Le Quotidien du 8 octobre 2002 : Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Le syndicat CFE-CGC n'a pas à faire la preuve de sa représentativité lorsque les élections professionnelles se déroulent au sein d'un collège unique

Réf. : Cass. soc., 26 septembre 2002 (N° Lexbase : A5106AZ7)

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N4191AAH

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par Gilles Auzero, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Bien qu'il ne s'agisse que d'un arrêt de rejet, la décision rendue par la Cour de cassation le 26 septembre 2002 apporte une réponse tranchée à une question importante. En effet, dans un motif quelque peu lapidaire, la Chambre sociale affirme que "dès lors que les élections se déroulent au sein d'un collège unique réunissant toutes les catégories professionnelles, le syndicat CFE-CGC, représentatif au plan national auprès des salariés cadres, n'a pas à faire la preuve de sa représentativité au sein du collège unique et peut valablement présenter des candidats au premier tour des élections". En l'espèce, à l'occasion des élections des délégués du personnel d'un hôtel niçois, un protocole préélectoral avait été signé par le syndicat CFE-CGC. A l'issue des élections, qui s'étaient déroulées au sein d'un collège unique, deux salariés présentés par ce même syndicat avaient été proclamés élus titulaire et suppléant. Une organisation syndicale autonome, le syndicat ASNIF, a alors saisi le juge de l'élection d'une contestation portant sur la régularité du protocole électoral et des élections. N'ayant pas obtenu satisfaction devant le tribunal d'instance, le syndicat ASNIF s'est pourvu en cassation, reprochant au tribunal de l'avoir déclaré non représentatif au sein de l'hôtel et d'avoir retenu que la CFE-CGC pouvait présenter des candidats dans le premier collège sur le fondement de sa représentativité.

A l'appui de son pourvoi, la partie demanderesse invoquait des arguments pour le moins hétéroclites. S'agissant toutefois du deuxième moyen qui seul nous intéresse véritablement ici, le syndicat ASNIF arguait notamment que les deux salariés finalement élus n'avaient pas le statut de cadre et ne pouvaient de ce fait être adhérents de la CGC, ni se "présenter sous sa bannière". Le tribunal d'instance aurait par suite violé "le principe et la notion de représentativité et cautionné une fraude manifeste constitutive d'une entrave caractérisée". Aucun de ces arguments n'a cependant été accueilli par la Cour de cassation qui a rejeté le pourvoi.

1- Représentativité et participation aux élections professionnelles

En réponse au premier moyen du pourvoi, la Cour de cassation rappelle une règle fondamentale en matière d'élections professionnelles, aux termes de laquelle seuls les syndicats représentatifs peuvent participer à la négociation du protocole préélectoral et présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles. Il n'est guère besoin de s'étendre sur une telle règle qui, en l'état du droit positif, ne saurait être remise en cause. Aussi se bornera-t-on à apporter quelques précisions.

Tout d'abord, et contrairement à ce que semblait avancer le syndicat demandeur dans son pourvoi, c'est au syndicat dont la représentativité est contestée qu'il incombe de rapporter la preuve de sa représentativité (Cass. soc., 20 déc. 1988 : Bull. civ. V, n° 431 N° Lexbase : A0106ABK). C'est d'ailleurs ce que rappelle la Cour de cassation dans l'arrêt commenté en retenant, à la suite du tribunal d'instance, que le syndicat ASNIF, qui ne se prévalait d'aucune affiliation à une des cinq organisations syndicales représentatives sur le plan national, ne rapportait pas non plus " la preuve qui lui incombait de sa représentativité au sein de l'entreprise". En d'autres termes, le syndicat en cause, qui ne bénéficiait pas de la représentativité d'emprunt, n'avait pas non plus rapporté la preuve de celle-ci.

En ce qu'il a trait à la qualité des syndicats appelés à négocier le protocole préélectoral, l'arrêt commenté donne l'occasion de revenir sur une décision récente de la Cour de cassation, sans aucun doute plus novatrice. En effet, dans un arrêt du 5 juillet 2002, l'Assemblée plénière de cette juridiction a pu réaffirmer une solution qui avait déjà été retenue par la Chambre sociale dans une décision du 15 décembre 1999 (Cass. soc., 15 déc. 1999 : RJS 1/00, n° 73). Aux termes de cet arrêt, "en l'absence de délégué syndical dans une entreprise désigné par une organisation syndicale représentative au plan national, l'invitation de celle-ci à la négociation du protocole d'accord préélectoral en vue de l'élection des représentants du personnel est valablement adressée par le chef d'entreprise au syndicat constitué dans la branche ou à l'union à laquelle il a adhéré" (Ass. plén., 5 juill. 2002 : RJS 10/02, n° 1149. Adde, Ch. Barberot, "Accord préélectoral. Organisations syndicales à inviter à la négociation" : ibid., p. 807 N° Lexbase : A0621AZZ).

L'employeur doit donc convoquer au plan local l'ensemble des syndicats représentatifs au niveau national, qu'ils soient ou non implantés dans l'entreprise. Lorsqu'un tel syndicat n'a pas désigné de délégué syndical dans l'entreprise, l'invitation à négocier le protocole préélectoral doit être adressé, au choix de l'employeur, au syndicat constitué dans la branche ou à l'union à laquelle ce syndicat a adhéré. Lorsqu'en revanche un délégué syndical a été désigné, c'est au syndicat ayant procédé à cette désignation que doit être adressée l'invitation.

2- Syndicat catégoriel et participation aux élections professionnelles

On sait qu'en principe, pour les élections professionnelles dans l'entreprise, les collèges électoraux sont au nombre de deux et constitués, pour le premier, des ouvriers et employés et, pour le second, par les ingénieurs, chefs de service, agents de maîtrise et assimilés (V., par ex., pour les délégués du personnel, C. trav., art. L. 423-2 N° Lexbase : L6360ACK).
Deux exceptions à ce principe peuvent toutefois être relevées.
Tout d'abord, le nombre de collèges peut être porté à trois pour l'élection des membres du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 433-2, al.3 N° Lexbase : L6419ACQ).
Ensuite, et il en allait ainsi dans le cas d'espèce ayant donné lieu à l'arrêt commenté, il n'y a, pour l'élection des délégués du personnel, qu'un seul collège électoral dans les établissements ne dépassant pas vingt cinq salariés.

Dès lors qu'il est représentatif dans un collège, un syndicat a la faculté d'y présenter une liste de candidats. Faculté qui se trouve en réalité être un véritable monopole au premier tour des élections. Ainsi, un syndicat de cadres affilié à la CFE-CGC, et bénéficiant de ce fait de la représentativité de plein droit, peut présenter des candidats dans le collège des cadres. Mais la question s'est posée de savoir si un tel syndicat catégoriel pouvait également présenter des candidats dans les autres collèges.

Dans un arrêt déjà ancien en date du 15 mars 1985, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré qu'un syndicat catégoriel, affilié à la CGC, bénéficiant d'une représentativité de plein droit dans le collège des cadres, peut également être représentatif, et par suite présenter des candidats dans le premier collège, à la condition fondamentale d'y prouver sa représentativité (Ass. plén., 15 mars 1985 : Dr. soc. 1985, concl. Cabannes ; D. 1985, p. 573, note J.-M. Verdier N° Lexbase : A4236AA7).

Si cette solution n'a par la suite jamais été remise en cause, la Cour de cassation ne s'était encore jamais prononcée, à notre connaissance, sur la possibilité pour un syndicat catégoriel de présenter des candidats aux élections des délégués du personnel, lorsque celles-ci sont organisées au sein d'un collège unique. L'intérêt de l'arrêt commenté réside donc, principalement, dans la réponse qu'il apporte à cette question. Or, non seulement la Cour de cassation considère que, dans une telle hypothèse, un syndicat affilié à la CFE-CGC peut présenter des candidats au premier tour, mais surtout elle affirme qu'un tel syndicat, représentatif au plan national auprès des cadres, n'a pas à faire la preuve de sa représentativité au sien du collège unique.

Au-delà du fait que cette décision devrait susciter certains remous dans les rangs syndicaux, force est de constater qu'elle a le mérite de la clarté et permet surtout de couper court à d'éventuels contentieux. En outre, elle est de nature à faciliter l'élection de délégués du personnel dans les petites structures. D'un point de vue plus juridique, cette décision pourrait donner une nouvelle jeunesse aux critiques qu'avait pu susciter l'arrêt précité du 15 mars 1985. Il pourra ainsi être à nouveau argué du fait que les statuts de l'organisation catégorielle, qui définissent les catégories de personnel qu'elle prend en charge de défendre, paraissent constituer un obstacle insurmontable à une reconnaissance de représentativité au-delà des catégories visées. Il existe cependant une différence de taille entre les hypothèses en cause dans cette décision et l'arrêt commenté. En effet, était en cause dans ce dernier, une élection au sein d'un collège unique, où sont, par ce fait même, confondus cadres et non cadres. Force est dès lors d'admettre que dans semblable cas il n'y pas lieu de conjuguer une représentativité d'emprunt dans la catégorie des cadres avec une représentativité prouvée dans les autres catégories, mais bien de confondre ces deux représentativités, la première absorbant en quelque sorte la seconde.

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