Le Quotidien du 17 septembre 2021 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Publication de l’ordonnance de réforme du droit des entreprises en difficulté

Réf. : Ordonnance n° 2021-1193, du 15 septembre 2021, portant modification du livre VI du Code de commerce (N° Lexbase : L8998L7E)

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N8784BYY

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[Brèves] Publication de l’ordonnance de réforme du droit des entreprises en difficulté. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/72323910-0
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par Vincent Téchené

le 24 Septembre 2021

► L’ordonnance de réforme du livre VI du Code de commerce relatif au droit des entreprises en difficulté a été publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021.

Ce texte pris en application de deux habilitations contenues dans la loi « PACTE » modifie, d’une part, les dispositions du livre VI du Code de commerce relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés et, d'autre part, adopte les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la Directive « restructuration et insolvabilité » (Directive n° 2019/1023 du 20 juin 2019 N° Lexbase : L6745LQU).

  • Articulation du droit des sûretés et du droit des entreprises en difficulté

La réforme du droit des sûretés, dans son volet relatif à l'articulation avec le droit des entreprises en difficulté, s'inscrit d'abord dans un triple objectif, de simplification du droit des sûretés, de renforcement de son efficacité et de préservation de l'équilibre entre les intérêts en présence.

Il convient de noter que, le même jour, l’ordonnance de réforme du droit des sûretés a été publiée au Journal officiel (ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D ; V. Téchené, Le Quotidien Lexbase, 17 septembre 2021 N° Lexbase : N8782BYW)

La modification des règles relatives aux sûretés dans le livre VI du Code de commerce concerne leur traitement avant l'ouverture de la procédure collective comme après l'ouverture de la procédure collective.

Dans le cadre de la procédure de conciliation, les garants pourront bénéficier plus largement des délais de grâce octroyés par le juge au débiteur. En outre, les parties à l'accord de conciliation pourront y préciser notamment le sort des garanties prises dans ce cadre, en cas de caducité ou de résolution.

Le régime des nullités de plein droit est modernisé afin d'améliorer la protection du gage commun des créanciers en soumettant, d’une part, à ces nullités l'ensemble des sûretés réelles conventionnelles et tout droit de rétention et, d'autre part, en consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation qui autorise, en période suspecte, la substitution de sûretés.  

Désormais, le juge-commissaire pourra autoriser la constitution de toute sûreté réelle conventionnelle. L’ordonnance étend, en outre, à tous les biens grevés d'une sûreté réelle spéciale ou d'une hypothèque légale, la règle de la consignation de la quote-part du prix correspondant aux créances garanties en cas de vente du bien grevé. On relèvera également que la règle de l'arrêt et de l'interdiction des procédures d'exécution est étendue : le bénéficiaire d'une sûreté réelle constituée par ce débiteur en garantie de la dette d'autrui est désormais concerné par cette règle. L'interdiction, résultant du jugement d'ouverture, de tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, est consacrée. Des exceptions strictes à cette règle de non-accroissement de l'assiette sont limitativement prévues.

Les conditions de la déclaration des sûretés sont modifiées : elle doit dorénavant porter sur l'assiette de la sûreté et non plus seulement sur sa nature et une obligation de déclaration s'impose au bénéficiaire d'une sûreté réelle conventionnelle constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers. En outre, le bénéficiaire de cette garantie sera désormais soumis à l'obligation de solliciter un relevé de forclusion, à défaut de déclaration régulière dans les délais. La sanction de l'inopposabilité au débiteur en cas de défaut de déclaration est, par ailleurs, étendue. La protection dont bénéficient les garants personnes physiques du débiteur est étendue au-delà de l’exécution du plan.

D'autres mesures permettent encore de préserver les droits des garants pour autrui comme la possibilité de procéder, même avant paiement, à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel ou encore l’impossibilité de leur opposer l'état des créances lorsque la décision d'admission ne leur a pas été notifiée.

L’ordonnance pérennise, en outre, le privilège de sauvegarde et de redressement judiciaire (dit privilège de « post money ») introduit dans le cadre de la crise sanitaire par l’ordonnance du 20 mai 2020 (ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 N° Lexbase : L1695LX3), dans le but de faciliter le financement des entreprises faisant l’objet d’une procédure ou d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire (v. P.-M. Le Corre, Le privilège de la sauvegarde et du redressement, Lexbase Affaires, juin 2020, n° 638 N° Lexbase : N3635BYB). Également, les règles de classement des créances en liquidation judiciaire sont clarifiées.

  • Transposition de la Directive « restructuration et insolvabilité »

Le livre VI du Code de commerce répond déjà à de nombreuses exigences posées par la Directive. S'agissant des cadres de restructuration préventive, l’ordonnance fait de la procédure de sauvegarde accélérée, organisée par le chapitre VIII du titre II du livre VI, le cadre de restructuration préventif au sens de la Directive et ne dissocie plus la sauvegarde accélérée et la sauvegarde financière accélérée. La réforme préserve toutefois la possibilité de circonscrire les effets de la procédure aux seuls créanciers financiers lorsque la nature de l'endettement le justifie (article 38). La durée de cette procédure est limitée à quatre mois. Elle est accessible à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, comme l'avait déjà prévu de manière temporaire l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 prise pour prévenir les difficultés économiques des entreprises consécutives à la crise sanitaire.

Dans toutes les procédures où ils existent (sauvegarde, sauvegarde accélérée et redressement judiciaire), les comités de créanciers sont remplacés par le système de classes de créanciers et, plus généralement, de parties affectées. Dès lors, l'organisation des classes de parties affectées est prévue dans le cadre de la section 3 du chapitre VI du titre II du livre VI, relative à la sauvegarde (article 37) et il est procédé par renvois et adaptations pour les autres procédures, conformément à l'organisation du livre VI telle que voulue par le législateur en 2005. Les procédures collectives (de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire) dans lesquelles il n'y a pas à mettre en place des classes de parties affectées sont peu modifiées par l'ordonnance.

On relèvera que l’article L. 626-29 modifié renvoie à un décret en Conseil d'État pour la définition des seuils à partir desquels la constitution de classes est obligatoire – hors la sauvegarde accélérée – tout en permettant aux entreprises qui n'atteignent pas ces seuils de demander au juge-commissaire d'autoriser leur constitution. Seules les parties affectées, réparties en classes, se prononcent sur le projet de plan. Constituent des parties affectées celles dont les droits – créances ou intérêts – sont directement affectés, c'est-à-dire susceptibles d'être modifiés d'une manière quelconque par le plan de restructuration. En dehors de ces classes prédéterminées, l'administrateur judiciaire peut constituer d'autres classes, dans le respect des critères généraux énoncés.

Il convient de noter que les créances résultant du contrat de travail sont exclues du plan de restructuration soumis au vote des classes afin de préserver au mieux les droits des travailleurs. Outre ces créances, sont également exclus du plan les droits à pension acquis au titre d'un régime de retraite professionnelle et les créances alimentaires, afin d'en protéger les bénéficiaires. L’ordonnance fixe ensuite les règles relatives au vote des classes de parties affectées et à la modification du plan voté.

L'article 38 de l'ordonnance constitue, avec son article 37, le socle de transposition du titre II de la Directive. L'article 38 porte sur un nouveau chapitre VIII « de la sauvegarde accélérée », composé de deux sections nouvelles : d'une part, la section 1 « de l'ouverture de la procédure » (C. com., art. L. 628-1 à L. 628-5) et, d'autre part, la section 2 « des effets de la sauvegarde accélérée » (C. com., art. L. 628-6 à L. 628-8). Les dispositions relatives aux classes de parties affectées doivent, dans cette procédure, nécessairement être constituées quelle que soit la taille de l'entreprise. La nouvelle procédure de sauvegarde accélérée conserve plusieurs caractéristiques de la procédure jusqu'ici en vigueur. Il convient de relever que la procédure ne produit d'effets qu'à l'égard des parties affectées par le projet de plan, ce qui correspondra en pratique aux créanciers appelés à la procédure de conciliation antérieure et, le cas échéant, aux détenteurs de capital. En outre, la durée de la procédure de sauvegarde accélérée est désormais de deux mois, prorogeables par le tribunal pour une durée totale de quatre mois maximum.

Afin de tirer les conséquences des modifications rendues nécessaires par la transposition de la Directive, la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire et, de façon plus limitée, la procédure de conciliation, sont modifiées.

En sauvegarde (classique), la durée de la période d'observation est raccourcie à douze mois maximum et le procureur de la République ne peut plus, dans cette procédure, demander une prolongation exceptionnelle. En outre, on relèvera qu’est conservée la mesure temporaire introduite par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 selon laquelle le défaut de réponse des créanciers intéressés vaut acceptation des mesures proposées, sauf s'il s'agit de remises de dettes ou de conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital.

Deux autres procédures sont modifiées afin de prendre en compte l'introduction en droit français de ce nouveau cadre de restructuration préventive : la procédure de redressement judiciaire et la procédure de conciliation.

L’ordonnance applique à la procédure de redressement judiciaire le système des classes de parties affectées si les seuils prévus sont atteints.

Afin de prendre en compte la nécessité pour des petites et moyennes entreprises de bénéficier d'une durée suffisamment longue de période d'observation pour leur permettre de préparer un plan de redressement, lorsque leur situation est particulièrement dégradée, la possibilité pour le procureur de la République de demander la prolongation de la durée de la période d'observation pour une durée maximale de six mois est maintenue.

En procédure de conciliation, une modification porte sur la suspension temporaire du droit d'un créancier d'exiger le paiement d'une créance, serait-elle garantie par une sûreté (mesure introduite dans l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020).

Les dispositifs d’alerte sont retouchés, en permettant notamment l'accélération du dispositif d'alerte des commissaires aux comptes et l'information plus précoce du président du tribunal

La procédure de rétablissement professionnel est également modifiée afin d'élargir le champ d'application de cette procédure.

Entrée en vigueur. L'article 73 prévoit que l'ordonnance entre en vigueur le 1er octobre 2021 mais que ses dispositions ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur. L’article 27, relatif aux créances antérieures dues aux producteurs agricoles, entrera en vigueur, pour sa part, le 1er janvier 2022 afin de prendre en compte la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.

Pour aller plus loin : Un numéro spécial de Lexbase Affaires (n° 693 du jeudi 28 octobre 2021), sous la direction de Pierre-Michel Le Corre, sera consacré au commentaire de cette ordonnance de réforme du livre VI de Code de commerce.

 

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