Le Quotidien du 10 décembre 2021 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Point de départ du délai d'un an imparti au demandeur d’un brevet pour introduire un recours en restauration des droits : revirement de jurisprudence

Réf. : Cass. com., 1er décembre 2021, n° 20-10.875, F-B (N° Lexbase : A77587DP)

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par Vincent Téchené

le 09 Décembre 2021

► Le délai d'un an imparti, à peine d'irrecevabilité au demandeur d’un brevet pour introduire un recours en restauration des droits à présenter une requête en poursuite de la procédure, commence à courir à l'expiration du délai de deux mois de la notification du rejet de sa demande de brevet pour non-accomplissement d'un acte.

Faits et procédure. Une société a, le 6 novembre 2015, déposé une demande de brevet auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI). Par une décision du 9 août 2016, notifiée le 16 août suivant, l'INPI a informé la société que sa demande n'était pas conforme, faute d'être accompagnée de certains documents, et lui a imparti un délai, expirant le 17 octobre 2016, pour les fournir.

Sans réponse de la société, le directeur général de l'INPI, par une décision du 4 novembre 2016, notifiée le 10 novembre suivant, a rejeté la demande de brevet.
Le 8 janvier 2018, la société a, sur le fondement de l'article L. 612-16 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2127ICR), présenté au directeur général de l'INPI un recours en vue d'être restaurée dans ses droits à présenter, en application de l'article R. 612-52 du même code (N° Lexbase : L4078ADE), une requête en poursuite de la procédure.

Par une décision du 17 juillet 2018, le directeur général de l'INPI a déclaré ce recours en restauration irrecevable comme tardif, faute d'avoir été introduit avant l'expiration, le 17 octobre 2017, du délai d'un an ayant couru à compter de l'expiration du délai imparti à la société pour produire les documents manquants et régulariser la demande de brevet. La société a formé un recours contre cette décision.

L'arrêt d’appel a rejeté le recours formé par la société contre la décision du 17 juillet 2018 du directeur général de l'INPI ayant déclaré irrecevable le recours en restauration des droits attachés à la demande de brevet déposée le 6 novembre 2015. La société s’est donc pourvue en cassation.

Décision. Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 612-16 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020 (N° Lexbase : L9353LUX), et R. 612-52 du même code.

Elle rappelle qu’il résulte de ces textes que le demandeur d'un brevet qui n'a pas présenté, dans un délai de deux mois à compter de la notification du rejet de sa demande de brevet pour non-accomplissement d'un acte, une requête en poursuite de la procédure, peut introduire un recours en vue d'être restauré dans ses droits à présenter cette requête.

Ce recours n'est recevable que dans un délai d'un an à compter de l'expiration du délai non observé.

La Cour de cassation relève ensuite qu’elle a interprété l'article 20 bis de la loi du 2 janvier 1968 (N° Lexbase : C10964IG) et l'article 124 du décret n° 79-822 du 19 septembre 1979 (N° Lexbase : C19214IY), dont les dispositions ont été codifiées, respectivement, à l'article L. 612-16 et à l'article R. 612-52 du Code de la propriété intellectuelle, en ce sens que les dispositions de l'article 124 du décret précité ne peuvent avoir pour effet de prolonger le délai d'un an prévu au deuxième alinéa de l'article 20 bis de la loi précitée et que, quel que soit le fondement du recours en restauration, celui-ci n'est recevable que dans un délai d'un an à compter de la date limite à laquelle l'acte initialement omis devait être accompli (Cass. com., 15 avril 1986, n° 84-12.527, publié N° Lexbase : A3027AAD).
Toutefois, selon la Haute juridiction, il y a lieu de reconsidérer cette interprétation.
Elle estime, en effet, d'abord, qu'il ressort du libellé même de l'article L. 612-16 du Code de la propriété intellectuelle que le délai d'un an qui y est prévu commence à courir à compter de l'expiration du délai non observé. Lorsque le demandeur introduit un recours en restauration de ses droits à présenter une requête en poursuite de la procédure malgré l'expiration du délai de deux mois imparti par l'article R. 612-52 du Code de la propriété intellectuelle pour présenter cette requête, le délai non observé est ce délai de deux mois.

Ensuite, la sécurité juridique recherchée pour les tiers par l'instauration du délai d'un an serait également assurée si le point de départ de ce délai n'était pas l'expiration du délai imparti pour accomplir l'acte initialement omis, mais l'expiration du délai de deux mois imparti pour présenter une requête en poursuite de la procédure.

Enfin, la Haute juridiction relève que l'article 122 de la Convention sur la délivrance de brevets européens et la règle 136 du règlement d'exécution de cette Convention ouvrant, devant l'Office européen des brevets (l'OEB), la même possibilité pour le demandeur qui n'a pas été en mesure d'observer un délai à l'égard de l'OEB, d'être rétabli dans ses droits en présentant une requête en restitutio in integrum dans un délai d'un an à compter de l'expiration du délai non observé, il apparaît souhaitable que le délai d'un an soit calculé de la même façon selon que la demande tendant à être rétablie dans ses droits est présentée à l'INPI par le demandeur d'un brevet français ou à l'OEB par le demandeur d'un brevet européen désignant la France. Or une Chambre de recours juridique de l'OEB a interprété les dispositions applicables devant elle en ce sens que, lorsque le demandeur sollicite le rétablissement dans ses droits à présenter une requête en poursuite de la procédure, le délai d'un an pour introduire la requête en restitutio in integrum commence à courir à compter de l'expiration du délai dont il disposait pour présenter la requête en poursuite de la procédure (OEB, décision du 30 avril 1993, affaire J 12/92). Prenant cette jurisprudence en compte, les directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB précisent que, lorsque le délai pour requérir la poursuite de la procédure a expiré, « la requête en restitutio in integrum doit être requise quant au délai pour requérir la poursuite de la procédure, et non quant au délai inobservé initialement » (Partie E, chapitre VIII, 3.1.1).

Dès lors, pour l’ensemble de ces raisons, la Cour de cassation en conclut qu’il apparaît nécessaire d'abandonner la jurisprudence précitée et d'interpréter désormais les articles L. 612-16 et R. 612-52 du Code de la propriété intellectuelle en ce sens que le délai d'un an imparti, à peine d'irrecevabilité, par le premier de ces textes pour introduire un recours en restauration des droits à présenter une requête en poursuite de la procédure, commence à courir à l'expiration du délai de deux mois prévu par le second texte.

Par ailleurs, la Haute juridiction estime que rien ne s'oppose, en l'espèce, à une application immédiate de cette nouvelle interprétation.

Or, pour rejeter le recours de la société contre la décision du directeur général de l'INPI déclarant irrecevable, comme tardif, son recours en restitution de ses droits, l'arrêt d’appel énonce que le recours en restauration n'est recevable, quel que soit son fondement, que dans le délai d'un an à compter de la date limite à laquelle l'acte initialement omis devait être accompli.

Par conséquent, la cour d'appel a violé les textes visés.

La Cour de cassation poursuit et statue au fond.

Elle relève ainsi que le délai de deux mois imparti à la société pour présenter une requête en poursuite de la procédure, ayant expiré le 10 janvier 2017, c'est à cette date qu'a commencé à courir le délai d'un an imparti, à peine d'irrecevabilité, par l'article L. 612-16 du CPI pour introduire un recours en restauration des droits à présenter cette requête. Le recours introduit par la société le 8 janvier 2018 est donc intervenu avant l'expiration, le 10 janvier 2018, dudit délai.
En conséquence, la Cour annule la décision du directeur général de l'INPI du 17 juillet 2018 déclarant ce recours irrecevable.

Précisions. Les modifications – à la marge – apportées à l’article L. 612-16 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L9504LUK) par l’ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020, n'emportent pas de conséquence en ce qui concerne la solution dégagée ici par la Cour de cassation, qui s’applique donc également aux affaires soumises à cet article dans sa rédaction postérieure au 1er avril 2020, date d’entrée en vigueur de la l’ordonnance.

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