MOTIFS ET DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'
article 954 du Code de procédure civile🏛 « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions au sens des
articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile🏛🏛🏛 en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
En vertu de l'article 990 D du CGI, alinéa 1, 'les entités juridiques : personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables qui, directement ou par entité interposée, possèdent un ou plusieurs immeubles situés en France ou sont titulaires de droits réels portant sur ces biens sont redevables d'une taxe annuelle égale à 3 % de la valeur vénale de ces immeubles ou droits'. Une exonération est cependant prévue par l'
article 990 E du même code🏛 pour la personne morale de droit étranger dont le pays a conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion : la personne morale concernée doit établir annuellement une déclaration contenant la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse de ses associés à la même date, outre le nombre des actions ou parts détenues par chacun d'eux, déclaration lui permettant d'obtenir cette exonération avant le 15 mai de l'année d'imposition.
La société Oryx Services, société de droit suisse, possède en Savoie, un bien immobilier et a fait la déclaration susvisée pour les années 2008 à 2013, mais l'administration des finances publiques a estimé que les informations communiquées n'étaient pas suffisantes pour établir la propriété des actions de la société. Pour les années 2014 à 2016, la société Oryx Services n'a pas fait de déclaration dans les délais, malgré une première mise en demeure pour l'année 2014 d'avoir à régulariser dans le délai de 30 jours (BOI 7Q1-08) et ses déclarations pour 2015 et 2016 l'ont été tardivement.
Pour contester la procédure de taxation, la société Oryx Services soulève la nullité de la procédure pour violation d'une garantie substantielle.
I - Sur la validité de la procédure de taxation
La société Oryx Services rappelle qu'elle a été dissoute par un jugement suisse en date du 24 novembre 1998, son liquidateur étant M. [H] [F] et radiée du registre du commerce suisse le 3 janvier 2011 et elle soutient que ses droits ont été violés d'une part, parce qu'après le prononcé de la liquidation, les actes n'ont pas été adressés au liquidateur, M. [H] [F], seul habilité à la représenter, d'autre part, parce qu'après sa radiation, elle avait perdu sa personnalité juridique sauf à redemander sa réinscription au registre du commerce, formalité à laquelle l'administration des finances publiques n'avait pas procédée.
Il y a lieu de souligner que dans ses dernières écritures, qui seules, lient la cour, elle ne demande pas la nullité des actes de procédure fiscale pour la procédure d'imposition de la taxe de 3 % au titre des années 2014 à 2016, ni par voie de conséquence, le prononcé du dégrèvement de la taxe au titre de ces années 2014 à 2016.
Par ailleurs, il convient de préciser que la problématique du droit applicable pour apprécier la situation de la société Oryx Services au moment de la procédure fiscale n'est plus soulevée devant la cour, les parties ne contestant pas que seul le droit suisse est applicable, comme l'avait d'ailleurs pertinemment retenu le premier juge.
Il résulte des pièces versées aux débats, plus particulièrement des décisions suisses et du registre du commerce au 23 janvier 2019, la situation suivante :
- créée en 1990, avec pour activité l'importation, l'exportation, le commerce de marchandises et matières premières, la société Oryx Services, société anonyme, a été dissoute par jugement du tribunal de première instance en date du 24 novembre 1998 (décision non produite) ce qui signifie selon l'article 738 du code des obligations suisse qu' 'elle entre en liquidation (sauf cas particuliers) avec pour seul objet sa liquidation et M. [H] [F] a succédé le 5 avril 2002 en qualité de liquidateur à un certain M. [K] [G].
Sur les pouvoirs du liquidateur, l'article 743 du code des obligations suisse prévoit que ' 1 Les liquidateurs terminent les affaires courantes, recouvrent, au besoin, les versements non encore opérés sur les actions, réalisent l'actif et exécutent les engagements de la société, à moins qu'il ne ressorte du bilan et de l'appel aux créanciers que l'actif ne couvre plus les dettes.
2 Si l'actif ne couvre plus les dettes, ils en informent le tribunal. Celui ci déclare la faillite.
3 Ils représentent la société pour les actes nécessités par la liquidation; ils peuvent plaider, transiger, compromettre et même, en tant que de besoin, entreprendre de nouvelles opérations.
4 Sauf décision contraire de l'assemblée générale, les liquidateurs peuvent aussi vendre des actifs de gré à gré.
5 Lorsque la liquidation se prolonge, les liquidateurs sont tenus de dresser des bilans annuels intérimaires.
6 La société répond des actes illicites commis par les liquidateurs dans l'exercice de leurs fonctions'.
- la société a été radiée d'office le 3 janvier 2011, décision publiée le 7 janvier 2011 en application de l'article 155 al 3 de l'ordonnance sur le registre du commerce , personne n'ayant fait valoir un intérêt au maintien de l'inscription. Ainsi, ce n'est pas le liquidateur qui a sollicité la radiation de la société, au motif que la liquidation aurait été terminée. En effet, l'article 746 du code des obligations suisse spécifie : 'Après la fin de la liquidation, les liquidateurs sont tenus d'aviser le préposé au registre du commerce que la raison sociale est éteinte'.
- la société a été réinscrite au registre du commerce suite à la décision du tribunal de première instance du canton de Genève en date du 27 juin 2019, décision inscrite le 9 juillet 2019 et publiée le 12 juillet 2019 et M. [H] [F] a été inscrit comme liquidateur.
Ainsi, entre le 7 janvier 2011 et le 27 juin 2019, la société Oryx Services n'avait plus a priori d'existence juridique. Toutefois, la société Oryx Services ne démontre pas que sa liquidation était terminée d'autant que l'ensemble de ses actifs n'était pas liquidé, puisqu'elle était toujours propriétaire du bien situé à [Adresse 2], comme elle ne démontre pas qu'elle n'était pas valablement représentée par M. [H] [F], puisqu'il n'est pas indiqué si la radiation d'office emporte de facto la cessation des fonctions du liquidateur alors que la liquidation n'est pas terminée. Il peut en effet être légitime de s'interroger sur l'effet de la radiation d'une société anonyme du registre du commerce suisse : si cette radiation a un effet déclaratif, la société cesse d'exister à partir du moment où la liquidation est effective (avant ou après la radiation), la radiation lui retirant toutefois la capacité active et passive d'agir. Si cette radiation a un effet constitutif, la société cesse d'exister. Il paraissait que le tribunal fédéral, dans une décision ATF 146 III 441 du 19 août 2020 ne s'était pas expressément prononcé sur l'effet de la radiation d'une personne morale du registre du commerce. Par ailleurs, comme l'a souligné le premier juge, la société Oryx Services ne donne aucun document relatif à la procédure de liquidation (décision d'ouverture, déroulement, éventuelle fin des opérations). Or, selon l'article Article 739 du code des obligations 'Aussi longtemps que la répartition entre actionnaires n'est pas terminée, la société en liquidation garde sa personnalité et conserve sa raison sociale, à laquelle s'ajoutent les mots «en liquidation». 2 - Pendant la liquidation, les pouvoirs des organes sociaux sont restreints aux actes qui sont nécessaires à cette opération et qui, de par leur nature, ne sont point du ressort des liquidateurs'.
En tout état de cause, alors que l'administration des finances publiques n'a pas fait les démarches nécessaires, à les supposer obligatoires pour réinscrire la société Oryx Services au registre du commerce, au cours de sa procédure de taxation, qu'il s'agisse de la première concernant les années 2008 à 2013, ou qu'il s'agisse de la seconde concernant les années 2014 à 2016, et alors que la première procédure fiscale a débuté en mars 2015, ce défaut de demande de réinscription doit être apprécié au regard des dispositions de l'
article 80 Ca du livre des procédures fiscales🏛.
Cet article énonce : ' La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard.
Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France'.
Ainsi, une erreur commise par l'administration des finances publiques ne peut entraîner la nullité de la procédure et conduire la juridiction, si elle le décide, à prononcer la décharge des droits, majorations et pénalités que si cette erreur a porté atteinte aux droits de la défense ou si elle concerne une nullité prévue par loi ou par les engagements internationaux conclus par la France.
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant que l'atteinte aux droits de la défense n'était pas établie s'agissant de la procédure de taxation au titre de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des années 2008 à 2013, quand bien même les actes de l'administration fiscale ont été adressés à la société elle-même.
En effet, tous les actes établis avant la réinscription et énumérés dans le jugement de première instance ont tous été adressés à la société domiciliée à l'adresse de la société MB Fiduciaire qui est en fait sa société d'expertise comptable au sein de laquelle M. [H] [F], liquidateur désigné en 2002, excerce sa profession d'expert comptable (voir rapport selarl [Z] -[U] de février 2014). Cette adresse est celle figurant sur le registre du commerce et aussi celle communiquée pour la liquidation, adresse où elle a reçu le jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 13 décembre 2013 ayant ordonné une mesure d'enquête.
Dans le cadre de cette procédure, la société Oryx Services a répondu à l'administration des finances publiques par courriers signés de M. [H] [F]. Dans son courrier du 4 septembre 2016, ce dernier indique à l'inspectrice que les déclarations au cours des années 2015-2016 n'ont pas été souscrites dès lors qu'aucune modification n'était intervenue et envoyait les déclarations sollicitées à toutes fins utiles, dans lesquelles il n'indiquait pas qu'il était le seul habilité à la représenter ou même qu'il n'était plus habilité à le faire. Il ajoutait que sauf contre-indication de la part de l'inspectrice, la société ne souscrirait pas de déclaration pour les années suivantes sauf changement. Dans son courrier de 2017, il évoquait ce courrier de 2016. La société a également fait appel à un avocat pour faire parvenir ses observations : Me [E] , courriers des 21 avril et 24 juillet 2017 dans lesquels il n'est jamais fait état d'une quelconque liquidation et radiation, et Me [J] réclamation du 23 août 2019.
En conséquence, quand bien même la société Oryx Services n'eût plus disposer d'une existence juridique du fait de la radiation du registre du commerce, elle disposait encore de sa personnalité morale comme en témoigne la faculté de réinscription au registre du commerce et a été représentée par la personne désignée judiciairement comme étant sa liquidatrice jusqu'en 2011 et de nouveau à partir du 27 juin 2019, sachant, comme l'a souligné le premier juge, que la société Oryx Services a assigné, représentée par M. [H] [F], et domicilée toujours à la même adresse, l'administration fiscale dès le 4 juin 2018, de sorte qu'elle ne peut valablement opposer, et ce sans même avoir à se prononcer sur l'existence ou non de fins de non recevoir, son inexistence à l'administration dans le cadre de la procédure fiscale pour soutenir une violation de ses droits, tout en assignant elle-même l'administration,. Il sera aussi ajouté que la société Oryx Services, devant la cour, ne soulève plus que la nullité de la procédure fiscale concernant les années 2008 à 2013 alors que sa situation était identique à celle au cours de la procédure fiscale des années 2014 à 2016.
En réalité, la société Oryx Services et son liquidateur, qui avait pu d'ailleurs dire ignorer que la société avait été radiée d'office en 2011 du registre du commerce (voir rapport Selarl [Z] -[U]) ont, par leur attitude, créé une situation apparente de légalité sur l'existence juridique de la société et sur la capacité de M. [H] [F] à valablement la représenter au cours de la période de liquidation d'ailleurs non terminée, dans la procédure fiscale, avant juin 2019. Tous les droits de la société Oryx Services ont pu être exercés, y compris celui de faire un recours judiciaire contre la procédure fiscale.
Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'absence de demande de réinscription par l'administration fiscale au registre du commerce suisse n'avait pas entraîné une violation des droits de la défnse. Ainsi, en l'absence d'irrégularité substantielle, il n'y avait lieu à prononcer la décharge des droits, et pénalités.
II - Sur le bien fondé du montant des deux taxations
Ce bien fondé n'est pas remis en question, seule la nullité de la procédure de taxation est soulevée à laquelle il vient d'être répondu. En outre, la société Oryx Services ne demande que le dégrèvement de la taxe au titre des années 2008 à 2013. En tout état de cause, c'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive, exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu que :
- l'administration des finances publiques était en droit de solliciter des éléments de preuve pour l'établissement de la taxe de 3 % et apprécier l'existence ou non des critères d'exonération ;
- les autorités suisses, requises dans le cadre de l'entraide administrative, n'avaient pu être plus précises sur l'identité de l'actionnaire unique de la société Oryx Services ;
- la déclaration prévue dans le cadre de la taxe n'avait pas été souscrite dans les délais, malgré mise en demeure, au titre des années 2014 à 2016.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a débouté la société Oryx Services de l'intégralité de ces prétentions. Le jugement sera dès lors confirmé.
III - Sur les mesures accessoires
Succombant, la société Oryx Services sera condamnée aux dépens. L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de l'administration des finances publiques.
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