Le Quotidien du 22 janvier 2003 : Sociétés

[Jurisprudence] L'acquisition d'un billet de loterie en commun et la qualification de "société en participation"

Réf. : Cass. civ. 1, 14 janvier 2003, n° 00-19.984, F-P (N° Lexbase : A6894A44)

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N5591AAC

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le 07 Octobre 2010

En vertu de l'article 1871 du Code civil (N° Lexbase : L2069ABA), les associés peuvent convenir que la société ne sera pas immatriculée. Elle est alors dite "société en participation". C'est un groupement dépourvu de la personnalité morale, qui, jusqu'en 1978, devait demeurer occulte. Mais, depuis la loi du 4 janvier 1978 (N° Lexbase : L1471AIC), elle peut être révélée aux tiers.
La société en participation peut avoir un objet civil ou commercial. Ainsi, elle s'adapte particulièrement bien à la vie des affaires. Cependant, comme le confirme un arrêt du 14 janvier 2003 rendu par la Cour de cassation, on peut la rencontrer dans d'autres domaines (1) et, notamment, lors de l'acquisition en commun d'un billet de loterie. En l'espèce, M. H. et M. M. ont acheté ensemble un billet de loto, le premier ayant versé 70 francs (environ 11 euros) et le second 42 francs (environ 6 euros). Le billet étant gagnant, ils auraient, en principe, dû se partager les bénéfices proportionnellement à leur contribution respective. Cependant, il semble que M. H. ait voulu profiter seul de ce gain... M. M. l'assigne aux fins de récupérer ce qu'il estime lui être dû. A cette fin, il invoque l'existence d'une société en participation entre eux, ce que conteste M. H. En effet, selon les arguments invoqués par ce dernier, la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'une société en participation sur le seul constat de leur participation commune à l'acquisition du bulletin de loterie gagnant sans relever qu'était établie la volonté de partager les bénéfices, a violé les articles 1832 (N° Lexbase : L2001ABQ) et 1871 (N° Lexbase : L2069ABA) du Code civil.

Statuant, en premier lieu, sur le problème de preuve de la participation de M. M. à l'acquisition du billet litigieux, la Cour de cassation suit l'argumentation des juges du fond, lesquels ont relevé le caractère de sincérité de l'attestation de la buraliste chez qui le billet avait été rempli et validé. Cette dernière a rapporté les paroles de M. H. concernant la contribution respective des deux protagonistes à l'acquisition du billet (étant précisé que M. H. les a prononcées avant de savoir que le billet était gagnant, ce qui atteste leur sincérité). Ainsi, la cour d'appel n'a pas violé l'article 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) et a pu déduire valablement que M. M. avait bien participé à l'acquisition du billet gagnant.

La Haute juridiction est revenue, en second lieu, sur la question de l'existence de la société en participation. Elle juge qu'"en raison de la nature même du billet de loterie, qui repose sur des chances de gain et des risques de perte", la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, a pu retenir que l'achat en commun du billet était constitutif d'un apport et a pu déduire de l'ensemble des éléments rapportés la volonté de s'associer pour un partage du coût et des gains éventuels.

Cette position confirme celle adoptée depuis longtemps par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (voir Cass. crim., 13 juin 1983, n° 81-95.011 N° Lexbase : A9473ATZ, Bull. crim., n° 177 et Cass. crim., 20 mai 1985, n° 84-92.803 N° Lexbase : A3419AAU, Bull. crim., n° 189). Celle-ci qualifie également l'acquisition commune d'un billet de loterie de "société en participation" et condamne le défaut de remise des sommes dues au titre du billet de loterie sur le fondement de l'abus de confiance.

L'avantage de retenir la qualification de "société en participation" réside notamment dans la liberté de la preuve de l'existence d'un tel groupement. En effet, en vertu de l'article 1871, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2069ABA), la société en participation peut être prouvée par tous moyens. La jurisprudence est également constante sur ce point (voir notamment Cass. com., 15 juillet 1969, n° 68-12.795 N° Lexbase : A8491AXR, Bull. civ. III, n° 271) et accepte, comme en l'espèce, que la preuve de l'existence de ce groupement soit rapportée par témoignages (voir Cass. com., 2 juillet 1969, n° 68-10.167 N° Lexbase : A2734AUS, Bull. civ. III, n° 260 ; sur la preuve de la société en participation, voir N° Lexbase : E7819ADX) - on rappelle que l'existence de l'apport en numéraire effectué par M. M. est établie par les dires de la commerçante qui a vendu le billet gagnant. En outre, elle autorise les tiers de bonne foi à se prévaloir de l'apparence d'une société en participation (Cass. civ. 1, 3 novembre 1988, n° 87-11.795 N° Lexbase : A8877AAZ).

L'arrêt rapporté offre une illustration importante de l'utilisation de cette société. Cependant, on peut regretter que les juges du fond, souverains pour apprécier son existence, ne se soient pas penchés sur l'affectio societatis, élément indispensable à tout contrat de société et sans lequel la société en participation ne saurait exister (voir notamment Cass. com., 10 février 1998, n° 95-21.906 N° Lexbase : A2487AC4, Bull. civ. IV, n° 71. Pour plus de développements, voir N° Lexbase : E4565AZ4). Si la preuve de cette société peut se faire par tous moyens, il faut néanmoins que ses conditions d'existence soient réunies. Or, en l'espèce, si l'existence des apports et de la participation aux pertes et aux bénéfices est établie, ni les juges du fond, ni la Cour de cassation ne font allusion à l'affectio societatis...

Marine Parmentier
SGR - Droit des sociétés


(1)  Cette forme sociale qui est aussi ancienne que le contrat de société semble désuète. Pourtant, elle offre une grande liberté contractuelle aux associés, une importante simplicité tant dans son utilisation, que dans son fonctionnement (voir L. Tomasini, Les intérêts pratiques de la société en participation, Lexbase Hebdo, éd. Affaires, 24 juillet 2002 N° Lexbase : N3580AAT et la bibliographie citée). C'est ainsi qu'on la rencontre à diverses occasions (voir N° Lexbase : E5023A3G) : pool bancaire (voir N° Lexbase : E8677AS8), convention de croupier (voir N° Lexbase : E6406ADM) ou accord de coproduction d'opéras (CA Paris, 5e ch., section C, 17 mai 1991, Fondation musicale France - USA c/ Centre international de création et diffusion artistique N° Lexbase : A7608A38).

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