Le Quotidien du 7 mai 2021 : Droit rural

[Brèves] Fraude au droit de préemption des preneurs à bail rural, caractérisée par la donation, avec charge, des parcelles louées, à des personnes inconnues

Réf. : Cass. civ. 3, 15 avril 2021, huit arrêts, n° 20-15.332 (N° Lexbase : A80184PN), n° 20-15.334 (N° Lexbase : A80284PZ), n° 20-15.335 (N° Lexbase : A81074PX), n° 20-15.336 (N° Lexbase : A80004PY), n° 20-15.337 (N° Lexbase : A80874P9), n° 20-15.339 (N° Lexbase : A80454PN), n° 20-15.340 (N° Lexbase : A81254PM), n° 20-15.342 (N° Lexbase : A79774P7), F-D

Lecture: 4 min

N7433BYX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Fraude au droit de préemption des preneurs à bail rural, caractérisée par la donation, avec charge, des parcelles louées, à des personnes inconnues. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/67714118-0
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

le 06 Mai 2021

► Compte tenu du contexte belliqueux entre les bailleurs et les preneurs, la cour d’appel a souverainement estimé que la donation, avec charge, portant sur les parcelles louées, consentie par les bailleurs à des personnes inconnues, relevait, non de l’intention libérale, mais d’une manœuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs, justifiant l'exercice de l'action en nullité et en dommages-intérêts prévue par l'article L. 412-12 du Code rural et de la pêche maritime.

Pour rappel, seules les aliénations à titre onéreux, à l’exclusion donc des aliénations à titre gratuit, étant visées par les dispositions de l’article L. 412-1 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L4053AET) précisant le champ d’application du droit de préemption du preneur à bail rural sur les parcelles exploitées, une donation (même avec charge) consentie sur une parcelle donnée à bail rural échappe au droit de préemption du preneur.

Destiné à assurer la protection du preneur en place, le droit de préemption est d’ordre public ; l’article L. 412-12 du même code (N° Lexbase : L4066AEC) ouvre au preneur une action en nullité de la vente qui serait passée en fraude à son droit, et en dommages-intérêts. L’action doit être intentée devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion.

C’est ainsi qu’une donation, avec charge, consentie à des personnes inconnues, dépourvue de toute intention libérale, peut constituer une manœuvre frauduleuse destinée à contourner le droit de préemption du preneur, et justifier l’exercice de l’action en nullité et en dommages-intérêts, sur le fondement de l’article L. 412-12. Tel était précisément le cas dans l’affaire ayant donné lieu à cette série d’arrêts rendus le 15 avril 2021 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

Faits et procédure. En l’espèce, par acte notarié du 29 décembre 2003, un couple de propriétaires avait consenti à un couple de preneurs un bail en métayage sur diverses parcelles de vignes, d’une durée de neuf ans, portée à dix-huit ans par acte du 9 décembre 2005. Un arrêt du 9 avril 2014 avait dit n’y avoir lieu de requalifier ce contrat en bail à ferme et avait rejeté la demande des bailleurs en résiliation du bail. Un arrêt du 21 octobre 2015 avait ordonné la conversion du bail à métayage en bail à ferme à compter du 1er novembre 2014. Par actes du 28 juillet, 1er, 2, et 4 août et 7 septembre 2016, les bailleurs avaient consenti une donation portant sur l'ensemble des terres louées à plusieurs personnes.

Par acte du 17 mars 2017, les preneurs avaient assigné les bailleurs et les donataires en annulation des  donations consenties et en paiement de dommages-intérêts en réparation de la fraude à leur droit de préemption.

Décision. La cour d’appel avait accueilli les demandes et annulé les donations avec charge, et condamné les bailleurs et les donataires in solidum, à payer aux preneurs la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Les juges d’appel avaient en effet constaté que les bailleurs avaient tenté en vain de faire résilier le contrat de bail et que les pièces du dossier mettaient en évidence leur animosité envers les preneurs.

La cour avait relevé que de nombreuses attestations de vendangeurs relataient la présence hostile de la bailleresse dans les vignes lors de la vendange 2011, allant jusqu’à qualifier l’un des copreneurs de « pourri ».

Elle avait également relevé que, dans une lettre adressée à ses clients, le bailleur écrivait qu’il les confiait au vigneron du village, au motif qu’il ne voulait pas les mettre « dans les mains de n'importe qui ».

Elle avait ainsi retenu qu’il existait un contexte belliqueux entre les parties, objectivé par des procédures judiciaires et des rapports inamicaux. Selon la Cour suprême, elle en avait souverainement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que, dans ce contexte, la donation avec charge à des personnes inconnues relevait, non de l’intention libérale, mais d’une manoeuvre frauduleuse pour contourner le droit de préemption des preneurs.

 

newsid:477433

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.