Le Quotidien du 4 juin 2002 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Conception restrictive de la dérogation au repos dominical prévue par l'article L. 221-9 du Code du travail

Réf. : Cass. soc., 21 mai 2002, n° 01-00.952, N° Lexbase : A7156AYP et n° 99-13.317, N° Lexbase : A7138AYZ

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par Dirk Baugard, Université Paris I - Panthéon-Sorbonne

le 07 Octobre 2010

Par deux arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation vient de manifester sa volonté de contrôler strictement les dérogations permises au repos dominical au titre de l'article L. 221-9, 13° du Code du travail ([lxb=L5884ACW]). Dans ces deux arrêts, rendus le 21 mai 2002 à l'égard de la société France Télécom, la Cour énonce que "le bénéfice de la dérogation au repos dominical prévue, par l'article L. 221-9, 13° du Code du travail, en faveur des entreprises qui exercent l'activité d'émission et de réception de télégraphie sans fil, n'est accordé que pour les nécessités spécifiques de l'exercice de cette activité". Les faits des deux espèces ayant donné lieu aux arrêts commentés peuvent être présentés de la manière suivante. Dans la première, la société France Télécom créa un "service client par téléphone" chargé de recevoir les demandes de création et de modification de lignes, et de traiter les appels et réclamations des abonnés. Elle conclut le 20 juillet 1999, avec la société Téléperformance France, un contrat de sous-traitance prévoyant que cette dernière assurerait la prise en charge des appels destinés à ce service les dimanches et jours fériés de 7 heures à 24 heures. L'Union régionale des syndicats Sud Télécom d'Ile-de-France obtint par décision de référé et sous astreinte qu'il soit fait interdiction à France Télécom d'employer le dimanche des salariés dont la fonction consistait à répondre aux appels reçus dans le cadre de ce service client.
Dans la seconde espèce, la société France Télécom ouvrit le 5 mai 1998, dans un centre commercial de la Seine-Saint-Denis, un point d'accueil pour sa clientèle, spécialisé notamment dans la vente de terminaux de téléphonie mobile et d'appareils de radio-messagerie qu'elle décida d'ouvrir également les dimanches. A cette fin, elle employait des salariés de la société pour y travailler ce jour par roulement. L'Union régionale des syndicats Sud-Télécom d'Ile-de-France assigna la société en référé, afin qu'il lui soit fait interdiction sous astreinte de faire travailler ses salariés le jour du repos dominical.

Condamnée dans les deux cas en appel, la société France Télécom formait un pourvoi en cassation. Ce pourvoi prenait essentiellement appui sur la dérogation de droit au principe du repos dominical prévue à l'article L. 221-9, 13° du Code du travail ([lxb=L5884ACW]), accordées aux entreprises d'émission et de réception de télégraphie sans fil.

On sait que le repos hebdomadaire, dont le principe est posé à l'article L. 221-2 du Code du travail ([lxb=L5875ACL]) doit, en vertu de l'article L. 221-5 du même code ([lxb=L5878ACP]), "être donné le dimanche" ; ce principe connaît cependant diverses dérogations. Parmi celles-ci, on retrouve l'article L. 221-9 du Code du travail qui vise certains secteurs d'activité dans lesquels les établissements "sont admis de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement" et fait référence dans son 13° aux "entreprises d'émission et de réception de télégraphie sans fil".

La société France Télécom invoquait plusieurs arguments afin de pouvoir bénéficier de cette dérogation. En premier lieu, selon le pourvoi, "le bénéfice de la dérogation est accordé aux entreprises qui exercent, à titre principal, une telle activité sans autre distinction".

L'argument invoqué en deuxième lieu tenait dans l'affirmation "qu'aucune disposition de ce texte n'exige, pour prétendre au bénéfice de cette dérogation, que les activités exercées par lesdites entreprises devraient assurer la continuité du service public". Enfin, plus techniquement, le pourvoi avançait que " par ailleurs, il résulte de l'article 3 de la loi du 2 juillet 1990 ([lxb=L9430AXK]), relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, que France Télécom a pour objet, outre d'assurer tous services publics de télécommunications, de fournir tous autres services, installations et réseaux de télécommunications ; qu'entrent dans ces derniers services, en application de l'article L. 32 du Code des postes et télécommunications ([lxb=L1546AEY]), toutes prestations incluant la transmission ou l'acheminement de signaux ou une combinaison de ces fonctions par des procédés de télécommunication ; que l'activité contestée en l'espèce, de vente de terminaux de téléphonie mobile, d'appareils de radio-messagerie, de télécartes et d'abonnements au réseau Itinéris, relève nécessairement de ces services de télécommunications et, à ce titre, bénéficie incontestablement de la dérogation de droit susvisée ; que, dès lors, en statuant ainsi, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et, partant, a violé l'article L. 221-9, 13° du Code du travail". Il s'agissait donc, pour la société, d'élargir le champ de la dérogation en se fondant sur l'objet même de la société France Télécom.

Le pourvoi est rejeté dans les deux cas par la Cour de cassation, qui entend de manière stricte le champ de la dérogation déjà évoquée. Selon elle, la dérogation n'est accordée que "pour les nécessités spécifiques de l'exercice de cette activité".

Or, tel n'est pas le cas d'un point d'accueil de la clientèle dans un centre commercial où la société France Télécom vend des terminaux de téléphonie mobile, des appareils de radio-messagerie, des télécartes et abonnements au réseau car cette activité ne se rattache pas à celle spécifique d'émission et de réception de télégraphie sans fil. Dès lors, la cour d'appel pouvait constater l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au juge des référés de faire cesser.

La même solution doit être retenue à l'égard d'un service de prestations de nature commerciale, activité qui ne se rattache pas à celle spécifique d'émission et de réception de télégraphie sans fil.

Il conviendra, dans ces conditions, de déterminer ce qu'il faut entendre par les nécessités spécifiques de l'exercice de cette activité. Apparemment, tout l'aspect commercial lié à cette activité ne saurait être compris dans la dérogation posée par l'article L. 221-9 du Code du travail ([lxb=L5884ACW]), probablement parce que le service commercial peut difficilement être spécifique à telle ou telle activité. C'est peut-être alors l'aspect technique de cette activité qui est visé par le texte, c'est-à-dire tous les emplois véritablement nécessaires à l'activité devant spécifiquement être pourvus chaque jour, et donc le dimanche.

Quoiqu'il en soit, la Cour dépasse ici l'exigence, posée dans un arrêt rendu le 25 octobre 1994, dont il ressortait que le bénéfice de la dérogation prévue par l 'article L. 221-9 n'est accordé qu'aux entreprises qui exercent à titre principal l'une des activités qu'il énumère (Cass. soc., 25 octobre 1994, n° 90-12.756, [lxb=A9495AAW]).

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