Réf. : CE, 1° et 4° ch.-r., 12 avril 2022, n° 449684, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A97697TY
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N1246BZ8
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par Charlotte Moronval
le 03 Mai 2022
► S'il ne saurait interdire de fixer des règles assurant une répression effective des infractions, le principe de nécessité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 implique qu'une sanction administrative ayant le caractère d'une punition ne puisse être appliquée que si l'autorité compétente la prononce expressément en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.
Les faits. Lors d’un contrôle effectué dans un restaurant, les services de police constatent la présence au sein de l'établissement d'un ressortissant étranger travaillant sans autorisation de travail et de séjour en France, et non déclaré. En conséquence, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société exploitant le restaurant la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 N° Lexbase : L9294LNK, au montant forfaitaire de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 N° Lexbase : L0851H9E, soit la somme de 17 700 euros. Il a également mis à sa charge la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L9295LNL, pour un montant forfaitaire de 2 124 euros.
Estimant en particulier que la première sanction était disproportionnée au regard des circonstances de l'infraction, notamment de sa brièveté, et de sa propre situation financière, la société a contesté cette décision devant le tribunal administratif, qui a rejeté sa demande. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel (CAA Nantes, 15 décembre 2020, n° 19NT01696 N° Lexbase : A20564AE) ayant rejeté son appel contre ce jugement.
La position du Conseil d’État. Énonçant la solution susvisée, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative d’appel.
Il précise qu’il appartient au juge administratif, lorsqu’il est saisi comme juge de plein contentieux d’une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement de l’article L. 8253-1 du Code du travail, d’examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l’administration.
Celle-ci doit en pareil cas apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l’employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l’intéressé.
Le Conseil d’Etat précise que le juge peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, tant s’agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire par l’article L. 8251-1 N° Lexbase : L5110IQC, le premier alinéa de l’article L. 8253-1 et l’article R. 8253-2 N° Lexbase : L9703IWB du Code du travail, ou en décharger l’employeur.
Si la cour d’appel a, à bon droit, jugé que la société requérante ne pouvait utilement invoquer l'absence d'élément intentionnel du manquement qui lui était reproché ni, dès lors qu'elle ne soutenait pas avoir respecté les obligations de vérification de l'existence du titre de travail de l'étranger employé découlant de l'article L 5221-8 du Code du travail, sa prétendue bonne foi, elle a commis une erreur de droit en refusant, pour exercer le plein contrôle sur la proportionnalité de la sanction qui lui incombait, d'examiner si les autres circonstances propres à l'espèce que la société faisait valoir étaient, au regard de la nature et de la gravité des agissements, d'une particularité telle, qui ne pourrait tenir à de seules difficultés financières, qu'elles justifiaient, en dépit de l'exigence de répression effective des infractions, que la société soit, à titre exceptionnel, dispensée de cette sanction.
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