Le Quotidien du 12 août 2022 : Voies d'exécution

[Jurisprudence] Rappel sur le défaut de qualité à agir de l’époux séparé de biens en saisie immobilière

Réf. : Cass. civ. 2, 9 juin 2022, n° 20-23.623, F-B N° Lexbase : A790574K

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N2126BZR

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par Aude Alexandre Le Roux, avocat associé AARPI Trianon Avocats, secrétaire-adjoint de l’AAPPE

le 05 Août 2022

Mots-clés : saisie immobilière • époux - séparé de biens • séparation de biens • bien propre du débiteur • dénonciation du commandement • qualité pour agir • caducité du commandement

L’époux séparé de biens du débiteur auquel est dénoncé le commandement valant saisie immobilière n’a pas qualité pour contester la créance du poursuivant.


 

Les contestations des procédures de saisie immobilière rythment les décisions de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. La journée du 9 juin 2022 ne fait pas exception.

L’arrêt rendu ce jour par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation fait suite à un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris (CA Paris, 4, 8, 19 novembre 2020, n° 19/22171 N° Lexbase : A1404377) sur appel d’un jugement d’orientation.

Dans cette affaire, le créancier poursuivant a fait signifier un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur différents biens immobiliers appartenant à son débiteur ainsi qu'à son épouse séparée de biens. En effet, l’un des biens saisis constitue la résidence de la famille. Par suite, le créancier poursuivant assignait logiquement son débiteur à comparaître à l’audience d’orientation. C’est dans ces conditions que son épouse intervenait volontairement à la procédure de saisie immobilière.

Par jugement d’orientation, le juge de l'exécution ordonnait la vente forcée, fixait la créance du poursuivant et rejetait les notes reçues en cours de délibéré.

L’épouse, intervenante volontaire à la saisie immobilière interjetait appel du jugement d’orientation et était autorisée à assigner à jour fixe.

Le débiteur saisi interjetait également appel de ce jugement d’orientation, son appel était toutefois déclaré caduc. L’appel du débiteur saisi ayant ici été déclaré caduc, c’est vraisemblablement la dernière étape de mise au rôle de l’assignation qui a été omise (CPC, art. 922 N° Lexbase : L0982H47).

L’appelante sollicitait de la cour d’appel l'infirmation du jugement déféré, contestait le montant de la créance du poursuivant opposait la prescription de la créance et le droit au retrait litigieux et sollicitait à titre subsidiaire l’autorisation de vendre amiablement le bien saisi. Le créancier poursuivant demandait à la cour de déclarer irrecevables les contestations formées par l’épouse ainsi que sa demande de vente amiable. Le débiteur saisi formait appel incident et demandait à titre principal l’annulation du jugement et opposait, à titre subsidiaire, des contestations et demandes incidentes identiques à celles de son épouse, appelante à titre principal, outre une demande de cantonnement de la saisie.

Par arrêt du 19 novembre 2020 (CA Paris, 4, 8, 19 novembre 2020, n° 19/22171), la cour d’appel de Paris déboutait le débiteur saisi de sa demande d’annulation du jugement et déclarait son épouse irrecevable à contester le montant de la créance du poursuivant, la prescription de cette créance et à invoquer à son profit le droit au retrait litigieux.

Devant la Cour de cassation, l’épouse fait grief à la cour de la déclarer irrecevable à contester le montant de la créance du poursuivant, à invoquer la prescription de cette créance et le droit au retrait litigieux, et en conséquence, de confirmer le jugement du 14 novembre 2019, alors que lorsque le bien immobilier saisi constitue la résidence des époux ou le logement familial, l'épouse du saisi a un intérêt à contester la procédure de saisie diligentée par le créancier devant aboutir à son expulsion. Selon l’épouse demanderesse au pourvoi, en statuant ainsi après avoir constaté que ce bien constituait la résidence de la famille, la cour d'appel aurait violé les articles R. 321-1 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L2398ITY et 2463 N° Lexbase : L0326L8L du Code civil.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation doit donc connaître de la qualité à agir de l’époux séparé de biens dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.

I. La situation matrimoniale du débiteur

Avant d’initier une procédure de saisie immobilière, le créancier poursuivant doit impérativement s’interroger sur le régime matrimonial de son débiteur. Ainsi, lorsque les poursuites sont initiées sur un immeuble dépendant de la communauté de biens existant entre le débiteur et son époux ou épouse, la procédure de saisie immobilière devra être poursuivie à l’encontre des deux époux par application de l’article L. 311-7 du Code des procédures civiles d’exécution. Dans cette hypothèse, le commandement de saisie immobilière sera donc à la fois signifié au débiteur et à son époux ou épouse de même que l’assignation à comparaître à l’audience d’orientation.

La saisie d’un bien propre d’un débiteur séparé de biens est naturellement très différente. Ainsi, dans cette hypothèse la procédure ne saurait être poursuivie à l’encontre des deux époux. Le Code des procédures civiles d’exécution entend toutefois porter l’information de l’introduction de la procédure à l’égard de l’époux non débiteur lorsque le bien saisi constitue la résidence de la famille. Ainsi, à peine de caducité du commandement de payer valant saisie immobilière (CPCEx., art. R. 311-11) il sera dénoncé au plus tard le premier jour ouvrable suivant sa signification à son conjoint (CPCEx., art R.321-1 al.3).

Cette information permettra à l’époux non concerné par les poursuites d’envisager toute mesure utile à la sauvegarde du logement familial.

L’article R. 321-1 alinéa 3 posant l’obligation de porter cette information au « conjoint » de l’époux objet des poursuites, il a très tôt été précisé que cette obligation ne saurait s’appliquer au concubin (Cass. civ. 2, 30 avril 2009, n° 08-12.105, FS-P+B N° Lexbase : A6495EGN) et c’est heureux.

On imagine mal de quelle façon le poursuivant pourrait détenir systématiquement le nom de ce dernier afin de satisfaire à une telle obligation…

La dénonciation du commandement à l’époux, qui ne constitue pas un acte d’exécution, est valablement faite par un clerc habilité (Cass. com., 7 juillet 2015, n°14-18.766, F-D N° Lexbase : A7418NMP).

La présente affaire est l’occasion de s’interroger sur la place de ce conjoint durant la phase de l’instance de la saisie immobilière.

II. La place de l’époux séparé de biens durant la procédure de saisie immobilière

L’époux séparé de biens du débiteur doit recevoir dénonciation du commandement valant saisie immobilière lorsque le bien saisi constitue la résidence de la famille. Ce dernier est donc directement informé de l’introduction de la mesure d’exécution.

Cette dénonciation lui donne-t-elle pour autant qualité à intervenir durant l’instance qui suivra devant le juge de l’exécution ?

Aux termes de son premier moyen, la demanderesse au pourvoi visait à la fois les dispositions de l’article R. 321-1 du Code des procédures civiles d’exécution et 2463 du Code civil. Le premier de ces textes prévoit les conditions d’introduction de la mesure d’exécution par signification du commandement au saisi ou au tiers détenteur, il impose en son dernier alinéa la dénonciation du commandement à l’époux séparé de biens lorsque le bien saisi constitue la résidence de la famille. Le second ne traite que de la situation du tiers détenteur.

Au visa de ces textes, la demanderesse au pourvoi soutenait son intérêt à agir et à contester la procédure au motif que l’issue de la saisie immobilière devait aboutir à son expulsion.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation n’est pas séduite par cette analyse et relève, comme la cour d’appel avant elle, que l’épouse du débiteur n’était ni débitrice ni propriétaire du bien et n’avait dès lors pas qualité à contester le montant de la créance du poursuivant, sa prescription, ni à invoquer le droit au retrait litigieux. La dénonciation du commandement qui lui est faite ne l‘étant qu’à titre informatif.

Un rappel à mots couverts du principe édicté par l’article 31 du Code de procédure N° Lexbase : L1169H43, si l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sa recevabilité reste subordonnée à la nécessité de justifier d’une qualité pour agir, ce que ne détient pas l’épouse du débiteur qui n’est ni propriétaire de l’immeuble ni débitrice.

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