Le Quotidien du 12 février 2002 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] L'indemnité spéciale de licenciement du salarié inapte est due également en cas de mise à la retraite

Réf. : Cass. soc. 29 janvier 2002, n° 99-41.028, N° Lexbase : A8610AX8

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N1932AAS

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[Jurisprudence] L'indemnité spéciale de licenciement du salarié inapte est due également en cas de mise à la retraite. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3213094-0
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le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt rendu le 29 janvier 2002, la Chambre sociale de la Cour de cassation était amenée à se prononcer sur les conditions du droit à l'indemnité spéciale de licenciement due aux salariés déclarés inaptes à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Les magistrats ont estimé que cette indemnité spéciale de licenciement était due au salarié, que la rupture intervenue prenne la forme d'un licenciement ou d'une mise à la retraite.

Un salarié avait été victime d'un accident du travail, à la suite duquel il fut déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail. Remplissant les conditions d'une mise à la retraite, l'employeur fit le choix de ce mode de rupture plutôt que de prononcer un licenciement. Le salarié saisit alors la juridiction prud'homale en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement due au salarié licencié à la suite d'une inaptitude consécutive à un accident du travail. Débouté en appel, le salarié forme un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, estimant qu'il résulte de l'article L. 122-32-6 du Code du travail que "la rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ouvre droit pour le salarié non reclassé dans l'entreprise, que cette rupture prenne la forme d'un licenciement, prononcé en raison de l'impossibilité démontrée du reclassement du salarié ou en raison de son refus du poste de reclassement proposé, ou d'une mise à la retraite prononcée en conformité avec les dispositions légales et conventionnelles, à [l'] indemnité spéciale de licenciement (...)".

La solution ainsi rendue par la Chambre sociale n'est pas véritablement nouvelle : en 1998, elle avait déjà estimé que l'indemnité spéciale de licenciement était due en cas de la mise à la retraite "motivée par l'impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail" (Cass. soc. 4 juin 1998, n° 95-41.832, N° Lexbase : A5357ACE). Elle n'en présente pas moins quelques aspects intéressants, qui nécessitent un bref rappel concernant le licenciement du salarié inapte.

Un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficie d'un certain nombre de règles légales le protégeant contre le licenciement ou lui octroyant des avantages, contrepartie minimale au préjudice que lui a indirectement causé son activité professionnelle.

Dans le cas où l'accident du travail l'a rendu inapte à l'exercice de son emploi, inaptitude qui doit être constatée par le médecin du travail aux termes de deux visites médicales espacées de 15 jours (R. 241-51-1 du Code du travail, N° Lexbase : L9929ACQ), l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, "au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail" (L. 122-32-5 du Code du travail, N° Lexbase : L5523ACK).

Il pèse donc sur l'employeur une véritable obligation de reclassement du salarié devenu inapte à son emploi, recherche de reclassement qui doit obligatoirement tenir compte des conclusions écrites et des propositions du médecin du travail.

Le licenciement du salarié inapte ne peut intervenir que si l'employeur " justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un autre emploi (...), soit du refus par le salarié de l'emploi proposé (...)" (L. 122-32-5, alinéa 4, du Code du travail, N° Lexbase : L5523ACK).

Dans ce cas, l'article L. 122-32-6 du Code du travail dispose que "la rupture du contrat de travail (...) ouvre doit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice [de préavis] ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité [légale de licenciement ] (...)".

Le texte vise ainsi "la rupture du contrat de travail" à la suite de l'impossibilité de reclassement du salarié inapte et non le simple licenciement. La Chambre sociale en déduit, dans l'arrêt ici commenté, que l'indemnité spéciale de licenciement est due en cas de licenciement mais aussi lorsque la rupture prend la forme "d'une mise à la retraite prononcée en conformité avec les dispositions légales et conventionnelles". Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt de 1998 (Cass. soc. 4 juin 1998, n ° 95-41.832, N° Lexbase : A5357ACE), les magistrats avaient préalablement précisé qu'aucun texte n'interdisait à l'employeur de procéder à la rupture du contrat du salarié inapte par une mise à la retraite.

Cependant, le choix de ce mode de rupture, valable si le salarié en remplit les conditions , ne doit pas entraîner un préjudice pour le salarié par rapport à ce qu'il aurait dû recevoir comme indemnité ; autrement dit, le choix d'un mode de rupture au régime spécifique, s'il est acceptable, ne doit pas avoir pour effet de contourner l'application de règles légales protectrices liées à une rupture motivée par une inaptitude due à un accident du travail. Dans la mesure où la rupture est consécutive à une inaptitude et à une impossibilité de reclassement, elle ouvre droit, quelle que soit la forme qu'elle prenne, à l'indemnité spéciale de licenciement de l'article L. 122-32-6 du Code du travail. Respectant tout à la fois le pouvoir de gestion de l'employeur et les intérêts du salarié devenu inapte à son emploi, cette solution emporte l'adhésion.

Si l'employeur peut s'engager sur la voie d'un autre mode de rupture du contrat en cas d'inaptitude, à la double condition que le salarié ne soit pas lésé de ses droits et que les conditions légales soient réunies, les magistrats ont néanmoins estimé qu'en aucun cas, la rupture du contrat de travail du salarié inapte ne pouvait intervenir par commun accord (Cass. soc., 29 juin 1999, n° 96-44.160, N° Lexbase : A4617AG4), faisant ainsi échapper l'employeur à ses obligations légales.

Benoît Juéry
SGR - Droit social


A lire également :

"Le licenciement du salarié inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle" dans la base juridique "Droit du travail" N° Lexbase : E4056AGC
"La mise à la retraite" dans la base juridique "Droit du travail" N° Lexbase : E3770ASG

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