Le Quotidien du 18 novembre 2021 : Bancaire

[Brèves] Commune emprunteuse et clause abusive d’un contrat de prêt

Réf. : Cass. com., 4 novembre 2021, n° 20-11.099, FS-B (N° Lexbase : A07077BS)

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[Brèves] Commune emprunteuse et clause abusive d’un contrat de prêt. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/74476672-0
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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 17 Novembre 2021

► Une commune, qui est réputée agir pour régler les affaires de sa compétence, ne peut être qualifiée de non-professionnel au sens de l’article L. 212-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3278K9B) et ne peut donc se prévaloir du caractère abusif d’une clause d’un contrat pour demander que cette clause soit réputée non écrite ;

Par ailleurs, aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucun principe jurisprudentiel, n’interdit aux parties à un contrat de prêt de prévoir une clause d’indexation du taux d'intérêt excluant la réciprocité de la variation de ce taux et, lorsque le contrat stipule le paiement d’intérêts à un taux variable, de convenir que, quelle que soit l’évolution des paramètres de calcul de ce taux, celui-ci demeurera supérieur à un plancher, inférieur à un plafond ou compris entre de telles limites.

À partir de la fin des années 1990, les crédits proposés par les établissements de crédit aux collectivités locales ont nettement évolué, en laissant une place de plus en plus grande aux produits structurés réunissant dans un seul et même contrat, d'une part, un prêt amortissable classique à taux fixe ou à taux variable et, d'autre part, un ou plusieurs produits dérivés (swap ou option) dont la valeur devait fluctuer en fonction de l'évolution d'un taux ou du prix d'un produit appelé sous-jacent. Or, si pendant un temps ces produits sophistiqués ont, effectivement, permis de ramener le taux d'intérêt conventionnel des crédits souscrits à des montants relativement faibles, la situation s’est fortement dégradée lorsque, à la suite de la crise financière, les taux applicables ont fortement augmenté. Plusieurs communes ont alors subi une hausse massive de leur endettement.

Certaines d’entre elles ont alors cherché des solutions à leurs difficultés en justice. Les actions fondées sur des dispositions du droit bancaire se sont alors multipliées. La jurisprudence ne leur a cependant pas été favorable (J. Lasserre Capdeville, Premier bilan de la jurisprudence judiciaire en matière « emprunts toxiques », Rev. Contrats et marchés publics, mai 2019, n° 5, p. 9), notamment sur le fondement du devoir de mise en garde (Cass. com., 28 mars 2018, n° 16-26.210, FS-P+B+I N° Lexbase : A0511XIR). On ne sera donc pas surpris de noter que certaines collectivités territoriales ont cherché d’autres fondements juridiques à leurs actions, par exemple dans le droit régissant les clauses d’indexation ou encore dans le droit des clauses abusives. Tel était justement le cas ici.

Faits et procédure. La banque Dexia crédit local, agissant pour elle-même et sa filiale, la société Dexia Municipal Agency, avait consenti en 2010 à la commune de Nîmes quatre prêts destinés à refinancer des prêts antérieurs. Ces prêts étaient de montants élevés : 11 028 053,81 euros (contrat n° MPH270207EUR), 12 651 604,89 euros (contrat n° MON270199EUR), 11 033 990,88 euros (contrat n° MPH273353EUR), et 31 464 009,02 euros (contrat n° MPH273723EUR).

Or, la commune a assigné la société Dexia, ainsi que la société Dexia Municipal Agency, devenue la société Caisse française de financement local (la société Caffil), et la Société de financement local, devenue la société Sfil, laquelle avait été chargée en 2013 de la gestion et du recouvrement des prêts inscrits au bilan de la société Caffil, aux fins de voir juger que les stipulations relatives au taux d’intérêt des prêts et au calcul de l’indemnité de remboursement anticipé étaient réputées non écrites car abusives et, subsidiairement, de voir annuler la stipulation d’intérêts du contrat de prêt n° MPH273723EUR.

La cour d’appel de Versailles ayant débouté, par une décision du 21 novembre 2019, la commune de ses demandes, celle-ci a formé un pourvoi en cassation. Elle y invoquait plusieurs moyens notables.

Décision. En premier lieu, selon la commune de Nîmes, en retenant, pour refuser d’examiner le grief tiré du caractère abusif des stipulations d’intérêt des contrats de prêt n° MPH273723EUR, n° MON270199EUR, n° MON270207EUR et n° MPH2733353EUR et de leurs clauses de remboursement anticipé respectives, que la commune ne pouvait être qualifiée de non-professionnel dès lors que les emprunts, contractés pour financer ses activités et notamment ses investissements, étaient « en rapport direct avec son activité », la cour d’appel aurait violé l’ancien article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6710IMH), ainsi que l’article liminaire du même code.

Or, ce moyen est rejeté par la Cour de cassation. Selon elle, en effet, « une commune, qui est réputée agir pour régler les affaires de sa compétence, ne peut être qualifiée de non-professionnel au sens de l’article L. 132-1, devenu L. 212-1, du Code de la consommation et ne peut donc se prévaloir du caractère abusif d'une clause d'un contrat pour demander que cette clause soit réputée non écrite ».

Voilà qui est clair : une commune ne saurait être qualifiée de non-professionnel, et il en va de la sorte car elle est « réputée agir pour régler les affaires de sa compétence ». Cette solution ferme alors aux collectivités territoriales toute possibilité d’action sur le fondement du droit des clauses abusives.

En second lieu, la commune de Nîmes faisait grief à l’arrêt de la cour d’appel de l’avoir déboutée de sa demande d'annulation de l’indexation sur le différentiel des cours de change EUR/CHF et EUR/USD du taux d'intérêt du contrat référencé n° MPH273723EUR/29236, alors « qu'est nulle une clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation ». Dès lors, en retenant, pour refuser d’annuler l’indexation en question, qu’en cas de déclenchement de la condition « l'indexation se trouv[ait] activée et [qu']elle s'appliqu[ait] à la hausse comme à la baisse du taux, tant que la condition suspensive rest[ait] déclenchée », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Dexia ne pouvait pas bénéficier sans limite de la hausse du taux d'intérêt, contrairement à la commune qui devait payer un taux d’intérêt fixe de base en cas de baisse importante du taux d'intérêt indexé sur le différentiel des cours de change EUR/CHF et EUR/USD, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5471ICM).

Ici encore, la Cour de cassation rejette le moyen. En effet, elle considère qu’aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucun principe jurisprudentiel, n’interdit aux parties à un contrat de prêt de prévoir une clause d'indexation du taux d’intérêt excluant la réciprocité de la variation de ce taux et, lorsque le contrat stipule le paiement d'intérêts à un taux variable, de convenir que, quelle que soit l'évolution des paramètres de calcul de ce taux, celui-ci demeurera supérieur à un plancher, inférieur à un plafond ou compris entre de telles limites.

Il est vrai que l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier, qui était invoqué par la commune au soutien de son moyen, se contente notamment d’indiquer que « Sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article L. 112-2 (N° Lexbase : L3110IQA) et des articles L. 112-3 (N° Lexbase : L2872LNP), L. 112-3-1 (N° Lexbase : L5555ICQ) et L. 112-4 (N° Lexbase : L1465IEY), l'indexation automatique des prix de biens ou de services est interdite ». Rien n’est dit à propos des clauses d’indexation qui excluraient, le cas échéant, la réciprocité de la variation. La solution retenue paraît dès lors également fondée.

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