévenu appelant dans l'acte d'appel, conformément à l'article 503-1 du code de procédure pénale, est uniquement tenu d'effectuer les opérations prévues aux articles 555 à 558, al. 2 et 413. Ces textes prévoient qu'il doit effectuer toutes diligences pour remettre l'acte à son destinataire ou, en cas d'absence de celui-ci, à une personne présente au domicile et envoyer “sans délai” à celui-ci une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une lettre simple ou laisser sur place un avis de passage accompagné d'un récépissé à retourner signé, ce qu'il mentionne dans l'exploit14.

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On rappelle, mais le moyen ne discute pas ce point, que les dispositions relatives aux citations et significations, si elles se réfèrent au tribunal correctionnel et au tribunal de police, sont aussi applicables devant la cour d'appel, en vertu de l'article 512 du code de procédure pénale. 12

Cass. crim., 30 juin 1993, 93-80.556.

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Cass crim., 2 mars 2011, 10-81.945 ; 27 sept. 2011, 11-80.252 ; 25 oct. 2011, 11-81.692; 17 janv. 2021, 11-84.778 ; 14 févr. 2012, 11-83.556 ; 15 juin 2021, 20-84.271 ; 23 fév. 2022, 20-85.189 ; 6 avr. 2022, 21-83.849 ; 17 mai 2022, 21-81.377. Les prescriptions de l'article 556 dispensent l'huissier de rechercher le destinataire de l'acte lorsqu'une personne résidant au domicile a accepté de recevoir celui-ci (Cass. crim., 4 déc. 1996, 96-80.851 ; 16 janv. 2001, 00-84.472). 14

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En revanche, il n'a pas à vérifier que le prévenu appelant demeure effectivement à l'adresse indiquée par lui ou son avocat dans la déclaration d'appel15. Cette doctrine est en parfaite cohérence avec la lettre de l'article 503-1, dont la chambre criminelle considère qu'il établit une présomption de domiciliation du prévenu. L'accomplissement de ces formalités permet, d'une part à la cour d'appel de vérifier la régularité de sa saisine, et d'autre part à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur l‘accomplissement des formalités de remise de l'acte et de l'envoi de la lettre recommandée, la régularité de la saisine de la juridiction et la qualification de la décision rendue par celle-ci. Selon la formule figurant dans les arrêts de la chambre, la cour d'appel étant saisie par l'acte d'appel et non par la citation, la seule utilité de cette dernière est d'aviser les parties de la date à laquelle l'affaire sera appelée, et, à l'égard du prévenu, de mettre celui-ci en mesure de présenter sa défense à la date et à l'heure prévues devant la juridiction compétente16. Dès lors que ces formalités ont été accomplies17, la chambre criminelle juge que la citation est réputée faite à personne, peu important que le récépissé prévu à l'alinéa 4 de l'article 558 n'ait pas été retourné18 ou que la lettre recommandée n'ait pas été remise19. - sur la lettre recommandée avec accusé-réception Il ressort des termes de l'article 558, al. 4, que la lettre recommandée constitue une formalité extérieure à l'exploit et qu'elle n'a d'autre objet que de faire connaître à l'intéressé que cet acte a été remis à l'une des personnes visées par la loi. La doctrine de la chambre criminelle est en ce sens, qui considère que les éventuelles irrégularités pouvant affecter l'envoi ou la réception de la première n'entachent pas la régularité du second20. La dissociation ainsi opérée quant à la nature de ces deux actes est particulièrement importante, et nous aurons l'occasion d'y revenir lorsque les effets de ceux-ci seront examinés. Selon l'alinéa 2, la lettre recommandée -qui doit informer le destinataire qu'il doit retirer dans les plus brefs délais la copie de l'acte déposée à l'étude- doit être envoyée “sans délai”. A propos d'une signification, la chambre criminelle avait jugé -par trois arrêts anciens - qu'il n'avait pas été satisfait à l'obligation d'informer “sans délai” le destinataire par lettre recommandée lorsque celle-ci avait été expédiée trois jours21, a fortiori sept jours22, après la tentative de remise de l'acte. Puis par deux décisions plus récentes, elle a jugé qu'était régulier

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Cass crim., 14 févr. 2012, 11-83.556 ; 19 mars 2014, 13-81.850.

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Cass. crim., 5 janv. 1993, B. 4 ; 10 avr. 1995, B. 153.

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Rappelant qu'elles valent jusqu'à inscription de faux (Cass crim., 9 déc. 2008, 07-88.027).

18

Cass. crim., 5 oct. 2011, 10-88.851 ; 16 avr. 2019, 18-81.295 ; 14 nov. 2019, 18-86.102 ; 15 juin 2021, 20-84.271 ; en sens contraire mais isolé : Cass crim., 20 févr. 2019, 18-82.254. 19

Cass. crim., 5 oct. 2011, préc. ; 17 janv. 2012, 11-84.778.

20

Cass crim., 31 janv. 1990, 89-84.819 ; 6 nov. 1984, B. 334 ; 16 sept. 2009, 09-81.825.

21

Cass. crim., 28 juin 1990, B. 272 ; 13 déc. 1995, B. 382 ; 5 mai 1997, 96-83.603.

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Cass. crim., 26 sept. 1988, B. 323.

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l'envoi de la lettre recommandée le lendemain de la tentative de signification à personne23, et même trois jours après celle-ci24. Elle contrôle, même d'office, le respect de cette exigence25. Enfin, dans le dernier état de sa doctrine26, à propos d'une tentative de signification à domicile le 5 juin et de l'expédition de la lettre recommandée deux jours plus tard, pour écarter le moyen qui soutenait qu'il n'était pas justifié que l'huissier eut expédié cette missive “sans délai”, elle s'est uniquement attachée à retenir que “dès lors que l'huissier de justice avait effectué les diligences prévues par les alinéas 2 et 4 de l'article 558 (...) par l'envoi d'une lettre recommandée dont la date d'avis est du 7 juin 2018, peu important qu'elle n'ait pas été remise à son destinataire, la cour d'appel a justifié sa décision”. Ainsi, aux termes de ces deux arrêts des 4 mai 2011 et 3 décembre 2019, la chambre criminelle considère désormais que l'envoi de la lettre recommandée deux - voire trois - jours après la tentative de signification de la citation à personne est conforme à l'exigence d'un envoi de celle-ci “sans délai”, comme le prescrit l'article 558, al. 2. Dès lors, pour être régulièrement saisie, la cour d'appel doit vérifier que le délai entre la remise de la citation - en l'espèce dix jours - prévu à l'article 552 et la date de l'audience a été respecté, à défaut de quoi la citation est nulle27 et la juridiction non saisie, sauf si le prévenu, présent ou représenté à l'audience, a renoncé à se prévaloir de la nullité. Mais - ce qui est le cas dans la présente affaire et qu'ignorait la cour d'appel quand s'est tenue l'audience des débats le 20 janvier 2016- lorsque la lettre recommandée a été retirée, pour qu'elle puisse statuer par arrêt contradictoire à signifier en l'absence du prévenu non représenté, l'article 558, al. 6, prescrit qu'un délai de dix jours soit observé entre le jour où l'avis de réception est signé par le destinataire et celui de l'audience. A défaut, la citation ne produit pas les effets d'une citation remise à personne et, bien que régulièrement saisie, la cour d'appel doit statuer par défaut. Dans la présente affaire, les recherches effectuées dans les pièces de procédure n'ont pas permis d'établir la date à laquelle l'huissier avait expédié cette missive. On a uniquement la justification qu'elle a été retirée le 18 janvier 2016, soit l'avant-veille de l'audience. La chambre criminelle a jugé, par deux arrêts28, que le défaut de signature par l'intéressé de l'accusé-réception de la lettre recommandée dans le délai prescrit à l'article 558, al. 6, s'il n'affecte pas la validité de la saisine de la juridiction mais retire à la citation les effets d'un acte remis à personne, a pour conséquence que le prévenu devait être jugé par défaut. Cette doctrine nous parait conserver son actualité malgré l'introduction ultérieure, à l'article 503-1 par la loi du 9 mars 2004, de la formalité de la déclaration d'adresse. En effet, si ce texte instaure une présomption de domiciliation du prévenu à l'adresse qu'il a déclarée, et qu'il peut changer à tout moment à condition de respecter le formalisme prévu, il n'en reste pas moins que la lettre recommandée qui lui est adressée a un autre objet : l'aviser qu'il doit sans tarder aller retirer l'acte à l'étude d'huissier de manière que, en ayant connaissance, il puisse ainsi utilement préparer sa défense en vue de l'audience dont il a désormais la date. C'est la 23

Cass crim., 21 nov. 1996, 96-80.893 ; 8 déc. 2015, 15-80.193.

24

Cass crim., 4 mai 2011, 10-86.710.

25

Cass. crim., 14 févr. 1978, B. 55.

26

Cass crim., 3 déc. 2019, 18-86.607.

27

Cass crim., 1er oct. 1999, 99-82.466 ; 14 avr. 2010, 09-85.105 ; 16 févr. 2021, 19-87.669.

28

Cass crim., 31 janv. 1990, 89-84.819 ; 18 fév. 1980, 78-90.346.

7

raison pour laquelle l'article 558, al. 6, prévoit, pour que la citation produise les effets d'une remise à personne, que le délai prescrit à l'article 552 -soit dix jours en l'espèce - devra être observé entre le jour où la lettre recommandée est retirée et le jour de l'audience. D'ailleurs, pour écarter un moyen qui reprochait à la cour d'appel de n'avoir pas précisé la date à laquelle l'huissier avait expédié la lettre recommandée, la chambre a jugé qu'il résultait de la signature par l'intéressé de l'avis de réception de celle-ci qu'il avait été informé plus de quatre mois avant le jour fixé pour sa comparution devant la cour d'appel29, indiquant, par cette incise, qu'elle contrôle le respect du délai de dix jours énoncé à l'article 558, al. 6. Ainsi et en résumé, par l'application combinée des dispositions des articles 558 et 503-1, afin d'éviter que, de manière dilatoire, le destinataire de la citation auquel celle-ci n'a pas été signifiée ne retire pas le pli recommandé la chambre criminelle juge que le défaut de retour de l'accusé réception, ou même l'absence de retrait de la lettre recommandée par son destinataire, n'empêchent pas la juridiction de statuer par décision contradictoire à signifier, dès lors toutefois que les formalités prescrites à l'article 558, al. 2 et 4, ont été observées, à savoir que la citation a été délivrée à l'adresse déclarée conformément à l'article 503-1. En revanche, lorsque la lettre recommandée a été retirée mais que l'accusé-réception est signé moins de dix jours avant la date de l'audience, la cour d'appel est régulièrement saisie mais elle doit statuer par défaut et le pourvoi formé contre la décision improprement qualifiée de contradictoire à signifier est irrecevable puisque l'opposition reste alors ouverte. C'est très exactement ce que la chambre criminelle a jugé à nouveau, plus récemment, dans une configuration identique à celle du présent pourvoi, sous la réserve que, dans l'affaire considérée, la décision attaquée étant un jugement du tribunal de police, les prescriptions résultant de la déclaration d'adresse n'étaient pas applicables30. Même si cette unique décision concerne une juridiction de première instance, on peine cependant à voir en quoi, devant la cour d'appel, l'article 503-1 ferait obstacle à la transposition de cette doctrine. En effet, l'exigence prévue par ce texte est sans effet sur celle, visée à l'article 6.3, b), de la Convention européenne des droits de l'homme, selon laquelle le prévenu doit pouvoir disposer, avant l'audience, d'un délai suffisant pour préparer sa défense Interpréter cette décision autrement nous semblerait procéder d'une confusion entre, d'une part les effets attachés à la déclaration d'adresse quant à la régularité de la domiciliation du prévenu, d'autre part l'exigence, résultant de l'alinéa 6 de l'article 558, de permettre à celuici de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. En outre, si, depuis l'introduction de la formalité de la déclaration d'adresse, la chambre criminelle, en cohérence avec la présomption de domiciliation qui s'attache à celle-ci, exige uniquement que l'huissier doit procéder aux vérifications prescrites aux alinéas 2 et 4 de l'article 558, elle n'a, en revanche, jamais jugé que cette formalité exclurait le délai prévu au sixième alinéa de ce texte, dont la raison d'être est différente. Dès lors, même si les deux précédents arrêts des 31 janvier 1990 et 18 février 198031 ont été rendus antérieurement à l'introduction de la formalité de la déclaration d'adresse, prévue à l'article 503-1, on peine cependant à imaginer en quoi cette formalité serait de nature à modifier la doctrine qu'ils énoncent.

29

Cass crim., 4 avr. 2001, 00-85.164.

30

Cass crim., 16 sept. 2009, 09-81.825.

31

Cf. note 28.

8

Enfin, les mentions de l'arrêt selon lesquelles le prévenu, cité à domicile, a signé l'avis de réception de la lettre recommandée sont de l'appréciation souveraine de la cour d'appel32. Au cas présent, l'Assemblée plénière est en mesure de s'assurer que la déclaration d'appel, datée du 17 mai 2013 et signée de l'avocat de la prévenue, indique comme adresse “[Adresse 2][Localité 1]”. Celle-ci est reprise par l'arrêt et figurait déjà dans le jugement. Elle est aussi en mesure de vérifier, par l'examen des pièces de procédure soumises à son contrôle dans le cours du pourvoi, en premier lieu que le 8 janvier 2016 -soit douze jours avant l'audience du 20 janvier-, l'huissier a tenté de remettre la citation à cette adresse et, dans l'acte qu'il a établi, a coché la mention pré-imprimée selon laquelle n'ayant trouvé personne au domicile, il a déposé celle-ci en son étude et procédé à l'envoi de l'avis de signification “dans le délai imparti”. Puis, après avoir reçu plusieurs rappels du procureur général l'enjoignant de signifier l'acte - après qu'il avait retourné celui-ci, le 16 décembre 2015, en indiquant “qu'il est impossible de délivrer l'acte à une boîte postale”-, il a renvoyé au parquet général -où elle a été reçue le 15 janvier 2016, soit cinq jours avant l'audience - la justification précitée de la tentative de signification à domicile -en réalité, ne pouvant procéder autrement, à l'adresse déclarée- et du dépôt de l'acte en son étude. En deuxième lieu, l'examen de l'avis d'envoi de la lettre recommandée figurant au dossier ne permet pas d'établir la date à laquelle celle-ci a été expédiée. Seule la date de son retrait par la prévenue -le 18 janvier, soit l'avant-veille de l'audience - apparaît lisiblement et, de manière difficilement lisible, celle à laquelle la Poste a renvoyé cet accusé-réception à l'expéditeur, qui pourrait être le 18 janvier 2016, ce qui est toutefois indifférent à la procédure. En troisième lieu, l'examen de ce bordereau permet de relever, sans équivoque, que celui-ci est signé de la demanderesse au pourvoi33. Toutefois, le même jour -18 janvier 2016- l'avocat de celle-ci avait indiqué, par lettre adressée par télécopie au président de la chambre correctionnelle, que s'il avait reçu l'avis en vue de cette audience, n'ayant reçu aucun mandat de sa cliente ni n'ayant le moyen d'entrer en relation avec celle-ci -?- il n'avait dès lors pas mandat de la représenter à l'audience34. Ce n'est cependant que le 11 février 2016 -soit trois semaines après la date de l'audience - que l'huissier a retourné cet accusé-réception. Ce courrier a été reçu à la cour d'appel le 16 février 2016 au service de l'audiencement et le lendemain -17 février- au greffe de la 7ème chambre devant laquelle l'affaire était pendante -soit l'avant-veille du prononcé de la décision-. C'est donc à cette dernière date que la cour d'appel a été utilement informée que la prévenue avait retiré la lettre recommandée alors qu'était expiré le délai prescrit à l'article 558, al. 6, ce que les juges ne pouvaient qu'ignorer jusqu'alors du fait de la carence -voire de la négligence- de l'huissier dans la ré-expédition de cet avis. Aucune pièce de procédure ni mention de l'arrêt ne permet toutefois d'établir que les magistrats ayant composé la formation correctionnelle aient eu connaissance de cette pièce lorsqu'ils ont rendu leur décision. ****** Une option s'ouvre dès lors à l'Assemblée plénière :

32

Cass. crim., 7 mai 1985, B. 173 ; 9 mars 1987, 86-96.487 ; 4 avr. 2001,00-85.164 ; de même lorsque la juridiction a estimé que la signature n'est pas du prévenu (Cass. crim., 7 mai 2014, 13-87.322). 33

Il suffit de comparer celle-ci avec celle apposée sur le mémoire personnel.

34

On peine à imaginer que la demanderesse soit la rédactrice du mémoire personnel exposant ses moyens de cassation, d'autant que la présentation et la police de caractère utilisées pour sa rédaction présentent des similitudes avec celles des courriers adressés, à la même époque, par son avocat.

9

- Soit elle s'en tient à la doctrine bien établie de la chambre criminelle selon laquelle il était indifférent que, lorsqu'elle a statué, la cour d'appel n'eut pas été en possession du récépissé prévu à l'alinéa 4 de l'article 558. Elle énoncera, comme celle-ci l'a fait dans son arrêt du 3 décembre 2019, que le formalisme de l'envoi de la lettre recommandée ayant été respecté et la citation ayant été délivrée selon les prescriptions de l'article 558, la cour d'appel était régulièrement saisie de l'affaire et, à bon droit, a statué par arrêt contradictoire à signifier. Néanmoins, contrairement à la situation ayant donné lieu à l'arrêt du 3 décembre 2019, où la Cour de cassation était en mesure de s'assurer de la date d'envoi de la lettre recommandée, dans la présente affaire cette date ne peut être établie au vu des pièces de procédure, ce qui rendrait alors nécessaire d'éluder également l'exigence, prescrite à l'alinéa 4, selon laquelle celle-ci a été expédiée “sans délai”. En outre, la Cour de cassation est désormais en possession de l'accusé-réception, signé de la prévenue, qui établit que celle-ci a retiré la lettre recommandée une fois expiré le délai de dix jours prescrit à l'article 558, al. 6, situation qui empêchait la cour d'appel de statuer par arrêt contradictoire à signifier et lui imposait de statuer par arrêt rendu par défaut, ce dont la demanderesse se fait un moyen. - Soit, de l'analyse des pièces de procédure soumises à son examen, et dès lors qu'elle n'a pas la certitude que la cour d'appel était en possession de l'accusé-réception de la lettre recommandée, du fait du retard apporté par l'huissier à renvoyer celui-ci, elle s'en tient au constat que, ne disposant pas de la preuve de la date d'envoi de la lettre recommandée, elle ne peut ainsi vérifier que celle-ci a été expédiée “sans délai” comme prescrit à l'article 558, al. 2. Ce n'est qu'à titre superfétatoire, au vu de l'accusé-réception qui figure désormais à la procédure, qu'elle relèvera que celle-ci ayant été retirée moins de dix jours avant la date de l'audience, cette situation, si elle n'affecte pas la régularité de la citation, empêchait en revanche celle-ci de produire les effets d'un acte remis à la personne de la prévenue et que la cour d'appel aurait alors dû statuer par arrêt rendu par défaut. Dans ce cas, plutôt que d'annuler35 l'arrêt de la cour d'appel, elle pourra retenir que n'est pas uniquement en cause la nature de l'arrêt rendu36 mais la violation de la loi résultant de la méconnaissance des prescriptions énoncées aux alinéas 2 et 6 de l'article 558, et dès lors, censurer celui-ci. C'est finalement cette solution qu'il est proposé à l'Assemblée plénière d'adopter. Pour statuer par décision contradictoire à signifier à l'égard de la prévenue, l'arrêt attaqué s'est limité à relever (p. 4 et 7) que celle-ci avait été citée à l'adresse déclarée par acte d'huissier de justice déposé à l'étude et qu'elle n'a pas comparu ni n'était représentée. Aucune mention de l'arrêt ne fait ainsi référence à l'exigence de l'envoi d'une lettre recommandée et, a fortiori, à l'absence de retour de l'accusé-réception de celle-ci, ce qui, s'il n'y avait que cela et sur ce seul dernier point, serait en cohérence avec la doctrine de la chambre criminelle. Cependant, à l'inverse de la cour d'appel, la Cour de cassation dispose de cet accusé-réception. Pas davantage qu'aucune autre pièce de procédure, celui-ci ne permet de vérifier la date à laquelle celle-ci a été expédiée et qu'elle l'a été sans délai. Il révèle en revanche qu'elle a été retirée après expiration du délai prescrit à l'article 558, al. 6. Dès lors que la prévenue n'a pas comparu ni n'était représentée à l'audience, le dépôt de la citation en l'étude, après remise à l'adresse déclarée constituée d'une boîte

35

Dans leur traité “La cassation en matière pénale”, MM. Jacques et Louis Boré visent uniquement (n° 143.07) comme motif d'annulation celui tiré de l'intervention, postérieurement à la décision attaquée, d'une disposition légale venant priver rétroactivement celle-ci de son fondement légal. Bien que n'évoquant pas d'annulation prononcée pour des motifs de fait, ils écrivent néanmoins que “la chambre criminelle a cependant prononcé parfois des annulations peu orthodoxes, alors même que la décision annulée avait violé un principe de droit qui existait au jour de son prononcé”. 36

Ce qui aurait pour conséquence que le pourvoi serait irrecevable (Cass crim. 15 mai 1997, B. 186 ; 10 mars 1999, 98-82.778).

10

postale, n'a donc pu avoir les effets d'une signification à personne. C'est ainsi doublement à tort que la cour d'appel a considéré qu'elle pouvait statuer par arrêt contradictoire à signifier. Aucune mention de l'arrêt ni pièce de procédure ne permet d'établir que la cour d'appel était en possession de cet accusé-réception. En cet état, l'arrêt était donc en conformité avec la doctrine de la chambre criminelle, qui est parvenue à établir un équilibre entre la sécurité juridique des procédures, qui ne peut être tributaire d'éventuelles manœuvres dilatoires des prévenus, et la nécessité de garantir les droits de ceux-ci, et elle doit donc être préservée. Néanmoins, à hauteur de cassation, la Cour est désormais en mesure d'établir que la prévenue, du fait que c'est seulement l'avant-veille de l'audience qu'elle a retiré la lettre recommandée l'informant qu'elle devait se rendre à l'étude de l'huissier pour y retirer une citation relative à une audience devant se tenir deux jours plus tard, ne se trouvait plus alors dans le délai prescrit à l'alinéa 6 de l'article 558 pour préparer utilement sa défense en vue de sa comparution, ce qui constitue la raison d'être de cette disposition. On pourra certes objecter, dès lors qu'elle avait interjeté appel du jugement l'ayant condamnée, qu'il lui appartenait de prendre ses dispositions pour relever la boîte postale qu'elle avait fait le choix d'indiquer comme étant son adresse déclarée, afin d'être en mesure de connaître la date de l'audience devant la cour d'appel sitôt que celle-ci aurait été fixée. Toutefois, outre que le législateur n'a pas prévu que l'adresse déclarée doive correspondre à une domiciliation physique, il convient d'observer que, dans la présente affaire, il s'est écoulé un délai de presque trois années entre la date du jugement et celle de l'audience devant la cour d'appel, ce dont il ne peut être fait grief à quiconque. On peut enfin ajouter qu'il n'entrait pas dans l'office de la Cour européenne des droits de l'homme d'analyser dans le détail les arcanes de la législation interne concernant les règles de citation d'un prévenu à l'audience correctionnelle ni l'évolution subtile de la doctrine de la chambre criminelle au regard de la portée que celle-ci a entendu donner à la formalité de la déclaration d'adresse37. Il peut, dès lors, paraître délicat, après que les juges européens eurent considéré qu'en l'espèce les modalités de signification de l'arrêt de la cour d'appel avaient eu pour effet de porter atteinte au droit de la demanderesse d'accéder à la Cour de cassation, que l'Assemblée plénière, par un moyen relevé d'office, retienne finalement que le pourvoi était irrecevable -non pas comme étant tardif, comme la chambre criminelle l'avait jugé dans un premier temps mais comme étant prématuré- du fait qu'en l'état l'arrêt ne pourrait être attaqué que par la seule voie de l'opposition. Il convient donc d'examiner sans plus tarder les griefs formulés par le premier moyen. S'agissant, en premier lieu, de ceux qui ne semblent pas pouvoir être admis, il s'agit d'abord des critiques énoncées aux première et sixième branches, qui manquent en fait. De même, celui formulé à la troisième branche est dénué de caractère sérieux. Une doctrine constante de la chambre criminelle énonce que la cour d'appel est saisie par l'acte d'appel et que la citation à comparaître délivrée aux parties a pour seul effet de les informer de la date à laquelle l'affaire sera appelée38. Cet acte n'est ainsi pas soumis aux prescriptions de l'article 551, al. 2, du code de procédure pénale. En outre, aux termes de l'alinéa 3 de ce texte, la citation indique “le tribunal saisi, le lieu, l'heure et la date de l'audience, et précise la qualité de prévenu, de civilement responsable, ou de témoin de la personne citée”. Il n'est pas prévu qu'elle doive en outre préciser le numéro de la chambre devant laquelle l'affaire sera appelée ni, a fortiori, la salle dans laquelle l'audience se tiendra.

37

CEDH, 25 janv. 2000 Miragall Escolano et a. c. Espagne, req. n° 38366/9 ; 10 janv. 2006 Gruais et Bousquet c. France, req. n° 67881/01 ; 11 avr. 2006 Brechos c. Grèce, req. n° 7632/04. 38

Cass crim., 5 janv. 1993, 91-86.921.

11

Au cas présent, l'Assemblée plénière est en mesure de s'assurer, par l'examen de la citation à comparaître soumise à son contrôle, que celle-ci contient l'indication de la juridiction saisie, du lieu, de la date et de l'heure à laquelle l'affaire sera appelée ainsi que de l'objet de l'audience, à savoir “voir statuer sur l'appel interjeté”. Enfin, celui énoncé par la septième branche est inopérant. La prévenue ayant fait le choix d'une boîte postale comme adresse déclarée en application de l'article 503-1 du code de procédure pénale, elle ne peut dès lors prétendre que l'huissier aurait dû tenter de remettre la citation à l'une des personnes visées à l'article 556 -parent, allié, serviteur ou personne résidant au domicile- ni même d'ailleurs à un employé de La poste, qui n'a pas qualité pour recevoir des plis au nom du titulaire d'une boîte postale. Du seul fait de la nature de la domiciliation choisie par la prévenue comme adresse déclarée, l'huissier ne pouvait que se heurter à une impossibilité matérielle absolue de procéder aux vérifications qui lui incombaient. En revanche et en second lieu, les griefs énoncés par les deuxième et quatrième branches d'une part, la cinquième branche d'autre part, semblent davantage sérieux. La deuxième branche du moyen formule en réalité deux griefs distincts : l'un tient à l'expédition de la lettre recommandée qui n'aurait pas été effectuée “dans les conditions légales de délai et de forme” -selon la formulation du mémoire-, ce qui correspond aussi au reproche énoncé par la quatrième branche ; l'autre tient à l'absence de précision, dans la lettre recommandée, de la nature de l'acte qui avait été déposé en étude d'huissier. On écartera néanmoins ce dernier reproche, dès lors qu'aux termes de l'article 558, al. 2, c'est uniquement “si l'exploit est une signification de jugement rendu par itératif défaut (que) la lettre recommandée mentionne la nature de l'acte signifié et le délai d'appel”. Il n'est pas discuté que tel n'était pas le cas de l'acte concerné en l'espèce. Toutefois, le grief tenant à la circonstance que la lettre recommandée n'a pas été expédiée sans délai est plus délicat. Au cas présent, l'acte, daté du 8 janvier 2016 et concernant la délivrance de la citation à l'adresse déclarée, mentionne que “la copie du présent acte a été déposée en notre étude. L'avis de signification prévu à l'article 558 du code de procédure pénale a été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception ou un avis de passage ayant été laissé ce jour à votre domicile, une lettre simple vous a été adressée accompagnée d'un récépissé à réexpédier ou à déposer à l'étude, dans le délai imparti, conformément à la loi”. Une telle mention, qui se borne en réalité à reprendre les options figurant aux alinéas 2 et 4 de l'article 558, ne permet pas de déterminer si l'huissier a adressé une lettre recommandée ou une lettre simple ou même laissé un avis de passage. On sait désormais que c'est la première formule qui a été employée. Mais, outre qu'elle ne précise pas la diligence qui a été réellement accomplie par l'huissier, surtout aucune indication ne permet de vérifier la date à laquelle cette lettre recommandée a été expédiée, et donc si elle l'a été “sans délai” comme prescrit à l'alinéa 2, puisqu'il est uniquement indiqué que “l'avis de signification” a été expédié dans le “délai imparti, conformément à la loi” et cette incertitude n'est toujours pas levée à hauteur de cassation. Or, ainsi qu'on l'a rappelé, si la chambre criminelle a jugé qu'un envoi trois jours après le dépôt de l'acte à l'étude respectait l'exigence d'une expédition “sans délai”, c'est parce qu'elle disposait de la date de celle-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En revanche, un ancien arrêt s'était satisfait de la mention selon laquelle “la lettre recommandée avec AR prévue par l'article 557 du code de procédure pénale a été adressée dans le délai imparti par ledit article conformément à la loi”39.

39

Cass crim., 6 nov. 1984, 83-93.301.

12

Toutefois, très récemment40, elle a jugé régulière la mention selon laquelle “l'avis de signification prévu à l'article 558 du code de procédure pénale a été adressé à l'intéressée par lettre recommandée avec accusé de réception, ou qu'un avis de passage ayant été laissé au domicile de l'appelante, une lettre simple a été adressée à cette dernière accompagnée d'un récépissé à réexpédier ou à déposer à l'étude, dans le délai imparti, conformément à la loi”. Mais dans cette affaire, si les mentions de la citation laissaient incertain le point de connaître les diligences, au sens de l'article 558, al. 2 et 4, ayant été réellement accomplies par l'huissier, il se déduisait cependant d'une précision apportée par l'arrêt attaqué41 que cet officier ministériel avait procédé à l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception prévue à l'article 558, al. 2. De prime abord, cette situation pourrait finalement sembler assez proche de celle concernée par la présente affaire, à la différence que c'est devant la Cour de cassation qu'il est établi que, nonobstant l'imprécision de la mention portée par l'huissier, c'est bien une lettre recommandée que celui-ci a expédiée à la prévenue. Elle s'en distingue cependant en ce que, contrairement à ce qui est le cas du présent pourvoi, la date d'accomplissement de cette formalité -l'envoi de la lettre recommandée- n'était alors pas critiquée. En outre, lorsque, comme en l'espèce, elle l'est, la chambre criminelle l'écarte en relevant que la lettre recommandée a été reçue dans le délai prescrit à l'article 558, al. 6 42, ce qu'elle ne peut faire en l'espèce. Il s'ensuit qu'en l'absence d'indication sur la date à laquelle cette lettre recommandée a été expédiée, l'Assemblée plénière n'est pas en mesure de vérifier que cette formalité a été accomplie conformément aux prescriptions énoncées à l'article 558, al. 2, précité et que l'arrêt encourt, dès lors, la censure, pour ce premier motif, sur la quatrième branche du moyen. La cinquième branche du moyen fait grief à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si la prévenue avait disposé du délai de dix jours -prévu par les articles 552 et 558, dernier alinéa- pour préparer sa défense, à compter de la présentation le 18 janvier 2016 de la lettre recommandée expédiée par l'huissier. Sous ce regard, la question apparaît inédite. L'article 558, al. 6, prévoit que “si l'exploit est une citation à comparaître, il ne pourra produire les effets (d'une citation à personne) que si le délai entre, d'une part, le jour où l'avis de réception est signé par l'intéressé (...) et, d'autre part, le jour indiqué, pour la comparution devant le tribunal (...)43 est au moins égal à celui fixé (...) par l'article 552". Pour les raisons qui ont déjà été indiquées, on se limitera à rappeler à ce propos, d'une part que cette prescription vise, en cohérence avec l'article 6.3, b), de la Convention européenne des droits de l'homme, à permettre au prévenu de disposer, avant l'audience, d'un délai suffisant pour préparer sa défense, et d'autre part qu'une telle exigence est indépendante de la formalité de la déclaration d'adresse et de la présomption de domiciliation qui s'attache à celle-ci.

40

Cass crim., 17 mai 2022, 21-81.377.

La précision était la suivante : “Citée à son adresse déclarée en vertu des dispositions de l'article 503-1 du code de procédure pénale, (la prévenue) n'a pas signé l'accusé de réception de la lettre recommandée prévue par les dispositions légales, et ne comparaît pas”. 41

42

Cf. l'arrêt précité du 4 avril 2001 (note 29).

43

L'article 512 CPP prévoit que ces règles sont applicables devant la cour d'appel.

13

Il s'ensuit que la cassation semble aussi encourue sur la cinquième branche du moyen.

- sur le deuxième moyen En préambule à l'examen de ce moyen, il semble utile de rappeler que la prévenue et son avocat, bien qu'informés l'un et l'autre de la date de l'audience, ne s'y sont pas présentés et se sont abstenus de solliciter le renvoi à une audience ultérieure. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui proclame les exigences du droit au procès équitable, stipule notamment que 1. toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, et que 3. tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. S'agissant de la durée raisonnable de la procédure -objet des première et troisième branches du moyen-, étant rappelé que la Cour européenne apprécie une éventuelle durée excessive de celle-ci au regard de l'intégralité de la procédure et non de chacune de ses phases successives et qu'elle prend en considération, à cette fin, l'ensemble des éléments de la procédure -en particulier la complexité de l'affaire-, les données figurant dans le Guide de jurisprudence sur l'article 6, édité par la Cour européenne, correspondent à des durées ayant très largement excédé celle générée par le traitement judiciaire de la présente procédure, à propos de laquelle on rappellera qu'il s'est écoulé une durée de 3 ans, 3 mois et 13 jours entre la remise de la convocation par officier ou agent de police judiciaire -le 6 novembre 2012- et l'arrêt de la cour d'appel -le 19 février 2016. Concernant l'allégation, formulée par la deuxième branche et que le mémoire ne justifie pas plus avant, selon laquelle ni la prévenue ni son avocat n'auraient eu connaissance du jugement avant l'audience de la cour d'appel -à laquelle on rappellera qu'ils ne se sont présentés ni l'un ni l'autre, ne serait-ce que pour demander un renvoi-, la Cour européenne, dans les rares décisions qu'elle a rendues à ce propos44, retient une violation de l'article 6.3 uniquement lorsque c'est parce que la personne soumise à une accusation pénale n'avait pu connaître les arguments ayant fondé la déclaration de culpabilité prononcée contre qu'elle s'est trouvée privée du droit d'exercer un recours. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. En outre, il doit être relevé, à ce sujet, que la Cour européenne exerce un contrôle qu'un commentateur autorisé45 a pu qualifier de “modéré” sur la motivation des décisions des juridictions internes et qu'elle adapte sa jurisprudence aux particularités de chaque système juridique. Elle considère, d'une part que l'obligation de motivation demeure un attribut relevant de la compétence du juge national, et d'autre part que l'étendue du devoir de motivation peut varier selon la nature de la décision et doit s'analyser à la lumière des circonstances de l'espèce46. C'est ainsi, par exemple, que dans l'arrêt précité Zoon c. Pays-Bas, elle a écarté la violation de l'article 6.3 en retenant que le requérant avait pu disposer d'un jugement rendu en forme abrégée avant de former son recours et que les preuves figuraient au dossier et avaient été auparavant produites à l'audience devant le tribunal. Enfin, à propos du grief formulé par la cinquième branche du moyen et tenant à la brièveté du délai de citation par rapport à la date de l'audience, la Cour européenne énonce, 44

CEDH, 16 déc. 2012 Hadjianastassiou c. Grèce, req. n° 12945/87 ; 7 déc. 2000 Zoon c. Pays-Bas ; 24 juill. 2007 Baucher c. France, req. n° 53640/00. . Patrick Titiun “Du contrôle de la Cour européenne des droits de l'homme sur la motivation des décisions internes”, Mélanges R. Ryssdal, Carl Heymanns Verlag KG, 2000, pp. 1403-1408. 45

46

CEDH,9 déc. 1994 Ruiz Torija c. Espagne, req. n° 18390/92.

14

sur le fondement de l'article 6.3, que la personne soumise à une accusation en matière pénale doit pouvoir demander l'ajournement ou le renvoi de l'audience si elle considère que la brièveté de ce délai ne l'a pas mis en mesure de préparer sa défense47. Il sera, une nouvelle fois, rappelé qu'en l'espèce la prévenue s'est abstenue de présenter une telle requête. Il s'ensuit que le moyen, dont la quatrième branche se fonde uniquement sur de simples allégations de la demanderesse, semble pouvoir être écarté en chacune de ses autres branches.

PROPOSITION Je conclus, en conséquence, à la cassation de l'arrêt sur les quatrième et cinquième branches du premier moyen.

47

CEDH, 28 juin 1984 Campbell et Fell c. Royaume-Uni, req. n° 7819/77 et 7878/77 ; 5 sept. 2006 Bäckström et Andersson c. Suède, req. n° 67930/01 ; 5 mars 2003 Craxi c. Italie, req. n° 34896/97. 15

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